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Ces entreprises qui bichonnent leur personnel

Vacances supplémentaires, parking gratuit, massages, certaines sociétés rivalisent de faveurs pour augmenter le bien-être et la productivité de leurs employés. Et améliorer leur image.

A la pointe de l’innovation technologique, la Silicon Valley invente aussi les conditions de travail de demain. Des start-up innovent en proposant des services et avantages en nature à leurs employés qui donnent envie de s’exiler en Californie. Par exemple, la société Evernote, spécialisée dans la prise de notes en ligne, alloue des chèques de 1’000 dollars à ses salariés pour qu’ils partent une semaine en vacances. L’entreprise a remarqué que les collaborateurs qui prennent plus de congés sont plus performants au bureau. A cette flexibilité s’ajoutent, la plupart du temps, les repas gratuits, des vélos électriques pour se déplacer, des salles de sport pour garder la forme, et une multitude d’autres services sur mesure.

Ces avantages en nature que les anglophones appellent «perks» arrivent en Suisse au rythme des implantations de multinationales américaines. On a beaucoup entendu parler des luxueux locaux de Google à Zurich, avec leurs coins lounge où l’on peut se faire masser et leurs distributeurs gratuits de nourriture et de boissons. Le moteur de recherche a aussi instauré la règle du 20%, qui permet de consacrer un cinquième de son temps de travail à des projets personnels.

Sans forcément offrir un plateau de prestations aussi large, de nombreuses autres entreprises proposent des avantages en nature. Philip Morris dispose d’une crèche, d’une épicerie et de salles de sport à Lausanne. Audemars Piguet autorise ses employés à prendre sept semaines et demie de vacances par an. Procter & Gamble a installé un espace sieste dans ses locaux.

Certaines sociétés proposent des aides à la mobilité en offrant des abonnements généraux. D’autres axent leur politique d’avantages non salariaux sur la formation continue. Les professionnels des ressources humaines soutiennent que ces libéralités en faveur du bien-être et de l’épanouissement des employés se répercutent sur leur productivité. Elles jouent aussi un rôle dans l’attractivité des entreprises à l’embauche. Ces gestes leur valent par exemple de se retrouver en tête des classements des entreprises où il fait bon travailler. «Offrir des gratifications non pécuniaires aux employés, c’est une manière moins coûteuse de s’attirer des talents que de lutter en augmentant les salaires«, avance Michael Hermann, directeur de la succursale suisse du cabinet de conseil Great Place to Work, à Zurich.

Besoin d’autonomie

La remarque du consultant apparaît d’autant plus vraie que l’argent a perdu sa prédominance comme facteur de motivation. «Pour un employé sous-payé, une augmentation de 10% du salaire reste importante. Alors que pour quelqu’un qui est payé normalement, une telle augmentation ne le satisfera que de manière temporaire. Le besoin d’autonomie, le sentiment de devenir un expert dans son domaine et la reconnaissance sociale prennent le dessus», analyse Shlomo Ben-Hur, professeur de leadership et de comportement organisationnel à l’IMD de Lausanne. Les «perks» sont des outils qui contribuent à satisfaire ces besoins en favorisant la flexibilité, la formation continue et en créant des environnements professionnels valorisants.

Ces outils font partie intégrante d’une nouvelle forme de management souvent décrite comme «soft». Cette approche donne davantage de liberté d’action aux employés que par le passé et cherche à gommer au maximum les rapports hiérarchiques. «On se dirige vers un système plus participatif au niveau de la recherche de solutions, avec des cadres qui jouent le rôle de coaches chargés de s’assurer de la progression des collaborateurs plutôt que de supérieurs hiérarchiques cassants», confirme Shlomo Ben-Hur.

Des valeurs différentes

Cette approche coïncide avec l’arrivée dans les entreprises des enfants de la génération Y, nés entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980, que les spécialistes décrivent comme animés de valeurs différentes de celles de leurs aînés. L’autorité n’est plus, pour eux, un signe de compétence. Ils placent la santé et la qualité de vie au centre de leurs préoccupations. Ils pensent à court terme et sont très mobiles. «Pour eux, le sentiment d’avoir une mission, de contribuer à améliorer le monde et de laisser une trace sont des éléments importants», complète le professeur de l’IMD.

Le changement de modèle économique est un autre facteur qui oblige les entreprises à réorganiser leur fonctionnement. Le paternalisme ou le taylorisme se sont développés à des moments historiques bien particuliers, le soft management s’ancre au moment de l’essor de l’économie dématérialisée qui réclame des idées plutôt que de la sueur. «Au XXIe siècle, les entreprises ne peuvent plus utiliser des schémas hérités de l’âge industriel», assure Shlomo Ben-Hur.

Les PME commencent d’ailleurs à s’intéresser aux «perks», même si leur taille et leurs moyens ne leur permettent pas d’engager des chefs étoilés comme Facebook ou de créer des campus comme Google. «Les petites entreprises vont se concentrer plutôt sur les questions de flexibilité que d’avantages matériels», note Michael Hermann.

C’est le cas, par exemple, du fabricant de produits de beauté L’Occitane, qui emploie une centaine de personnes à son siège international de Plan-les-Ouates. «Les employés sont tenus d’être au bureau entre 9 h et 12 h et entre 14 h et 17 h, pour le reste ils peuvent s’arranger comme ils le souhaitent», témoigne Lynn Krattiger, directrice des ressources humaines. Cette société qui s’est beaucoup développée ces dernières années a mis en place d’autres avantages comme des places de parc gratuites pour tous ses employés — «un luxe à Plan-les-Ouates!» assure la DRH — des cours de Pilates pris en partie en charge par l’employeur, des contributions aux frais de repas, ou encore une cinquième semaine de vacances. «Nous sommes une société jeune avec une moyenne d’âge des employés de 34 ans. Les conditions que nous offrons correspondent aux besoins du personnel», explique Lynn Krattiger.

Limitative en ce qui concerne l’ampleur des avantages envisageables, la petite taille des PME se révèle en revanche un atout pour répondre à des besoins bien ciblés. Les employés de L’Occitane sont d’ailleurs régulièrement consultés. «Bien sûr, on ne peut pas satisfaire toutes les demandes. Certaines personnes réclamaient des cours de boxe, ce que nous avons refusé en raison des risques d’accident.» Interroger les employés reste cependant la meilleure manière de procéder. «Faire de la surenchère, ou copier d’autres entreprises ne sert à rien. Tout dépend de la structure et des besoins du personnel. Par exemple, les jeunes seront plus sensibles à des cours de formation qu’à des avantages concernant leur plan retraite», illustre Michael Hermann.

Acteurs pragmatiques

Eléments d’une politique d’entreprise plus souple, les «perks» apparaissent parfois très anecdotiques. «Procter & Gamble évoque souvent ses espaces sieste pour montrer qu’elle est une société cool et conviviale. En privé, quand on parle à des employés, ils confessent que personne ne s’y repose», confie Michel Ferrary, professeur en leadership à l’Université de Genève. De même, lorsque l’entreprise perd en compétitivité, les «perks» ne suffisent plus à attirer les talents. «Les stock-options que les entreprises offrent à leurs employés ont un impact bien plus décisif que les perks. Le concepteur de jeux vidéo américain Zynga, en perte de vitesse, pratique les vacances illimitées, autorise les employés à travailler avec leur chien, distribue des yaourts à tout le monde, mais plus personne n’a envie d’y travailler parce que les stock-options ont perdu leur valeur», ajoute le professeur genevois.

Il ne faut donc pas surestimer les effets bénéfiques de ces avantages: les employés restent des acteurs pragmatiques qui choisissent leur employeur selon une pluralité de données. Encore moins déduire de l’avènement d’une culture d’entreprise moins autoritaire que le travail devient un environnement angélique. Les évaluations permanentes et la pression sur les objectifs restent prépondérantes. «Les entreprises tentent de compenser les effets négatifs des exigences de la haute performance en misant sur le bien-être de leurs employés et en se souciant de leur santé, alors que le climat économique actuel les soumet à un stress important», reconnaît Shlomo Ben-Hur.
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Soft ou slow?

Dans le sillage de la vague de suicides chez France Telecom, en 2010, est apparu le «Slow Management», un concept défendu par trois professeurs de l’Ecole de management de Grenoble. Destiné au grand public plutôt qu’aux professionnels des ressources humaines, leur ouvrage «Slow Management, éloge du bien-être au travail», reprend et vulgarise des théories bien connues du management, comme le MBWA (Management by walking around), pratiqué chez Hewlett-Packard dans les années 1970.

Le MBWA consiste pour le patron à prendre le chemin le plus long pour se rendre à son bureau, à s’arrêter à la machine à café, à garder sa porte ouverte, à se lancer dans des promenades dans l’open space. But de ces manoeuvres: rester en contact avec ses troupes, montrer que tout le monde est sur le même bateau, affirmer sa présence de capitaine et éventuellement récolter de bonnes idées.

Une manière de sortir de l’idéologie gestionnaire qui réduit la main d’oeuvre d’une entreprise à de simples variables économétriques pour remettre de l’humain dans le management. Le slow management s’inspire aussi des théories du leadership et de la pratique du storytelling. Le manager lent prend le temps de rappeler constamment les valeurs de l’entreprise afin de donner du sens à l’action de chacun.

De l’aveu de ses promoteurs, le concept n’est pour l’instant appliqué sous ce nom qu’au sein de l’Ecole de management de Grenoble, même si les auteurs estiment que beaucoup pratiquent le slow management sans le savoir. Concept mieux reconnu, le soft management recouvre des pratiques assez larges de direction moins autoritaire, de hiérarchie plate, d’autonomie accrue des employés, pouvant aller jusqu’au télétravail, d’ouverture aux idées du plus grand nombre et de responsabilisation individuelle. Certains critiques dénoncent le renforcement de l’individualisme et la fétichisation de la valeur travail que ce système implique.
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Une version de cet article est parue dans PME Magazine.