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Méfiez-vous des décibels

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Se dirige-t-on, à terme, vers une génération de nouveaux sourds? La question était au cœur des discussions de la dernière édition de cialis 20 mg dosage, qui s’est tenue dans plusieurs villes de France, de Belgique et de Suisse en janvier dernier. Des chiffres récents inquiètent les spécialistes: de plus en plus de jeunes écoutent fréquemment de la musique, dont l’intensité est amplifiée par les casques ou écouteurs.

Une enquête française effectuée en 2014 auprès d’environ 5’000 personnes, publiée dans le «Bulletin épidémiologique hebdomadaire» de l’Institut de veille sanitaire (inVS), montre que depuis 2007 le nombre de personnes concernées à triplé chez les 18 à 35 ans, passant de 4 à 13%. Cette proportion atteint même 25% pour les 15-19 ans. Par ailleurs, selon des données récentes de l’Organisation mondiale de la santé, environ 50% des jeunes de 12 à 35 ans en provenance de pays à haut et moyen revenus sont exposés à des niveaux sonores trop élevés.

Cette tendance n’est pas sans risque. «Plus l’intensité sonore est forte, moins on peut se permettre d’y rester exposé longtemps sans danger», explique Raphaël Maire, responsable de la consultation d’audiologie et otoneurologie du CHUV. Pour l’heure, le spécialiste n’enregistre aucune consultation pour des problèmes liés à l’écoute de musique par le biais de casques audio. Il recommande cependant vivement de rester attentif à sa consommation sonore. «Si l’on souhaite écouter de la musique avec une plus grande fréquence, il faut dès lors impérativement baisser le volume. A 85 décibels par exemple, on pourrait théoriquement écouter de la musique à longueur de journée sans risques. A 90 décibels, on devrait limiter à 20 heures d’écoute par semaine et à 95 décibels à 6 heures par semaine. Dès 103 décibels, il ne faudrait pas dépasser une heure maximum par semaine.»

Risque de dégâts auditifs

Le volume sonore émis par les appareils aujourd’hui sur le marché dépasse souvent les 85 décibels. «La loi oblige les constructeurs de sources sonores comme les smartphones et les lecteurs MP3 à bloquer l’intensité à environ 100 décibels au maximum, note Raphaël Maire. Cette intensité est forte et ne peut être tolérée que deux heures par semaine, sans risque de dégâts auditifs. L’un des problèmes est que les marques tendent à se livrer une certaine concurrence dans ce domaine et certains produits peuvent atteindre jusqu’à 105 décibels.»

Une personne qui ne suit pas ces recommandations risque d’endommager son audition. Selon la Fondation romande des malentendants, les dommages peuvent être temporaires (bourdonnements, sifflements…) ou persistants et irréversibles (acouphènes, baisse sensible de l’audition, hypersensibilité au bruit…). «Très souvent le patient ne ressent aucun signe particulier, détaille la rubrique «prévention» du site de la Fondation. Néanmoins, on peut dire à coup sûr que quelques cellules ciliées (les cellules sensorielles qui tapissent l’oreille interne, ndlr) ont été abîmées. C’est l’accumulation de ces microtraumatismes qui provoque la dégradation prématurée de l’oreille et, par conséquence, les surdités précoces.» Les symptômes peuvent se manifester après plusieurs années.

Pascal Senn, médecin agrégé au Service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) des HUG, se veut rassurant concernant les risques des casques audio. «La législation suisse en matière de bruit, notamment en ce qui concerne les appareils sonores, s’est passablement améliorée au fil des ans. Elle est aujourd’hui beaucoup plus restrictive qu’il y a encore une dizaine d’années.» Il relève que le type de casque (oreillettes ou casque couvrant) est totalement négligeable en comparaison avec l’intensité d’écoute et la durée d’exposition. «On trouve sur le marché de plus en plus d’appareils équipés de réducteurs automatiques du son, ajoute-t-il. En filtrant mieux les bruits de fond, ils permettent d’écouter de la musique plus doucement.»

Concert, klaxon et explosion

Certains bruits environnants dépassent amplement les 85 décibels tolérés par l’oreille sur le long terme. Devrions-nous protéger nos oreilles en permanence? Deux mécanismes naturels s’en chargent, explique Raphaël Maire. Le premier est d’ordre musculaire (réflexe stapédien) et permet de diminuer l’énergie vibratoire dans l’oreille interne. Il intervient dès 85 décibels et atténue le bruit de 7 à 10 décibels. «Le problème réside dans le temps de latence de ce mécanisme qui est compris entre 50 et 100 millisecondes. Il n’est par conséquent d’aucune utilité dans le cas d’un coup de feu, d’un klaxon ou de l’explosion d’un pétard par exemple.» Le second relève de processus neurochimiques qui diminuent l’excitabilité des cellules auditives de l’oreille et des neurones du nerf auditif.

Un autre risque potentiel peut provenir de la fréquentation de concerts. A plus forte raison lorsque l’auditeur demeure de manière prolongée à proximité immédiate des enceintes. Chacun doit surveiller son contact avec le son. Raphaël Maire pointe deux tests, faciles à réaliser, qui devraient alerter toute personne exposée à un bruit potentiellement dangereux pour l’ouïe: la douleur physique et le fait de ne plus pouvoir parler à son voisin, même en hurlant. Il ajoute que diverses applications de sonomètres permettent de se faire une idée de l’intensité sonore dans tout type de lieu (voir ci-dessous).

Chasse aux décibels trop élevés

Aujourd’hui considérée comme un enjeu de santé publique, l’exposition à des charges auditives importantes incite organisations et autorités à prendre des mesures. En Belgique par exemple, le «Label 90 dB Concert» vient d’être lancé pour améliorer l’environnement sonore des salles de spectacles musicaux. En France, des pièces de théâtre sont jouées dans les écoles pour sensibiliser les jeunes aux dangers des casques audio. En Suisse, la chasse aux décibels trop élevés se poursuit dans les lieux de concerts, mais aussi sur les routes. Dès juillet 2016, une nouvelle ordonnance antibruit entrera en vigueur: elle interdira l’ouverture manuelle des clapets d’échappement de certaines voitures, qui modifie et augmente le son à la sortie du gaz.

Pascal Senn, des HUG, estime que la mise en place de ces mesures doit rassurer la population. «Le temps des «grands traumas auditifs liés à la guerre et à l’industrialisation, où les limites sonores ont été largement dépassées durant des années sont derrière nous, assure-t-il. En fait, je dirais qu’écouter de la musique à un niveau élevé c’est comme avec le ski: plus on va vite, plus c’est amusant. Il faut simplement trouver le juste milieu pour ne pas courir trop de risques.»
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ENCADRE

Des app pour mesurer le son

DeciBel 10th
DeciBel 10th permet une lecture simple et précise du niveau sonore. L’utilisateur peut exporter les données récoltées, les envoyer par e-mail et prendre une photo du lieu, qui affiche le niveau sonore.

SPL Meter
Simple d’utilisation, la mesure de décibels est précise. Il est possible d’atténuer les basses ou les hautes fréquences. La mesure effectuée ne peut être sauvegardée.

NoiseTube
Conçue pour la prise de son en extérieur, NoiseTube mesure la pollution sonore d’un quartier d’habitation. Elle permet de se géolocaliser et de créer une carte avec les différents degrés de bruit rencontrés.
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 8).

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