KAPITAL

Stromer se cherche un nouveau souffle

Fermeture de magasins, défaillances techniques: le fameux fabricant de vélos électriques Stromer n’a toujours pas atteint le seuil de rentabilité. Mais son fondateur reste optimiste et vise les Etats-Unis.

Les vélos électriques ont connu un essor remarquable en Suisse au cours des dernières années. Les ventes annuelles ont été multipliées par 20 depuis 2006 pour atteindre 58’000 en 2014, selon les chiffres de l’association faîtière Vélosuisse. Malgré cette dynamique positive, l’un des acteurs principaux du secteur, la marque Stromer basée à Oberwangen dans le canton de Berne, montre des signes d’essoufflement. Non seulement deux de ses magasins ont fermé leurs portes à Lausanne et à Binningen (BL) fin 2014, mais ses modèles ont été retirés en janvier de la filiale M-Way de Migros, leader sur le marché suisse. La marque est par ailleurs à la recherche d’investisseurs — Erwin Steinmann, CEO du groupe BMC Switzerland, auquel Stromer appartient depuis 2013, a même été jusqu’à évoquer la possibilité d’une vente dans la presse alémanique.

Fondée en 2009 par Thomas Binggeli, Stromer a su se distinguer par la fabrication de modèles high-tech dotés d’une grande autonomie, de connectivité numérique et d’une batterie intégrée dans le cadre. Avec des taux de croissance annuels de 23%, la marque séduit une clientèle sportive à la recherche de design et de vitesse. Pourtant, elle ne fait toujours pas de bénéfice. Elle ne s’en inquiète pas outre mesure et indique qu’elle est encore en phase de développement, surtout vers l’étranger. Cette analyse n’est pas vraiment partagée par les observateurs du marché, tels que Urs Rosenbaum, rédacteur en chef de la revue spécialisée Cyclinfo: «Stromer mise sur des modèles qui nécessitent des pièces fabriquées sur mesure et dont la production est donc très chère. Ce qui se reflète d’ailleurs dans le prix élevé de 4’000 francs en moyenne. D’où la difficulté pour la marque de trouver un modèle rentable. Elle a en plus été frappée par un taux de retour assez élevé lié à des défaillances techniques, ce qui représente également un coût considérable.»

L’avenir outre-Atlantique

Selon Thomas Binggeli, la fermeture des deux magasins et la décision de M-Way de retirer les vélos de la marque ne doivent pas être surinterprétées. La fin de ces deux Stromer Stores — il en existe d’autres à Genève, Bâle, Zurich et Berne — à Lausanne et à Billingen serait plutôt liée à des problèmes de communication interne: «Celui qui vend nos vélos doit avoir à la fois des connaissances techniques exceptionnelles et le courage de vouloir vendre des modèles plutôt haut de gamme. Il semble que nous n’ayons pas réussi à transmettre l’esprit de Stromer dans ces deux magasins», dit-il. Autre raison: les surfaces de vente. «Il aurait fallu davantage de place afin de mettre les modèles en avant. A Genève, où la superficie est beaucoup plus grande, nous avons vendu cinq fois plus qu’à Lausanne.» La marque confirme en outre que le réseau des détaillants assure le service après-vente des vélos achetés dans les deux Stromer Stores fermés.

Quant à la fin de Stromer dans les magasins M-Way, les deux parties soulignent que seules les stratégies de distribution et de commercialisation sont en train d’être ré-examinées et qu’une nouvelle collaboration à l’avenir est tout à fait possible. Mais si la marque affirme que ses ventes en Suisse restent satisfaisantes, Urs Rosenbaum se montre plutôt sceptique pour l’avenir: «La marque ne propose pas de VTT électriques, la grande tendance du moment. Il y a aussi de plus en plus de fabricants qui proposent des modèles high-tech moins chers que les vélos Stromer.»

Thomas Binggeli, lui, mise désormais sur le marché américain: «Nous considérons les Etats-Unis comme notre marché d’avenir le plus important, dit-il, tout en laissant la porte ouverte à un renforcement de la présence sur le marché suisse. Si l’occasion se présente, nous pourrions même envisager de nouvelles collaborations à Lausanne.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.