Il y a quelques années, la presse assimilait souvent le Net à l’échange d’images pornographiques. L’essor de la nouvelle économie a eu raison de cette mauvaise réputation et c’est désormais Amazon.com qui fait la Une des journaux.
Pourtant, il n’y a jamais eu autant de pornographie sur le réseau, dont beaucoup de pornographie illégale, tout simplement parce que les internautes ne se sont jamais autant échangés de fichiers pirates. Les plates-formes réparties de type Napster sont en train de faire réapparaître à la surface un trafic qui s’était confiné à des newsgroups désuets.
Tout s’échange sur le Net, avec une fluidité sans précédent. Des systèmes comme l’excellent iMesh ou le pionnier Scour permettent non seulement d’échanger de la musique, mais aussi des photos et des films – en format MPEG ou QuickTime. De son côté, le monde Unix préfère Gnutella, un subtile système réparti qui interroge des séries de serveurs pour trafiquer tout type de données.
La liste promet de s’allonger. On apprenait il y a peu l’existence d’un réseau d’échanges de jeux vidéo développé par Jeffrey Freeman, un programmeur de 17 ans de Philadelphie. Baptisée Swapoo (ou anciennement RomNet), son système permet de télécharger des jeux destinés aux consoles Nintendo ou Dreamcast pour les utiliser sur PC au moyen d’un émulateur.
Il ne serait pas étonnant qu’un de ces logiciels se spécialise dans l’échange de matériel porno, mais ce ne sera même pas nécessaire. Sur Scour Exchange, on trouve déjà des milliers d’images et de films classés X, légaux ou illégaux. En se focalisant sur la musique, Napster a pu en quelque sorte se protéger du marché du sexe, mais les plate-formes qui lui succèdent annoncent la plus grande foire de matériel porno de l’histoire du Net.
Pourtant, les systèmes répartis, s’ils offrent l’avantage de la simplicité, sont moins anonymes que les antiques newsgroups car c’est l’ordinateur de chaque internaute qui sert de diffuseur. L’information est contenue sur sa machine, identifiable par une adresse IP (qui, même si elle change à chaque connexion, peut être retrouvée par l’intermédiaire du fournisseur d’accès). Mais si l’on en croit le nombre d’extraits de films disponibles sur Scour, cela n’a pas l’air de freiner les internautes, que ce soit en matière de pornographie traditionnelle ou dure.
Comme dans l’affaire Napster, la justice risque de se retrouver bien démunie devant ce souk numérique. Le procès de la plate-forme musicale, qui aura lieu cet automne, tentera de mettre fin aux violations des droits d’auteur sur Internet. Le trafic de données illégales reste une autre affaire.
Il suffit d’examiner l’évolution qu’ont connue les newsgroups. Initialement, il s’agissait de forums non modérés destinés à échanger des informations et des données scientifiques. En quelques années, ils ont complètement changé de nature. La plupart des forums sont devenus un repère vaseux de propagande publicitaire pour des sites pornos barbares et violents, souvent illégaux. Ces sites, généralement hébergés (ou redirectionnés) en Russie, diffusent un contenu clairement condamné, notamment par l’article 197 du Code pénal suisse.