Au menu de cette saison estivale: une «Mission Impossible 2» fortement épicée par John Woo et deux comédies sentimentales douces-amères, «Un de trop» et «Un couple presque parfait».
Ce qu’il y a de bien avec les films de l’été, c’est que personne n’en attend grand chose. Tout le monde sait qu’en cette morne saison cinéphilique, les studios grattent leurs fonds de tiroirs et tâchent d’écouler leur stock, laissant la rentrée aux grandes sorties. Aussi le cinéphage ne va-t-il plus au cinéma que par pur réflexe.
Or cette année, il se surprend à revisiter des genres hypercodifiés. Inutile de revenir sur «Gladiator» (évoqué il y a peu), tentative plutôt réussie de revivifier le péplum. On s’attardera en revanche sur «Mission impossible 2», film d’action pur sucre – et qui n’est certes pas un film négligeable, bien que programmé au beau milieu du mois de juillet. Tout en restant fidèle aux canons du genre (et, plus lointainement, à la série télé qui l’inspire), ce deuxième épisode en cinémascope des aventures d’Ethan Hunt a en effet une saveur particulière, puisque c’est John Woo qui succède à Brian De Palma pour en assurer la réalisation.
Stupéfiant John Woo, qui parvient à faire décoller un film aussi calibré! Car la structure en est tout à fait archétypale: agent secret contacté pendant ses vacances pour une mission inopinée, succession de scènes de bravoure toujours plus longues et casse-gueules, débauche de gadgets high-tech, idylle entre le héros et une voleuse aux charmes non-négligeables… Voilà pour les ingrédients classiques. Mais le réalisateur y ajoute son assaisonnement, plutôt harissa que fade vinaigrette. Il a tôt fait de projeter le film dans des sphères symboliques, le gentil Hunt (en anglais: le chasseur) courant après une «Chimère» tueuse de populations et affrontant un dangereux frère-ennemi.
Surtout, John Woo pimente son film en y introduisant un désir brûlant: celui qu’Ethan Hunt et son ennemi éprouvent pour la belle gourgandine, et qui n’a rien de commun avec les béguins jamesbondesques, juste anecdotiques. Ce désir-là vient brouiller les rapports de force et sortir Hunt de son professionnalisme légendaire. Le film lui doit son délicieux déséquilibre, son vertige jouissif.
Ce vertige hante d’ailleurs beaucoup de scènes. A commencer par le générique, filmé au-dessus des rocheuses. Il est comparable à celui qui s’empare des danseurs qui ont trop tournoyé. John Woo fait constamment référence à la danse en couple: au flamenco du prologue répond la valse des voitures prises dans une course-poursuite, puis le pas de deux des motos d’Ethan et de son ennemi, qui finiront par un corps à corps chorégraphié comme une pièce de Pina Bausch.
Autre genre hypercodifié au menu de tout été qui se respecte, la comédie sentimentale. Avec le thème du moment: l’homosexualité! Vous allez me dire que cela fait bientôt dix ans que ça dure. Seulement les familles recomposées, le Pacs et la gay pride généralisée – signe de la nouvelle visibilité de l’homosexuel dans la société occidentale – ont aujourd’hui des prolongements inédits qui font le beurre des scénaristes des comédies, véritables sismographes des tendances sociétales.
Dans «Un de trop» («Three to tango»), qui s’apprête à sortir sur les écrans helvètes, on voit un jeune architecte hétéro et timide devenir, à son insu et après moult quiproquos, «Gay de l’année»! Situation absurde qui débouche sur un amusant renversement: au moment de la remise du prix, le jeune hétéro fait son coming out à l’envers et confesse devant tout le monde, d’un air navré et repenti: «I am not gay!»
Dans le même registre, John Schlesinger, réalisateur plutôt peu inspiré et piètre metteur en scène, signe une comédie réunissant Madonna et Rupert Everett pour former «Un couple presque parfait». Le titre est assez explicite: les deux personnages s’adorent et décident d’élever ensemble un enfant; il y a juste un détail: lui (Rupert) est gay et les deux concubins font chambre séparée.
D’abord habilement troussée comme du simili-sitcom, la comédie verse dans le film de mœurs. Lui supporte assez mal le nouveau fiancé d’elle, qui décide de s’en aller en enlevant leur rejeton. Ça commence comme «Le mariage de mon meilleur ami», mais la suite ressemble plutôt à «Kramer contre Kramer». Et les codes du comique se laissent infiltrer par une douce mélancolie. Celle-ci atteint sa quintessence dans une scène toute simple et anodine: Madonna, devant son miroir, se remonte les seins en murmurant «1989!», puis les laisse retomber… «1999!» La remarque résonne étrangement, de la part d’une star qui incarna jadis une certaine idée de l’insolence et de la jeunesse. Comme quoi, sous leur verni convenu, les films de l’été 2000 dissimulent quelques saveurs douces-amères.
