LATITUDES

Ces mystérieux points de côté

Tout roule et puis soudain, il est là. Sans prévenir, un point de côté vient stopper l’effort. Que sait-on de ce compagnon redouté des sportifs? Quelle est son origine et comment l’éviter? Le point ce sur problème.

Beaucoup de sportifs souffrent de points de côté. C’est la hantise tant des débutants que des professionnels, qui craignent de se trouver subitement freinés ou même contraints à l’arrêt. Pas étonnant dès lors que les magazines sportifs abordent régulièrement le sujet. Des recommandations pour les éviter y foisonnent. Ainsi, au début du mois de juillet, «Runner’s World» révélait «Quatre moyens de stopper ces redoutables points de côté».

Sur internet figurent de multiples recettes qui permettraient d’y échapper. Bien qu’infondées scientifiquement, elles n’en sont pas moins présentées comme infaillibles. Exemple: «arrêtez et prenez une grande inspiration. Gardez l’air dans vos poumons et enfoncez vos doigts le plus possible, sans vous faire mal bien entendu, à l’endroit où se situe votre point de côté. Pliez-vous en même temps vers l’avant et expirez par la bouche la totalité de l’air que vous avez emmagasiné.»

Moins prétentieux, les remèdes de grands-mères abondent aussi. Parmi ceux-ci, retenons: s’arrêter, prélever une pierre, cracher dessus et la reposer, pencher le buste en avant, lever les bras puis toucher le sol, joindre tous les doigts et continuer en marchant, appuyer son poing sur la zone douloureuse, expirer fortement, trois fois plus que l’on expire.

Le monde médical est resté longtemps silencieux face à une telle panoplie de «remèdes». On assiste toutefois depuis peu à un intérêt croissant de la communauté scientifique pour ce problème, la plupart du temps bénin. Qualifié de «Douleur Abdominale Transitoire liée à l’Effort» ou DATE, le «point de côté» est décrit comme une crampe ou un «coup de couteau», selon la sévérité. «Il s’agit d’une des plaintes les plus fréquentes liées au sport, avec un impact sur la performance. Ce sujet a paradoxalement été peu exploré, et reste donc mal compris», lit-on dans un article signé par un collectif d’auteurs et paru dernièrement dans la Revue médicale suisse. Intitulée «Que sait-on sur le ‘point de côté’ lié à l’effort?», cette contribution fait le point sur l’état actuel des connaissances.

Ainsi, en questionnant 965 sportifs, des chercheurs ont constaté que 61% d’entre eux ont présenté une DATE durant l’année précédente. La prévalence pour chaque sport était la suivante: 75% pour la natation, 69% pour la course à pied, 62% pour l’équitation, 52% pour le fitness, 47% pour le basketball et 32% pour le cyclisme. Indépendamment de l’activité physique exercée et des individus, des études récentes ont montré que les DATE présentent de multiples caractéristiques communes, ce qui parle en faveur d’une étiologie (cause) unique. Deux tiers des personnes ressentent la douleur toujours au même endroit et la majorité d’entre elles à n’importe quel moment de l’exercice. Seuls 20% s’en plaignent au début de l’activité physique.

La DATE disparaît pourtant en quelques minutes après l’arrêt de l’effort. Ceci explique l’efficacité de la plupart des remèdes de charlatan qui conseillent de commencer par s’arrêter avant de procéder à divers mouvements ou respirations. «Toute douleur qui perdure au-delà est suspecte et devrait inciter à consulter un médecin pour éventuellement éliminer une pathologie plus grave», mettent en garde les auteurs.

Côté facteurs de risque, il n’y aurait pas de différence entre les deux sexes. La prévalence et la sévérité des points diminueraient d’ailleurs avec l’âge. Les sportifs bien entraînés ne sont pas épargnés mais les ressentent moins souvent et douloureusement. L’intensité de l’effort semble avoir une influence: deux fois plus de DATE pour la marche que pour la course à pied.

Enfin, l’article souligne que «depuis une quinzaine d’année, plusieurs études ont permis d’en savoir un peu plus sur l’étiologie de ce phénomène, sans pour autant avoir une explication définitive pour le moment». Le mystère demeure.

En attendant son élucidation, et en l’absence d’une méthode thérapeutique prouvée pour prévenir et stopper les douleurs, des conseils de base peuvent néanmoins être donnés, «avec une efficacité très individuelle», relativisent les auteurs de l’étude. Voici ces précieuses indications: «une modification des comportements en ce qui concerne l’alimentation avant l’effort, la modulation de l’intensité durant l’effort, le contrôle de la respiration, associés à des exercices de gainage, semblent être les meilleures stratégies».

Point final.