LATITUDES

Dépression: les nouvelles thérapies

Méditation, autoassistance, électrodes ou psychothérapie brève: de nouvelles techniques prometteuses améliorent le traitement d’un trouble psychique en progression constante, qui touche déjà 8% de la population suisse. Enquête.

Les prédictions sont alarmistes: d’ici à 2030, la dépression sera la principale cause de morbidité dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. Cette place sera ainsi occupée pour la première fois par un trouble psychique. Les Suisses ne sont pas épargnés, au contraire, puisque, aujourd’hui, 8% d’entre eux sont déjà concernés.

L’Université de Zurich a évalué les coûts de cette prise en charge à 10 milliards de francs annuels, précisant qu’une dépression profonde coûte 40’000 francs par patient et par an, et 15’000 francs pour un cas léger.

Coûteuse, la dépression, mais également d’une ampleur jamais atteinte dans l’histoire. Raisons pour lesquelles l’arsenal thérapeutique, qu’il s’agisse de médicaments, d’outils de développement personnel ou de substances homéopathiques, ne cesse de s’étoffer, permettant ainsi de personnaliser toujours plus son traitement.

Institutions psychiatriques et hôpitaux n’hésitent plus à proposer des approches paramédicales en complément aux antidépresseurs, telles que l’art-thérapie, la musicothérapie ou la participation à des groupes de parole.

«La méthode à laquelle 100% des patients répondent positivement n’existe malheureusement pas, explique Jean-Michel Aubry, médecin-chef du Service des spécialités psychiatriques des HUG. Mais une combinaison de thérapies (psychologiques et biologiques), orientée par un spécialiste selon les désirs et les besoins du patient, peut aboutir à une rémission complète des symptômes sur le long terme, et surtout à prévenir les rechutes.»

Actuellement, aucun nouveau traitement n’a le potentiel d’évincer la traditionnelle combinaison «psychothérapie et antidépresseurs». Pour la majorité des médecins interrogés, elle reste l’option efficace à privilégier, malgré les lourdes accusations subies par ces médicaments ces dernières années. Plusieurs études les ont jugés nocifs ou tout simplement inefficaces. «Il est vrai que pour les dépressions légères ou moyennes, les antidépresseurs ne sont pas beaucoup plus efficaces qu’un placébo, note Jean-Nicolas Despland, directeur de l’Institut universitaire de psychothérapie du CHUV. En revanche, en cas de trouble sévère, ces médicaments se révèlent performants.»

Un avis partagé par Martin Preisig, professeur en psychiatrie au sein de l’hôpital universitaire vaudois. «Les antidépresseurs de deuxième génération, apparus à la fin des années 80, sont très peu toxiques. Entre 50 et 60% des patients y répondent favorablement.»

Pour Jean-Michel Aubry, des HUG, aussi, les antidépresseurs représentent un bon moyen de «sortir les patients du creux de la vague», lorsque la dépression est sévère.

Alors, qu’en est-il des recherches sur les traitements qui viendraient compléter la classique combinaison «psychothérapie et antidépresseurs»? Cinq pistes prometteuses se dessinent.

1. Psychothérapie brève

Elaborées au XIXe siècle, les psychothérapies évoluent et innovent constamment. «Elles restent un traitement très efficace, dit Jean-Nicolas Despland du CHUV. Et sur le long terme, une psychothérapie peut devenir moins chère qu’un traitement médicamenteux. Car suivre une psychothérapie d’une année réduit les risques de rechute à moyen et long termes, alors qu’il est nécessaire de maintenir plusieurs années le traitement antidépresseur pour avoir le même effet préventif.»

L’Institut universitaire de psychothérapie du CHUV, que Jean-Nicolas Despland dirige, et le Service de psychiatrie générale de l’hôpital vaudois ont récemment testé un nouveau modèle de psychothérapie psychanalytique qui remet en question les idées reçues quant à la durée interminable de ce type de thérapie: c’est une démarche en douze séances, sur un mois, qui a été appliquée à des patients de l’hôpital de Cery.

«Nous avons inscrit dès le départ la thérapie dans des limites temporelles, explique le spécialiste. Les séances se répartissent en trois phases: la première permet de définir une hypothèse de crise, qui sera discutée dans un deuxième temps. La troisième période vise à récapituler l’ensemble des questions qui se sont ouvertes au cours de l’intervention.»

Cette approche structurée a porté ses fruits: suivis régulièrement à leur sortie d’hôpital, les patients ayant bénéficié de cette psychothérapie brève se portaient mieux que les autres. «Ce nouveau modèle présente des avantages économiques par sa courte durée ainsi que des bienfaits cliniques: sur le long terme, il semble diminuer le risque de rechute.»

2. Méditation en pleine conscience

Dans la famille des psychothérapies, la méditation en pleine conscience (ou mindfulness) gagne les faveurs de la majorité des spécialistes. Sa pratique vise notamment à mieux gérer ses idées noires. «Les personnes dépressives ont tendance à être entièrement absorbées par des ruminations sur le passé (“J’aurais dû faire ceci”, “Si seulement mes parents avaient été plus encourageants quand j’étais enfant”), et par des anticipations anxieuses sur le futur (“Est-ce que je m’en sortirai un jour?”), à tel point qu’elles perdent le contact avec le présent, explique Gaëtan Cousin, chercheur au Département de psychiatrie de l’Université d’Oxford. Les interventions fondées sur la pleine conscience ont l’ambition de restaurer ce contact avec le moment présent.»

Guido Bondolfi, psychiatre-psychothérapeute et responsable du programme «Troubles anxieux» aux HUG, pratique la méditation avec ses patients depuis une dizaine d’années. «Cette méthode aide une personne dépressive à aborder différemment ses pensées tristes. Elle va apprendre à être bienveillante à leur égard, à les explorer et les laisser passer au lieu d’essayer de les contrôler. Les chasser se révèle inutile, cela ne fait que les alimenter.»

L’Hôpital universitaire genevois propose une formation en groupe de huit semaines (une séance hebdomadaire de deux heures), remboursée par les assurances maladie. «Les participants continuent à s’exercer à domicile à l’aide d’un CD sur lequel la voix de l’instructeur est enregistrée. Une étude menée conjointement avec le Centre des neurosciences de l’Université de Genève l’an dernier a mis en évidence les mécanismes d’action de la mindfulness par l’imagerie: «Les patients ont passé un scanner avant et après la formation de huit semaines. Les régions frontales médiales du cerveau impliquées dans la régulation des émotions étaient nettement plus actives après, ce qui signifie que la pratique de la méditation leur a permis de mieux les contrôler.»

Il ne faut pas voir dans cette méthode la solution miracle pour guérir tous les dépressifs: si aucun effet secondaire n’est associé à la méditation, elle comporte des limites: «Elle ne soigne pas un état dépressif aigu, précise Guido Bondolfi. La grande force de la méditation est de réduire de quasi 50% le risque de rechute.» Autant qu’une prise continue d’antidépresseurs, estime une étude du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto publiée en 2010.

Ce chiffre n’est pas anodin, sachant qu’un patient a 50% de chances de replonger après un premier épisode dépressif, 70% après un deuxième, et 90% après un troisième. «La méditation n’a pas l’ambition de remplacer une psychothérapie ou la prise d’antidépresseurs, poursuit le psychiatre. Elle représente un complément.»

3. Autoassistance

Autre méthode aux espoirs prometteurs: le recours aux nouvelles technologies. Des sites internet «d’autoassistance» émergent et visent à aider le visiteur à mieux gérer ses émotions. Rien de miraculeux, mais «une première étape intéressante pour les personnes souffrant de dépression légère», estime Yasser Khazaal, psychiatre aux HUG, qui a publié plusieurs articles sur la qualité du contenu de ces sites.

Une partie des sites de self-help délivrent uniquement de l’information sur la dépression. Principalement développées dans les pays scandinaves ou anglophones, les plateformes reconnues sont pour l’instant en anglais uniquement, telles que Mentalhelp ou Medicinenet. «Lire sur ce trouble se révèle utile, car le processus de guérison implique que le patient s’approprie et comprenne son traitement», note Yasser Khazaal.

Du côté des sites de traitement, The Moodgym, développé par l’Australian National University, est classé parmi les plus sérieux. La méthode, qui se présente comme une approche «gratuite, amusante et interactive», promet à son utilisateur de lui apprendre à «modifier ses pensées afin d’être moins sujet à la contrariété». Après l’insertion d’une série d’informations personnelles — notamment sur l’éventuel suivi du patient par un spécialiste, sur son lieu de vie et son niveau d’éducation –, le questionnaire commence. «Vous sentez-vous en manque d’énergie? Avez-vous des difficultés à vous concentrer? A vous endormir?»

«Certaines réponses fournies par ces sites sont automatisées; parfois, un être humain interagit avec l’internaute, note Yasser Khazaal. Certains patients trouvent une solution dans ce type d’assistance; pour d’autres, cela ne suffit pas. Dans ces cas-là, il ne faut pas rester seul face à son écran, mais consulter un médecin.»

Selon le psychiatre, le potentiel des nouvelles technologies pour soigner la dépression sera à l’avenir davantage exploité: «Le développement d’applications d’assistance sur smartphones est en cours. Ces outils existent déjà pour des dépendances à l’alcool et à la cigarette.» En quoi ces applications aideraient-elles les dépressifs? «Elles permettront au patient de se fixer des objectifs — par exemple un certain nombre d’activités plaisantes à effectuer au cours de la journée. Son téléphone portable lui rappellera ce challenge. Par ailleurs, ces informations représenteront une base de données intéressante pour assurer un suivi.»

4. Traitement par électrochocs

L’idée d’intervenir physiquement sur le cerveau — là où le déséquilibre qui cause la dépression se produit — reste un champ exploré. L’électroconvulsivothérapie, méthode très ancienne, connaît même un regain d’intérêt: études et ouvrages tentent de la réhabiliter et de rassurer le public à son propos. Aussi appelée «sismothérapie», ou «traitement par électrochocs», elle consiste en la provocation d’une crise épileptique chez le patient placé sous anesthésie générale.

Elle a longtemps effrayé, au point d’être totalement bannie dans certains cantons (c’est le cas à Genève depuis les années 80). La célèbre scène du film Vol au-dessus d’un nid de coucou, où Jack Nicholson subit une séance violente de cette thérapie, a certainement contribué à terrifier le public…

En Suisse, des centres la réintroduisent. C’est le cas de la clinique psychiatrique La Métairie à Nyon, qui la pratique depuis le début de cette année. «Deux anneaux appliqués sur la boîte crânienne envoient un choc électrique sur l’un des hémisphères du cerveau, détaille le directeur de l’établissement, Nicola Gervasoni. La crise provoquée a des vertus thérapeutiques antidépressives: la décharge va stimuler la régénération de neurones.»

Le manque de compréhension exact sur ce qui se produit au niveau des structures cérébrales continues de susciter la méfiance vis-à-vis de ce type de pratique intervenant physiquement sur le patient. Pourtant, les spécialistes sont unanimes: ça marche! Près de 40% des patients atteints sévèrement de dépression disent se sentir mieux après une séance de sismothérapie (lire témoignage ci-dessous).

«Actuellement, l’acte se produit dans un contexte extrêmement encadré, assure Nicola Gervasoni. Dans certains cas, le patient ressent des douleurs musculaires et articulaires quelques jours après. Les troubles de mémoire qu’il risque de connaître sont réversibles. Il quitte la clinique moins de deux heures après la séance.»

Pierre Pollak, médecin-chef du Service de neurologie des HUG, trouve «scandaleux» que cette thérapie soit encore interdite à Genève. «Sa pratique s’est nettement améliorée depuis ses premiers pas, il y a septante-cinq ans, notamment grâce aux progrès réalisés en matière d’anesthésie. Par ailleurs, la quantité de courant électrique délivrée a été fortement réduite. Des dizaines d’études scientifiques ont prouvé son efficacité chez des patients résistant à tout autre traitement.»

5. Electrodes dans le cerveau

Une autre méthode plus invasive est testée chez les dépressifs résistant à tout autre traitement: la stimulation cérébrale profonde, déjà utilisée pour traiter des pathologies neurologiques telles que la maladie de Parkinson.

Des électrodes sont implantées dans le cerveau, sous anesthésie locale. Celles-ci, connectées à une batterie externe implantée sous la peau, envoient un courant électrique continu sur une zone cérébrale bien précise, baptisée CG25, impliquée dans la régulation des émotions. «Cette intervention vise à rétablir l’équilibre dans cette zone, explique Luc Mallet, psychiatre à l’hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris. Il a un effet excitateur si la zone est en hyperactivité, ou inhibiteur sinon.»

Aussi inquiétante qu’elle puisse paraître pour les non-initiés, cette approche se distingue tant par son aspect réversible — dès que le courant est stoppé, son effet s’arrête — que par son efficacité: des résultats publiés en 2009 par l’Université de Bonn démontrent que «tous les patients ont réagi de manière positive. Pour la moitié, les symptômes se sont considérablement améliorés. Parfois même quelques jours seulement après le début du traitement.» «Les seuls risques sont liés à l’implantation chirurgicale des électrodes, assure Luc Mallet. Il peut s’agir de saignements — ce qui arrive dans moins de 1% des cas — ou des complications dues à une infection.»

«Cette méthode n’est pas encore agréée, la recherche à son propos doit se poursuivre, estime Pierre Pollak. Ses résultats sont prometteurs. Elle peut se révéler être un traitement salutaire pour les dépressifs résistant aux autres thérapies, et même à l’électroconvulsivothérapie. Et, surtout, la recherche sur le cerveau doit se poursuivre: c’est elle qui un jour nous en apprendra davantage sur la dépression, nous permettant ainsi d’améliorer son traitement.»
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Quand consulter?

Les signes de la dépression sont nombreux et peuvent se manifester tant par des symptômes physiques que par des troubles de l’humeur. Il est conseillé de consulter son médecin lorsque les symptômes suivants perdurent:

Difficultés à s’endormir, sommeil léger et réveils nocturnes

Fatigue inhabituelle

Troubles de l’appétit

Chute de la libido

Maux de ventre

Sentiment perpétuel de tristesse et de lassitude

Présence constante d’idées noires et perte de l’estime de soi
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TEMOIGNAGES

«La méditation m’aide à ne pas retomber trop bas»
Marc*, 50 ans, Genève

Marc pratique la méditation de pleine conscience tous les jours, entre 10 et 45 minutes, depuis une année. Chez lui, en attendant dans un café, ou encore dans le train. «C’est devenu une partie de ma vie, explique-t-il. Parfois j’en ai envie, parfois c’est un effort. Mais je m’y tiens car cela m’aide beaucoup.»

Ce Genevois de 50 ans, qui vit en couple et travaille comme consultant, a connu des hauts et des bas toute sa vie. Il a exploré de nombreux traitements avant de découvrir cette méthode, qui permet de rediriger son attention: psychanalyse, thérapie par la parole, antidépresseurs, mais aussi training autogène, yoga et pensée positive. «J’ai travaillé à fond sur mon passé, sur un traumatisme subi à l’âge de 3 ans et ses conséquences. Mais les troubles sont restés. Je suis sceptique vis-à-vis des longues analyses. Elles ne m’ont pas permis de me sentir mieux à court terme. Ce dont j’avais besoin, c’était de pouvoir souffler.»

En 2009, Marc entame une thérapie cognitivocomportementale, qui aboutit à un nouveau diagnostic: il souffre de troubles bipolaires. Orienté par son médecin vers la méditation de pleine conscience, il s’inscrit à une formation de huit semaines qui cible spécifiquement la prévention des rechutes dépressives. Il s’y rend par curiosité, mais «l’esprit ouvert», avant de se laisser convaincre.

«C’est un processus graduel. On ne se réveille pas un jour en allant mieux. Plus on pratique, plus on constate les effets bénéfiques. J’utilise cette technique en complément aux médicaments. Elle m’a appris à casser les cercles de pensées négatives qui me tirent vers le bas en me concentrant sur le moment présent. Aujourd’hui, j’arrive à laisser passer les idées noires. J’ai connu quelques épisodes difficiles cette année et la méditation de pleine conscience m’a clairement aidé à ne pas retomber trop bas.»

«Mon humeur s’est améliorée dès les premières séances de sismothérapie»
Giovanni*, 44 ans, Genève

Allongé sur un lit d’un blanc immaculé, Giovanni respire calmement, les yeux clos. Il a gardé ses vêtements de ville, simplement retiré ses chaussures. Une anesthésiste se penche vers lui. «Ça va? On y va?», demande-t-elle d’une voix douce. Dans la petite salle du sous-sol de la clinique La Métairie, où flotte une légère odeur de désinfectant, le personnel soignant s’affaire à ses côtés, entre câbles et machines. Un mouvement de tête donne le signal que tout peut commencer et le patient se retrouve bientôt endormi, sa musculature complètement détendue sous l’effet d’un produit relaxant.

En cet après-midi de mars, le Genevois de 44 ans s’apprête à vivre une nouvelle séance de sismothérapie, la neuvième d’un cycle qui en compte douze au total, étalées sur un mois. Giovanni souffre de dépression depuis plus de vingt ans, un état qui a fait de la psychothérapie et des antidépresseurs une partie intégrante de sa vie.

A son arrivée à la clinique un peu avant l’intervention, il raconte l’épisode qui l’a récemment «entraîné vers le fond»: «Ma mère est décédée récemment et j’ai connu une grosse chute de moral. Je ne réagissais plus aux médicaments et je dormais toute la matinée.» Lorsque son psychiatre lui suggère la sismothérapie, il est d’abord surpris. Il se renseigne en détail et, malgré des doutes concernant la nature invasive du traitement qui se fait sous anesthésie générale, il décide de se lancer.

«Mon humeur s’est améliorée dès les premières séances. Quand je me réveille de l’anesthésie, c’est bizarre: je me sens bien. Il s’agit d’une méthode très puissante comparée aux autres et, aujourd’hui, je me demande pourquoi je n’ai pas essayé plus tôt.» Mais Giovanni, qui espère pouvoir continuer sans la sismothérapie après la fin de ce premier cycle de traitement, insiste aussi sur les effets secondaires. Il souffre d’importants trous de mémoire, oublie parfois ce qui s’est passé quelques heures plus tôt. «Dans la rue, j’ai peur de ne pas retrouver mon chemin. Je m’en sors car je suis très entouré, mes proches sont là pour m’aider.»

Retour dans la salle d’intervention. Les gestes des médecins s’enchaînent à toute vitesse: une cale entre les dents pour éviter les morsures, deux électrodes contre la tête, puis le choc. Le corps de Giovanni se contracte, ses yeux et sa bouche se crispent, l’encéphalogramme s’emballe. La crise d’épilepsie dure quarante secondes. Quarante secondes que même l’équipe médicale avoue trouver «impressionnantes».

Giovanni retrouve une respiration profonde tandis qu’une infirmière essuie la transpiration qui perle sur son front. Il se réveille peu à peu, finit par ouvrir lentement les yeux et regarde autour de lui d’un air étonné. L’intervention est terminée. Encore une petite heure de surveillance médicale et Giovanni pourra rentrer.

* Nom connu de la rédaction
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INTERVIEW

«La psychothérapie a un potentiel inestimable»

Aurelio Mastropaolo estime que le meilleur moyen de sortir de la dépression est la qualité du dialogue entre patient et thérapeute.

A quelle porte frapper lorsqu’on soupçonne une dépression?

Le médecin généraliste est souvent le premier professionnel auquel on s’adresse, il y a souvent déjà un lien de confiance établi. En fonction de sa formation et, bien sûr, de l’ampleur des symptômes du patient, il pourra apporter ce soutien ou faire le lien vers le psychiatre ou un autre professionnel.

Psychiatre, psychothérapeute, psychologue, le choix n’est en effet pas toujours évident…

Tout dépend de l’attente du patient et de l’état dans lequel il se trouve. Pour les cas de dépression modérée à sévère, lorsque le patient a des pensées suicidaires, l’orientation se fait généralement vers un psychiatre. Mais démarrer une psychothérapie avec un psychologue peut tout à fait convenir. Si celui-ci travaille sous le même toit qu’un psychiatre, c’est un gage d’exhaustivité du traitement.

La prise en charge thérapeutique par le dialogue peut donc suffire?

Souvent oui, quand une relation de qualité a pu s’établir entre le patient et son thérapeute. La psychothérapie est d’une très grande richesse, elle a ce caractère sur mesure qui lui confère un potentiel inestimable. Quand on traverse un deuil, une séparation, un licenciement, il est évident que cela est douloureux, lourd, pénible, et qu’on se sent déprimé! Mais la solution n’est pas nécessairement «je suis déprimé, il faut me donner un médicament».

Favorisez-vous un type de psychothérapie plus qu’un autre?

Une méta-analyse importante menée aux Etats-Unis en 2011 sur les différentes thérapies (thérapies cognitivocomportementales, thérapie d’orientation psychanalytique ou thérapie systémique) a montré que la méthode importe peu, ce qui compte surtout, c’est la qualité de la relation avec son thérapeute.

Ne prescrivez-vous donc jamais d’antidépresseurs?

Sur 30 patients que je vois par semaine, seuls 3 ou 4 repartent avec une prescription médicamenteuse. Il faut veiller à ne pas aller trop vite, et à ne pas voir uniquement la logique «une maladie se traite par des médicaments». Quand les symptômes sont importants, le recours aux antidépresseurs peut s’avérer nécessaire pour soulager les angoisses. Les anxiolytiques sont à prescrire en réserve, pour traverser certains moments particulièrement pénibles. Quant aux somnifères, ils sont à prendre de manière épisodique, par exemple si le patient est épuisé par le manque de sommeil.

D’autres options que la psychothérapie et la médication vous paraissentelles intéressantes?

J’ai beaucoup d’estime pour l’ergothérapie et l’art-thérapie. Les techniques d’introspection comme l’hypnose, la méditation de pleine conscience, la sophrologie ou la relaxation sont aussi très précieuses. J’utilise la «relaxation selon Schultz» avec certains de mes patients, particulièrement tendus et en proie aux ruminations ou à l’insomnie. L’idée est de donner aux patients le moyen de calmer eux-mêmes leurs ruminations, sources importantes d’angoisse en lieu et place, ou en complément, d’une médication.

Propos recueillis par Laetitia Grimaldi
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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo.