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Corruption: la Suisse peut mieux faire

La Suisse passe souvent pour un pays exempt de corruption. Et si ce n’était qu’un mythe? Dans tous les cas, les lanceurs d’alerte y restent peu protégés par la loi.

12% des dirigeants d’entreprise helvétiques estiment que la corruption est largement répandue dans leur pays, révèle une enquête Ernst & Young plaçant la Suisse au 4e rang mondial. «La corruption n’a pour autant pas été éliminée du monde des affaires», estime Michael Faske, du service de recherche sur la fraude chez Ernst & Young Suisse.

Le secteur privé n’est pas le seul concerné. «L’indice sur la perception de la corruption d’agents publics — juges, politiciens ou bureaucrates — classe la Suisse au 7e rang», note Eric Martin, président de cialis prescription charge. La corruption n’est automatiquement poursuivie qu’en cas de menace à l’intérêt public. «La loi adoptée à l’automne dernier, qui entrera en vigueur en juillet, criminalise la corruption privée. Elle sera poursuivie d’office, et plus sur la base d’une dénonciation.»

Prévenir la corruption est une tâche complexe. On le voit avec des affaires comme celle de Petrobras au Brésil, pour laquelle la Suisse a dû bloquer des millions de francs ayant transité par ses banques; ou celle du fonds public asiatique 1MDB, révélée par Xavier Justo. Le Genevois purge une peine de prison à Bangkok pour avoir subtilisé des données prouvant des transactions douteuses sur les comptes du premier ministre malaisien.

Un projet de loi à l’étude depuis douze ans

Racket, fraude, blanchiment, pots-de-vin, rétro-commissions: la corruption est multiple. Elle est insidieuse lorsqu’il s’agit d’avantages en nature ou en espèces lors d’un échange commercial, de faveurs sexuelles ou d’un article flatteur dans la presse. «En Suisse, il est assez commun lors des embauches universitaires que les professeurs favorisent leurs étudiants. Dans beaucoup d’autres pays, ils seraient priés de quitter les commissions d’embauche», remarque Gerald Schneider, professeur à l’Université de Constance.

«La Suisse n’a jamais aimé les lanceurs d’alerte», remarque le journaliste Alain Maillard dans les colonnes de Sept.info. Exemple avec Pascal Diethelm et Jean-Charles Rielle, du centre de prévention du tabagisme de Genève (Cipret), qui dévoilent en 2001 les liens entre le scientifique Ragnar Rylander et Philip Morris. Pendant trente ans, le chercheur et la multinationale ont publié des études sur l’innocuité du tabagisme passif. Les deux militants du Cipret seront condamnés à une peine pécuniaire de 10’000 francs pour diffamation.

Les lanceurs d’alerte restent peu protégés en Suisse. Un projet de loi est à l’étude depuis douze ans. La dernière version propose une indemnité d’un an de salaire et le retour de l’employé en cas de licenciement abusif. «Le parlement a considéré que cette loi n’était pas praticable et l’a retournée au Conseil fédéral, afin de la simplifier», précise Eric Martin.

Que faire en attendant? Pour Gerald Schneider, «la Suisse a besoin d’une refonte en profondeur de son système politique, afin que les campagnes électorales et les référendums soient plus transparents». Mais qui osera porter une telle réforme?
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ENCADRE

Le conflit d’intérêts, une forme de corruption?

Non, explique Céline Ehrwein Nihan, professeure d’éthique à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud – HEIG-VD. «Un conflit d’intérêts peut exister sans obligatoirement déboucher sur un comportement moralement ou juridiquement répréhensible. Mais on peut cependant dire que certains conflits d’intérêts se déploient sous forme de corruption.» S’ajoute à cela le fait que la corruption implique deux protagonistes qui jouent un rôle actif dans ce processus. «Or, ce n’est pas toujours le cas dans les conflits d’intérêts entre deux entités, développe Céline Ehrwein Nihan. Généralement, celles-ci ne se partagent pas le rôle d’acteur à égalité. Il arrive même assez souvent que l’un des deux protagonistes soit réduit au statut de pur patient de l’action de l’autre, voire ignore totalement les intérêts de son vis-à-vis. C’est d’ailleurs pour éviter ce type de déséquilibre qu’il est attendu, dans un débat politique par exemple, que les personnes qui s’expriment déclarent leurs intérêts.»
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TROIS QUESTIONS À

Dirigeants suspendus à vie, révélations de racket, fraude et blanchiment sur vingt-cinq ans, accusation de gestion déloyale, l’affaire de corruption à la FIFA est l’un des plus grands scandales actuels. Trois questions à Charles Salvaudon, chargé de cours en gouvernance d’entreprise et gestion des risques à la Haute école de gestion de Genève (HEG).

Comment une telle corruption a-t-elle pu perdurer si longtemps à la FIFA?

Un système de contrôle interne faible, un manque de mécanismes de surveillance et un manque d’audits internes pourraient expliquer cette situation.

Le moment est-il venu de refondre un système gangrené?

C’est en effet une formidable opportunité pour le nouveau président de la FIFA de repenser la gouvernance de cette organisation et de mettre en place de nouveaux mécanismes de contrôle et de surveillance afin d’améliorer l’éthique au sein de ces instances.

De nouveaux outils de gouvernance permettraient-ils de sortir de l’impasse?

Le nouveau président a certainement cette question dans son agenda à l’heure actuelle. La crédibilité de cette grande organisation internationale va certainement passer par une refonte des mécanismes de surveillance et de contrôle afin de garantir une meilleure gouvernance et par conséquent une plus grande transparence.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères (no 11).

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