Dans le secteur des technologies de l’information, les quarantenaires sont considérés comme des dinosaures, en particulier aux Etats-Unis. Pendant ce temps, les millionaires du Net planifient d’arrêter de travailler à trente ans.
«Wow! Vous êtes plutôt vieux, pour un programmeur, non?» Voilà ce qu’entendent les informaticiens dans la fin de la trentaine, relate le mensuel américain Fortune. A la Westech Career Expo, la plus grande foire d’emplois technologiques des Etats-Unis, le formulaire d’inscription comprend, sous la rubrique «Minorité professionnelle», l’option «Plus de 40 ans». Un choc, pour ce participant de 43 ans: «Jusque-là, j’ignorais que j’appartenais à une minorité.»
Pour sauter dans le train de la nouvelle économie, mieux vaut être jeune, voire très jeune… Internet, c’est l’industrie des 23-35 ans. Une tranche d’âge désignée comme la «Generation X», d’après le titre du roman culte de Douglas Coupland. Sur le marché de l’emploi, les Gen Xers brûlent les étapes et obtiennent maintenant des postes de direction encore récemment occupés par des quinquagénaires. Et ceux-ci, les «baby boomers», restent sur le carreau.
Fortune rapporte le cas d’un directeur financier de 37 ans, candidat à un poste dans une jeune entreprise high-tech. «Je pensais que, durant ma journée d’entretiens, j’allais rencontrer une ou deux personnes aux cheveux gris. Il n’y en avait pas une seule! C’était des gosses de 26 ou 27 ans qui m’interrogeaient. Je n’étais pas intimidé par leur jeunesse. Mais je me suis tout d’un coup senti vieux.»
Dans le flot de procès intentés aux entreprises aux Etats-Unis, un quart des plaintes pour discrimination d’âge provenaient de quadragénaires, en 1996.
Sous couvert d’anonymat, un financier newyorkais à la tête d’un «hedge fund» (un fonds de placement en produits dérivés), fait étalage de cynisme: «Pour 40’000 à 50’000 dollars par an (60’000 à 75’000 francs suisses), je peux engager un gamin inexpérimenté mais dégourdi, à la sortie de ses études. Il travaillera sept jours sur sept, durant les deux prochaines années. Je vais le former selon mes besoins. Je lui verse des options dont il ne pourra bénéficier qu’à long terme pour le clouer à son poste. Et s’il ne fait pas ce que veux, je le vire. Pourquoi est-ce que j’engagerais un professionnel de 40 ans, deux fois plus cher et deux fois moins efficace, et qui en plus ne m’écoute pas?»
Une philosophie dont on trouve le pendant chez ce trader de 23 ans, qui jongle avec des millions de dollars. Celui-ci affirme à l’hebdomadaire américain Newsweek: «Je veux pas travailler passé l’âge de trente ans.»
Mais c’est surtout l’avancée des technologies qui met sur la touche des professionnels dans la force de l’âge. Les baby boomers sont décontenancés par la sagacité des jeunes de 20 ou 30 ans, qui ont grandi entre un PC et un Game Boy. En outre, les Gen Xers sont connus pour passer 60 à 70 heures par semaine derrière leur écran d’ordinateur. Ces solitaires dévoués corps et âmes à la compagnie sont hautement appréciés par l’employeur. Rien à voir avec les salariés qui désertent à 18 heures pour aller chercher les gosses à la crèche.
Lors d’une enquête menée dans des entreprises high-tech européennes, l’université Manchester Metropolitan a questionné des employés de 18 à 32 ans sur ce qu’ils désiraient le plus, en-dehors de leur vie professionnelle, relate le Financial Times. Beaucoup ont répondu: «Une vie.» Aux Etats-Unis, la situation est encore plus extrême. L’employé n’y a droit qu’à deux semaines de vacances par an.
