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Reed Hastings, le pape du streaming

A la tête de Netflix, l’entrepreneur américain a déjoué les attentes en imposant son entreprise face à des géants comme Amazon. Portrait.

Dans la Silicon Valley, Reed Hastings, 53 ans, est à la fois vénéré et craint. Le directeur de Netflix a porté son entreprise vers les sommets grâce à son flair. A ses débuts en 1997, la société lance un concept novateur: la location de DVD par internet. Un virage à 180 degrés à l’ère des «video stores» présents dans les rues américaines par dizaines de milliers. Succès immédiat. Mais déjà, Reed Hastings anticipe que le futur de la vidéo se trouve exclusivement sur la toile, alors que le haut débit n’en est qu’à ses balbutiements. Une vision qu’il défend au fil des ans jusqu’à lancer son offre de films en streaming en 2007. Avec une détermination de fer, et sans pitié envers ceux qui peuvent le freiner.

Le principe de Netflix séduit. Il donne un accès illimité à un vaste choix de films et de séries via internet pour 7,99 dollars par mois. Proposée dans 40 pays, l’offre compte aujourd’hui plus de 37 millions d’abonnés, pour un chiffre d’affaires annuel de 3,6 milliards de dollars.

«Reed Hastings est un stratège hors pair, raconte Gina Keating, journaliste spécialisée dans les nouvelles technologies et auteure d’un ouvrage sur Netflix publié en 2012. Il est parvenu à modeler sa compagnie en comprenant avant tout le monde dans quelle direction se dirigeait la technologie.»

Issu d’une famille aisée de la côte Est, Reed Hastings se démarque par ses aptitudes hors norme en mathématiques. Il roule sa bosse entre une faculté chic du Maine, un passage dans les Marines et une mission humanitaire de trois ans en Afrique avant de poser ses valises en Californie, où il suit un Master en informatique à l’Université de Stanford. C’est à cette époque qu’il se retrouve aspiré dans le tourbillon de la Silicon Valley. Il y fonde en 1991 une première entreprise informatique, Pure Software, qu’il revend quelques années plus tard pour 585 millions de dollars. Puis une seconde: Netflix.

Le CEO, qui vit modestement avec sa famille et se tient à bonne distance des mondanités de la vallée, insuffle à sa start-up une culture d’entreprise bien particulière. Son but? N’être entouré que des meilleurs. Pour ce faire, Netflix offre des salaires supérieurs au reste de la branche. Une fois dans l’entreprise, ceux qui se démarquent reçoivent une promotion. Les autres sont remerciés, sans états d’âme, mais avec une importante indemnité de départ.

Autre trait distinctif: les employés jouissent d’une grande liberté. Ils peuvent notamment prendre autant de jours de vacances qu’ils le souhaitent, pour autant que leur travail soit fait. Et afin de ne pas s’enfermer dans une structure trop hiérarchique, Reed Hastings ne possède pas de bureau. Il s’installe à côté de ses salariés, simplement où il trouve de la place. Ce qui ne veut pas pour autant dire qu’il est facile de travailler avec lui, souligne Gina Keating. «Il s’agit d’un homme tout à fait charmant, mais ses méthodes sont parfois brutales. Dans son entreprise, il peut être froid et manquer d’empathie. Cette absence de sentimentalisme représente aussi une des clés du succès de Netflix. Reed Hastings fait preuve d’une incroyable concentration et se montre insensible aux critiques. Sans son influence, la société aurait simplement disparu.»

Lorsque les géants Wal-Mart, Amazon et Blockbuster Video se lancent sur son terrain, le CEO n’hésite pas à baisser considérablement ses prix. Aucun atermoiement non plus lorsqu’il doit saboter son propre business de location de DVD, florissant, en redirigeant ses clients vers le streaming. Les méthodes peu conventionnelles ne lui font pas peur. Une des marques de fabrique du site Netflix est son outil de recommandation, un système particulièrement performant qui propose des films aux abonnés en fonction de leur comportement sur la plateforme. Afin de conserver son avance dans ce domaine, Reed Hastings a organisé un concours et offre 1 million de dollar à quiconque parviendra à le rendre encore plus efficace.

Aujourd’hui, malgré quelques déboires et erreurs de communication qui lui ont valu une sanction des clients et une sévère dégringolade en Bourse en 2011, Netflix semble devenue intouchable. D’autant plus qu’il lui reste de nombreux marchés à conquérir. «L’entreprise se trouve très loin devant ses concurrents, note Gina Keating. Je ne vois pas de limite à sa croissance.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Swissquote (no 6 / 2013).