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L’art délicat de promouvoir les femmes

Une petite querelle vaudoise sur l’importance de féminiser la police montre que l’égalité est pavée surtout de chemins tortueux.

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Les femmes, c’est entendu, quoi de plus formidable. Ca n’a même jamais été aussi tendance. Sur le papier en tout cas.

En politique, comme dans l’économie ou les divers milieux professionnels, ceux qui peuvent présenter des quotas raisonnables d’éléments féminins n’en finissent pas de bomber le torse — exercice il est vrai plus aisé si l’on est un dirigeant à la poitrine plate plutôt qu’une cheffe aux idées larges. L’air de dire, voyez bonnes gens, on ne peut pas être aussi mauvais qu’il semble, aussi nuls que vous l’insinuez, puisqu’il y a de nombreuses femmes avec et parmi nous.

Les malheureux, en revanche, qui n’ont à montrer que des structures encore fondamentalement et grossièrement masculines, n’ont que le choix de s’excuser avec le plus d’humilité possible. Pas notre faute. On fera mieux la prochaine fois. On voudrait bien mais elles veulent point. Voyez nos belles annonces épicènes. Un expert en sécurité s’est ainsi agacé récemment par voie de presse du fait que l’Académie de police de Savatan ne compte aucune femme parmi ses cadres. Alors que la féminisation de la police relèverait, selon cet «analyste et prévisionniste des évolutions policières», d’une véritable urgence.

Non point pour de vagues, théoriques et bêtes questions de parité, ou, pire, d’égalité des chances, mais parce que les femmes humaniseraient la police. Ce qui sous-entendrait que les femmes, quelque part, appartiennent un peu plus à l’espèce humaine que les hommes. La belle et la bête, cela dit tout. Un apport massif de policières contribuerait ainsi à changer un métier qui s’exécuterait encore trop souvent «le cerveau dans les talons, un pas derrière l’autre». Les super fliquettes de demain, contrairement aux lourdauds poulets d’aujourd’hui, sauraient «rompre la routine et investiguer par-delà les ordres». Et en deviendraient par conséquent, n’en doutons pas une minute, mieux «affûtées, plus fortes, audacieuses et perspicaces». Bref la féminisation des polices est «bien plus qu’une question de genre»: carrément «la mise au tapis des mécanismes machistes et hiérarchisés à outrance».

Cheffe du département vaudois des institutions et de la sécurité (DIS), Béatrice Métraux a mal pris ces remarques. Contestant d’abord l’absence de cadres féminins à Savatan et surtout soulignant que si, certes, «les femmes sont trop peu nombreuses à occuper des postes de cadres au sein de l’institution policière», la faute n’en incomberait pas à «une culture misogyne ou un quelconque plafond de verre savamment entretenu par les cadres masculins», mais bien plutôt à des «embûches dues notamment à une plus forte imbrication entre vie privée et vie professionnelle». Et que donc le rôle de la société comme du politique serait de rendre cette imbrication, souvent synonyme de temps partiel, moins pénalisante.

Le débat est évidemment ouvert. Même si insister lourdement, comme l’expert cité plus haut, sur les avantages incommensurables, quelle que soit la profession, d’un abondant personnel féminin n’est pas la façon la plus habile de faire avancer la cause. Il est sans doute à peu près autant idiot et injuste de soutenir que les femmes seront, sont déjà, forcément meilleures en ceci ou en cela, que de traîner la vieille certitude qu’au contraire elles feront, elles font déjà, évidemment pire que leurs homologues masculins. Que par exemple, ce qui fait le bon policier ou la bonne policière soit une question d’hormones et se cache dans le pantalon ou sous la jupe.

Autant vouloir établir, puisque c’est, si l’on ose dire, dans l’air du temps, une corrélation quelconque entre les crashs aériens et l’absence dans les cockpits du monde entier de cette espèce encore rarissime: la commandante de bord.