Mercredi, le gouvernement suisse a opté pour une hausse de 5% de la redevance. En augmentant la rente de situation de l’audiovisuel public, le Conseil fédéral ne lui rend pas service.
Un oisillon grassouillet qui ouvre son bec en piaillant: c’est l’image que l’audiovisuel public suisse a donné de lui-même en réclamant une hausse de la taxe radio-TV.
Il faut savoir que les ménages équipés d’un transistor et d’un téléviseur paient déjà environ 400 francs suisses par an (FF 1’600.-) pour nourrir la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR). Les foyers qui ne regardent jamais la TV publique, qui n’écoutent jamais la radio publique, sont également astreints à cette taxe. Le simple fait de détenir un récepteur les oblige à payer.
Mais cela ne suffisait pas au diffuseur national. Il demandait une hausse de 10% de la redevance en invoquant maladroitement l’augmentation des coûts des retransmissions sportives.
«Si vous voulez obtenir 5%, demandez 10%», disent les bons négociateurs. Le résultat est garanti. La preuve: mercredi, le gouvernement suisse a accepté d’augmenter d’environ 5% la taxe qui finance l’audiovisuel public.
Sans craindre le paradoxe, le Conseil fédéral a justifié cette demi-mesure en insistant sur la nécessité pour la SSR de «faire des économies». Autrement dit, «vous devrez dépenser moins, mais vous recevrez plus».
Cette décision me paraît à la fois absurde et contre-productive. Ce n’est pas rendre un service à la SSR que d’augmenter ses revenus automatiques. A l’heure de la concurrence privée, des chaînes thématiques et de la TV numérique, une hausse de la rente de situation ne fait qu’aggraver l’archaïsme de l’audiovisuel public.
Il faut avoir visité le bâtiment de la direction générale de la SSR, à Berne, pour comprendre à quel point cette entreprise est figée. Des dizaines d’employés y coordonnent simplement le fonctionnement des chaînes nationales.
L’audiovisuel public ne pouvait-il pas réduire ses coûts avant de réclamer de nouveaux revenus? Il est toujours délicat, quand on est Suisse romand, de critiquer les lourdeurs de l’institution SSR. Chacun sait que la partie latine du pays bénéficie d’une clé de répartition des recettes qui lui est particulièrement favorable.
Mais si, comme moi, on est convaincu de l’importance pour la Suisse de maintenir un service public de qualité, on commet une erreur en défendant en bloc l’immuable SSR et en lui attribuant systématiquement l’argent qu’elle réclame.
A quoi bon dépenser des millions pour des retransmissions sportives internationales que les téléspectateurs peuvent de toute manière suivre sur des chaînes étrangères? A quoi bon continuer à produire des divertissements aussi stupides, voire plus stupides encore que ceux des chaînes privées?
Prétendre que le maintien de l’audience de la télévision publique est à ce prix, c’est se moquer de sa vraie vocation: l’information de qualité et la proximité.
De nombreux employés de la SSR ont heureusement compris les vrais enjeux du service public. Ils produisent des émissions exigeantes, ils se remettent en question et prennent les téléspectateurs au sérieux, alors que d’autres continuent à croire que tout leur est dû.
Augmenter la taxe radio-TV sans exiger de contrepartie, comme le Conseil fédéral vient de le faire, c’est négliger l’effort des premiers et encourager l’immobilisme des seconds. L’image de la Suisse que renvoie la SSR n’est pas très encourageante.
