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Made for myself

La personnalisation d’objets de consommation communs se nomme la «mass-clusivité». Les marques sont nombreuses à utiliser ce concept marketing pour augmenter leurs ventes. Et le consommateur égocentrique mord à l’hameçon.

Le business de l’ego et le marketing du moi ont le vent en poupe. Choisir la couleur et les équipements de sa voiture jusque dans les moindres détails, mettre ses initiales sur ses baskets, son sac à main ou la coque de son smartphone: grâce aux nouvelles technologies, beaucoup d’objets du quotidien sont personnalisables. Le phénomène existe depuis longtemps dans certains secteurs de l’artisanat haut de gamme, comme l’explique François Courvoisier, doyen de l’Institut du marketing horloger et professeur à la Haute école de gestion Arc – HEG Arc: «En horlogerie, on crée des pièces uniques ou en très petite série depuis le XVIIe siècle. Certaines maisons en font même une marque de fabrique.» Mais ce qui est nouveau, c’est la récupération de ce concept par l’industrie d’objets de consommation grand public.

La personnalisation d’un sac griffé ou d’une chemise sur mesure brodée de ses initiales se fait désormais couramment. Et ça fonctionne: lancée en 2009, la campagne «Mon monogramme» de Vuitton fait toujours un tabac. Elle offre la possibilité d’apposer les initiales de son propriétaire à côté de celles du célèbre maroquinier. De quoi rendre son banal sac de série exclusif. Même concept chez le créateur de vêtements Ralph Lauren qui va jusqu’à graver les initiales de l’acheteur sur les boutons de manchettes de ses chemises.

«Rendre l’objet unique, c’est une manière de valoriser le client, de jouer sur le relationnel direct et l’émotionnel. Le marketing anticipe et exploite les désirs du consommateur, cela dans le but de générer davantage de satisfaction et de le fidéliser», explique Julien Intartaglia, professeur de marketing et publicité à la HEG Arc. Suite au succès phénoménal de ces campagnes, les objets les plus communs ont aussi commencé à être personnalisés. L’industrie a même fait évoluer le concept en créant la «mass-clusivité», la personnalisation de masse, poussée jusqu’à l’hyperpersonnalisation par l’impression d’un prénom sur l’objet. On a ainsi vu arriver tour à tour les prénoms sur les M&Ms, les bouteilles de Coca ou les pots de Nutella.

Attente du consommateur

Ces stratégies ont été couronnées de succès pour les marques et beaucoup ont poussé le concept encore plus loin. Si l’offre de la bouteille de Coca personnalisée se limitait par exemple à 150 prénoms au début de la campagne, il est aujourd’hui possible de commander une bouteille à son nom sur internet et de se faire livrer son «flacon» gravé à domicile. Finie la déception de se sentir oublié par la marque: «L’introduction du digital et des nouvelles technologies dans les stratégies marketing ont complètement changé la donne. Ils permettent de collecter et d’exploiter une immense quantité d’informations fournies par les bases de données clients et offrent la possibilité de personnaliser la masse en faisant du one to one sur les objets les plus communs», explique Julien Struchen, spécialiste en marketing et assistant de recherche à la HEG Arc.

La tendance correspond aussi à l’attente du consommateur. «Il souhaite être unique dans un monde de plus en plus globalisé et uniforme, même avec les choses qui ne lui sont pas spécifiques, analyse le sociologue Sandro Cattacin. On ne veut plus de produits standardisés. Afficher son prénom sur un objet donne l’impression d’appartenir à une communauté (celle des mangeurs de Nutella, par exemple, ndlr), tout en se sentant exclusif. Cela crée un lien particulier avec lui, l’extirpe de la standardisation et suscite la reconnaissance rassurante d’autrui.» Coca-Cola a bien compris ce besoin de reconnaissance sociale: le consommateur s’éternise désormais devant le rayon des boissons pour trouver son prénom ou celui de ses proches afin de leur offrir… une bouteille de soda.

Impression 3D

A quand la lassitude de voir son prénom trop souvent affiché à côté du logo d’une marque? «Pour l’heure, le concept rapporte, sinon il aurait disparu, souligne Julien Struchen. Financièrement, la personnalisation induit un coût mais reste lucrative pour l’industrie.» Pour éviter la lassitude et la frustration du consommateur, certaines marques se lancent dans un autre créneau de personnalisation: elles permettent au client de devenir le créateur de l’objet ou de son emballage.

Avec sa campagne «Build your own», McDonald’s offre par exemple à ses clients australiens et américains la possibilité de composer leur propre burger sur des bornes interactives. «Les créateurs de sandwichs peuvent ensuite proposer leur invention à un concours. Les meilleurs burgers sont ensuite commercialisés avec le prénom de leur auteur sur l’emballage», raconte Julien Intartaglia. Si toutes ces stratégies qui titillent l’ego du consommateur fonctionnent pour l’instant, l’industrie lorgne déjà vers la multitude de possibilités offertes par l’impression 3D. Il est encore trop tôt pour dire quel sera l’avenir de cette technologie, mais les essais effectués en Chine révolutionnent les modes de fabrication et promettent des opportunités énormes dans la personnalisation des produits.
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ENCADRE

TROIS QUESTIONS A: Didier Louvier

Spécialiste du packaging et professeur à la HEIG-VD, Didier Louvier ne croit pas au succès de la personnalisation sur le long terme. Il observe que les consommateurs restent avant tout sensibles à l’univers propre à une marque, comme la couleur,
le logo ou la forme de l’emballage.

En marketing, quelle est l’importance d’un emballage?

L’emballage est un formidable outil de communication et de lien. Par l’attraction qu’il suscite, il est le premier contact visuel, puis éventuellement tactile, entre un consommateur et un produit. Il donne aussi une série d’informations sur le contenu. L’industrie du luxe mise énormément sur le packaging: dans le secteur cosmétique par exemple, il arrive souvent que l’emballage soit plus coûteux que le contenu.

Pourquoi la personnalisation a-t-elle un impact?

En prenant l’exemple d’une bouteille de Coca, l’émotion provoquée par l’impression de son prénom sur l’étiquette peut susciter l’achat, surtout auprès d’une clientèle jeune. Mais, je ne crois pas à ce concept sur le long terme: passé l’effet de surprise, cette mode va s’essouffler. Les consommateurs restent avant tout sensibles à l’univers de références propre à la marque, telles que la couleur, le logo ou la forme de la bouteille. Dans un rayon de supermarché, ces indications retiennent réellement l’attention du client.

Quels procédés techniques favorisent la personnalisation d’un objet?

Ils sont nombreux. Dans l’exemple de l’étiquette personnalisée, l’impression numérique offre la possibilité de customiser rapidement le support imprimé et de l’individualiser, et ce à moindre coût. Mais, au-delà de la personnalisation du packaging, on cherche actuellement plutôt à développer des emballages intelligents et actifs. Ils permettront de vérifier la traçabilité d’un produit ou son impact sur l’environnement, d’en prolonger la fraîcheur ou la qualité gustative.
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Une version de cet article est parue dans la revue Hémisphères (no 10).

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