KAPITAL

Amazon.com: les raisons d’un effondrement boursier

En une journée, l’entreprise de Jeff Bezos a perdu 20% de sa valeur. Elle commence à montrer des signes de faiblesses. Et c’est toute l’économie du Net qui se met à trembler.

Le petit monde de la nouvelle économie est en émoi. Considérée comme un modèle de réussite, la librairie en ligne Amazon.com essuie de gros revers en bourse. Pire, la société doit maintenant surmonter une grave crise de confiance. Elle pesait 40 milliards de dollars (60 milliards de francs suisses) avant Noël. Elle ne valait plus que 12 milliards de dollars (18 milliards de francs) cette semaine. Un effondrement de 70%.

Fondée en 1995, Amazon est rapidement devenue l‘une des entreprises majeures du Net. Sa croissance, en termes de ventes, a été extrêmement rapide. Elle a commencé par vendre des livres. Puis des disques, des vidéos, de l’électro-ménager ou encore du matériel de jardinage sont venus s’ajouter au catalogue. Comme beaucoup d’autres sociétés actives sur le réseau, Amazon n’a jamais encaissé le moindre bénéfice.

Jusqu’à la fin de 1999, l’accumulation des pertes ne gênait guère les investisseurs. Le titre Amazon a été propulsé à des hauteurs invraisemblables pour une société déficitaire. Mais récemment, différents analystes ont émis des doutes concernant la solidité de l’édifice. Vendredi dernier, la banque Lehman Brothers a publié une étude faisant état d’une hémorragie de cash. Le rapport souligne le pauvre rendement du capital, l’endettement excessif et les pertes massives de la société. En clair, Amazon serait une entreprise en perdition.

Le marché a réagi immédiatemment. Le titre a perdu 20% de sa valeur en une journée. Pour Jeff Bezos, le patron-actionnaire d’Amazon, cela signifie qu’un milliard de dollars s’est envolé de son compte en banque.

Dans le sillage d’Amazon, les autres vdettes de l’industrie Internet, eBay, Priceline.com et Yahoo, ont plongé vendredi à leur plus bas niveau depuis un an.

Au début de cet année encore, les investisseurs ne juraient que par ces sociétés qui sacrifiaient les bénéfices sur l’autel de la croissance. Aujourd’hui, ils reviennent à des compagnies certes moins sexy mais qui gagnent un peu d’argent.

Il y a encore plus inquiétant que les pertes. Les ventes d’Amazon pour le premier trimestre 2000 ont reculé par rapport au précédent. Un repli saisonnier qui a suivi l’orgie de consommation de la fin d’année, typique de la grande distribution. Les observateurs s’en alarment. Si les ventes continuent à fluctuer de la sorte chez Amazon, cela signifierait que la compagnie fonctionne selon la même dynamique que n’importe quelle chaîne de grands magasins. Et non selon un paradigme totalement nouveau qui ferait des sociétés Internet des championnes toute catégorie de la croissance.

Les investisseurs ont payé très, très cher les titres Internet, dans l’espoir que ce domaine révèle un potentiel de croissance bien supérieur à celui de l’industrie traditionnelle. Si l’hypothèse ne se vérifie pas, leur déception sera à la mesure de leurs espérances. Et tout le secteur du Net en souffrira.

Amazon n’est pas n’importe quel e-détaillant. C’est un emblème. En 1999, le magazine Time a nommé Jeff Bezos « Homme de l’année », une distinction précédemment octroyée à Martin Luther King et à la reine Elisabeth. Le magazine consacrait ainsi l’entrée du monde occidental dans l’ère de la nouvelle économie.

Multi-milliardaire à 35 ans, Jeff Bezos est connu pour ses éclats de rire, « quelque chose entre le cri de la hyène et les jappements du Docteur Evil d‘Austin Powers », selon le quotidien britannique The Guardian.

Les événements de ces derniers jours n’ont pas entamé son optimisme. « Si nos actions peuvent monter de 20% en un jour, elles peuvent également baisser de 20% en un jour. Les titres Internet sont volatiles. Ceux d’Amazon aussi. Nous ne manquons absolument pas de cash. Et nous ne nous faisons pas du tout de soucis à ce sujet », affirme-t-il au Guardian,

Bien malin celui qui pourrait prédire la suite. Une seule chose est sûre. Les marchés financiers ont les yeux rivés sur Amazon. Et l’avenir de nombreuses compagnies Internet dépendra de son sort.