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Eluveitie envoûte la planète folk metal

Encore relativement méconnu de ses compatriotes, le groupe suisse déplace des hordes de fans dans le monde entier grâce à sa maîtrise d’instruments traditionnels et à ses évocations des croyances celtes.

Près de 20 millions de vues sur YouTube pour le morceau «Inis Mona», une tournée le menant de l’Afrique du Sud en Russie, en passant par l’Argentine, l’Inde et le Canada, une page Wikipédia traduite en 35 langues: non, ces chiffres ne concernent pas une nouvelle égérie pop américaine, mais le groupe suisse Eluveitie.

Si ce nom ne vous dit rien, c’est que les huit membres de la formation zurichoise évoluent dans une niche, le folk metal. Sur scène, les guitares électriques aux riffs puissants cohabitent notamment avec des flûtes, une cornemuse et une vielle à roue. Côté voix, les hurlements sauvages du leader Chrigel Glanzmann sont tamisés par les mélopées de sa camarade Anna Murphy.

Une recette qui paie: selon son manager Oliver Macchi, le groupe a écoulé pas moins de 250’000 albums à travers la planète. Son dernier opus, «Origins», sorti en 2014 sur le label allemand Nuclear Blast, s’est fait une place dans les hitparades de dix pays, dont les Etats-Unis. En Suisse, il s’est facilement hissé au premier rang des charts.

Désintérêt national

C’est en 2002 qu’Eluveitie («Moi l’Helvète» en gaulois) a été fondé par Chrigel Glanzmann. D’abord imaginé comme un simple projet studio, le groupe s’est pérennisé et a sorti l’année suivante «Vên», un EP autoproduit. Depuis, six albums ont vu le jour. Ses membres ont évolué au fil des ans, mais l’essence de la formation helvétique est demeurée la même. L’une de ses spécificités? Les textes des morceaux évoquent majoritairement l’histoire, la vie quotidienne et les croyances des peuples celtes antiques. Parfois, ils sont même écrits dans une forme reconstruite de la langue de l’époque.

«Je suis un fanatique d’histoire», commente Chrigel Glanzmann. Soucieux de garantir à ses auditeurs des faits historiques irréprochables, le musicien collabore avec des chercheurs spécialisés issus de trois universités européennes. Selon lui, le sérieux et l’authenticité des textes et de la musique d’Eluveitie participent d’ailleurs largement à son succès. Contrairement à d’autres groupes de folk metal, «nous n’utilisons pas de synthétiseurs. Sur scène, nous nous accompagnons de dizaines d’instruments que nous maîtrisons parfaitement.»

Chez Eluveitie, on ne plaisante pas avec la qualité. Reste que le public suisse, traditionnellement amateur de produits à valeur ajoutée, a mis du temps à se laisser séduire par le quadragénaire aux longues dreadlocks et ses sept acolytes vêtus de noir. «Jusqu’à il y a quelques années, nous étions plus connus à l’étranger que dans notre pays, dit Chrigel Glanzmann. La presse suisse n’a commencé à parler de nous que lorsqu’elle a entendu dire que nous tournions aux Etats-Unis!» Et de regretter ce «complexe d’infériorité» dont souffrent ses compatriotes.

Tradition d’exportation

Marc Ridet, le directeur romand de l’organisme Swiss Music Export (SME), livre une analyse un peu différente. «Le metal, c’est comme l’électro: des styles musicaux de niche, qui passent rarement sur les ondes des radios généralistes nationales. Dès lors, il est logique que le Suisse moyen connaisse mieux Sophie Hunger qu’Eluveitie ou Luciano (un DJ vaudois qui fait danser des milliers de clubbers à l’étranger, ndlr).»

Le responsable de SME rappelle qu’avant Eluveitie, d’autres groupes helvétiques de metal ont connu le même «désintérêt» national alors qu’ils étaient acclamés hors des frontières. En tête de liste, il cite les Valaisans de Samael et les Zurichois de Celtic Frost. «Il y a une vraie tradition d’exportation du metal suisse, qui concerne aussi des groupes plus généralistes tels que Gotthard ou Krokus.»

De là à dire que pour connaître le succès international, un artiste suisse se doit de faire du metal ou de l’électro, il y a un pas que Marc Ridet ne franchit pas. «L’intérêt du public étranger pour nos groupes croît d’année en année, tous styles confondus», notamment grâce à internet et à une professionnalisation de l’encadrement. Un intérêt sur lequel Eluveitie compte bien continuer à surfer: entre la fin de sa tournée mondiale, la préparation d’un nouveau disque et «un projet spécial dont le groupe ne souhaite pas encore parler», l’agenda de sa tête pensante Chrigel Glanzmann est plein à craquer.
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.