Le premier sursaut est apparu en 1998 avec un disque de techno obscure publié sous le nom de Sutra. Sur la pochette, deux hommes ensanglantés: le DJ Patrick Vidal (ex-Marie et les Garçons) et Mirwais, qui ont enregistré ensemble ces plages atmosphériques.
L’album n’est remarqué que par quelques amateurs d’electronica mais cela suffit à déclencher un buzz. A Paris, on commence à reparler sérieusement de Mirwais et de son influence sur la «french touch». D’autant que des groupes de pointe comme Air mentionnent Taxi Girl parmi les artistes qui les ont inspirés.
De son studio parisien, le guitariste devenu manipulateur de synthés prépare son retour aux avant-postes. Il assemble le riff de «Cannonball» des Breeders à un rythme sado-masochiste style Daft Punk. Résultat: «Disco Science», soit six minutes d’electro irrésistible qui permettent à Mirwais de décrocher un contrat de distribution pour l’Europe. Il confie la réalisation de la vidéo à un ami, le photographe Stéphane Sednaoui, ex-compagnon de Björk et star du clip musical – il a notamment signé le «Fever» de Madonna, à qui il rend visite régulièrement à New York et à Londres.
C’est lors d’une de ces visites que Sednaoui offre le disque et la vidéo de «Disco Science» à Madonna. Avec quelques arrière-pensées. Elle sera peut-être intéressée à distribuer Mirwais sur le marché américain par le biais de son label Maverick? Sa réponse est encore plus enthousiaste: elle décide de se soumettre à la direction artistique du musicien français qui vit avec très peu de moyens à Paris.
Ensemble, les deux M composent et enregistrent six morceaux en secret dans un studio de Londres: «Music», «Impressive Instant», «I Deserve It», «Nobody’s Perfect», «Don’t Tell Me» et «Paradise». Ce dernier titre sera inclus en primeur dans l’excellent album solo «Production» de Mirwais, qui paraît au printemps 2000. Les autres figureront sur le successeur de «Ray Of Light» de Madonna, prévu pour l’automne.
Quand les services de Madonna annoncent que Mirwais a cosigné et produit six titres du nouvel album, c’est la stupéfaction. Personne n’y croit. Pourquoi l’a-t-elle choisi, lui, parfaitement inconnu sur la scène internationale? Elle peut s’offrir les services de n’importe quel producteur branché, de n’importe quel DJ futuriste. Ces dernières années, elle a travaillé avec William Orbit, Massive Attack et Nellee Hopper, considérés comme les meilleurs fabricants de pop de la décennie 90. Avec ses sons analogiques baveux et ses syncopes electro, la musique de Mirwais figurerait-elle le son des années 00?
Peut-être. A l’écoute de «Production», on découvre une musique totalement numérique qui réussit pourtant à éviter les sonorités digitales: une prouesse. Seul un créateur comme Mirwais, au bénéfice de vingt ans de travail en studio, pouvait parvenir à un tel alliage. Il y a quelque chose d’organique dans ces textures et ces mélodies. La musique de Mirwais, c’est une pop moderne à écouter la nuit sur l’autoroute ou au petit matin dans un club. Une musique synthétique et pourtant sexy: parfaite pour Madonna.