CULTURE

«Mission to Mars», un film assez spermatozoïdal

Sous ses allures de fiction anticipatrice, la dernière réalisation de Brian De Palma est riche en métaphores sexuelles. Que veut-il dire par là?

Le septième art n’est jamais plus passionnant que lorsqu’il emploie une image pour une autre, l’air de ne pas y toucher. Dans ce domaine, le récent «eXistenZ» de David Cronenberg et son sous-texte parfaitement érotique, pour ne pas dire pornographique, était un régal. Roi de l’image à double-fond, Brian De Palma en offre à son tour un exemple dans son dernier opus, «Mission to Mars».

Qu’est-ce que ce film nous donne à voir? A première vue, une classique histoire de science-fiction, avec ses surprises et ses suspenses, ses vainqueurs et ses victimes. Le canevas a pour seule originalité de se dérouler sur Mars (une équipe de quatre cosmonautes part en secourir une autre à qui il est arrivé des bricoles).

Pour le reste, le film a le défaut de se terminer sur un finale «métaphysique» aussi sentimental que boursouflé, dans lequel il apparaît que les habitants de Mars étaient nos ancêtres: fuyant leur planète après une catastrophe qui la transforma en boule aride, ils se sont réfugiés dans une autre galaxie, et l’un de leurs vaisseaux est allé «ensemencer» (le mot est dans le film) la planète bleue. Les Martiens, chaînon manquant de l’évolution des espèces: il fallait y penser.

La lettre du scénario a donc sa part de grandiloquence naïve. Or il convient de préciser que De Palma a réalisé ce film de commande pour remplacer un collègue et qu’il a dû travailler sur un scénario déjà écrit. C’est donc dans sa manière de mettre en scène cette matière préexistante que réside l’intérêt du film. Et là, on est servi.

Le premier plan présente ainsi une fusée lancée dans le ciel… puis explosant en plein vol. Ensuite, la caméra nous montre un astronaute draguant une fille… qui l’éconduit aussitôt. Quelques minutes plus tard apparaît un as de la Nasa qui ne peut se remettre de la mort de sa femme.

Ce que la fusée explosée annonçait de manière métaphorique se retrouve sur tous les plans du scénario, même les plus terre-à-terre: le film parle d’échecs à connotation sexuelle, de «pannes», en somme.

D’ailleurs, l’aventure du quatuor central, qui compte un homme et sa femme (nous sommes en 2020, les mœurs astronautiques ont évolué!) offrira son lot de fissures à colmater, de vaisseau oblong explosant, de trompe géante et destructrice… Symboles phalliques et images de l’échec abondent jusqu’à l’étonnant final où De Palma s’inspire clairement de «2001», mais pour une conclusion sans le mystère poétique du film de Kubrick. On y assiste à la reproduction en accéléré de l’aube de l’humanité, façon planétarium du Musée des Transports.

Là encore, c’est la métaphore qui interpelle: au moment où l’on voit les vaisseaux martiens décoller de leur planète, on a l’impression d’observer une horde de petits spermatozoïdes cherchant le plus court chemin vers une planète-ovule. D’ailleurs, l’un d’eux fonce sur la Terre et la pénètre avec fracas, donnant naissance aux premières cellules vivantes. Ce n’est plus de la métaphore, c’est carrément de la leçon de choses en images de synthèse!

Quelques scènes plus tard, le personnage joué par Gary Sinise va à son tour prendre place dans un petit vaisseau spermatozoïdal et l’ultime plan du film, écho du tout premier, nous le montre s’envolant dans l’espace, cette fois SANS exploser en vol. D’où l’on conclut que:
1)résoudre la question des origines permet de réparer la panne; 2) la vie est définitivement ailleurs.