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«Scream 3», le triomphe de l’artifice

Parfaitement post-moderne, la trilogie «Scream» de Wes Craven est tout entière construite sur la référence. Le tueur, sous son masque inspiré du fameux tableau d’Edvard Munch («The Scream»), utilise obstinément le couteau (un hommage au «Psycho» de Hitchcock) tandis que les victimes, quand elles ne prennent pas une douche, passent leur temps à analyser et anticiper ce qui leur arrive: en bons consommateurs de films d’horreur, les protagonistes de «Scream» connaissent par cœur les règles du genre.

Dans «Scream», tout se passe toujours exactement comme prévu. Pour ceux que le frisson hérisse, cette trilogie est donc bien davantage qu’une sanguinolente pantalonnade: un pari formel jubilatoire.

Dans «Scream 2», Wes Craven rajoutait une couche de mise en abyme puisque le film ne parlait plus seulement de sa propre forme scénaristique, mais aussi de son rapport au spectateur. Résumons. Le massacre reprenait à l’occasion de la sortie du film inspiré par les événement de «Scream 1». Il s’agissait de faire croire que la séparation entre fiction et réalité était anéantie.

De manière ironique, les personnages se perdaient dans le bon vieux débat qui ressurgit à chaque fait divers sanglant: «La violence réelle est-elle dopée par la violence du cinéma?» Et là encore, les personnages envisageaient le nouveau massacre selon les règles qui président à un «sequel»: le deuxième épisode nécessite forcément «plus de morts» et joue sur la répétition de traits spécifiques au premier. On était pris de vertige devant ces miroirs qui se renvoyaient une même image à l’infini…

Dès lors, il était tentant pour Wes Craven de compter jusqu’à trois, histoire de boucler la boucle. Les règles d’une fin de trilogie? La révélation d’un secret tu depuis le début et un scénario prêt à tout, même à zigouiller les protagonistes qui ont jusqu’ici survécu. La mise en abyme? Elle paraît sous un jour encore renouvelé, puisque l’épisode se déroule sur le tournage du troisième film inspiré par les événements de «Scream 1».

La confrontation entre réalité et leurre est cocasse d’abord, inquiétante pourtant. Car le trouble de l’héroïne lorsqu’elle découvre sa maison reconstruite à l’identique dans un studio de cinéma finit presque par faire douter de la nature des images auxquelles Wes Craven la confronte (et nous avec): rêve ou réalité? Si «Scream 3» apparaît comme le véritable point final de cette série étonnante, c’est que, tout en restant un film d’horreur calibré selon des canons ressassés d’épisode en épisode, il se retourne plus spécifiquement sur le sujet sous-jacent de toute la trilogie: la mise en scène.

En effet, ces scénarios invraisemblables, qui se terminent toujours sur un dénouement abracadabrant, n’ont aucun intérêt propre. D’autant moins quand tous les rouages en sont démontés par les personnages. Pourtant, bien que démontés, ces mécanismes n’en continuent pas moins de dérouter. Comme si Wes Craven voulait prouver que l’efficacité d’un film dépend non de son scénario, mais de sa mise en scène.

Depuis Hitchcok, la chose est entendue: l’horreur cinématographique est affaire de montage, de tempo, d’utilisation du contre-champ, d’atmosphères créées. «Scream 3», encore plus invraisemblable que les deux autres (le tueur peut maintenant emprunter les voix d’autrui), apparaît donc comme un triomphe de l’artifice, un hymne au pouvoir du cinéma. Et le véritable coupable se désigne enfin: c’est le metteur en scène.