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L’invasion des drones

De drôles de machines volantes, totalement autonomes, se mettent à sillonner le ciel un peu partout sur la planète. Elles aident les ingénieurs, biologistes et archéologues dans leurs recherches.

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On les connaît surtout par leur engagement militaire en Afghanistan: les drones, ces petits véhicules volants aux designs étonnamment variés. On trouve des avions aux formes élancées ou des hélicoptères coaxiaux en passant par des quadri-, penta- et autres hexacoptères aux multiples hélices. Leur sophistication est à la hauteur de leur prix: le «Microdrone» de fabrication allemande vous coûtera 20’000 euros, alors que d’autres, fabriqués à la main dans des laboratoires universitaires sont, littéralement, hors de prix.

«Les drones offrent de nouvelles possibilités pour les chercheurs», commente Roland Siegwart, professeur de robotique à l’EPFZ. Son équipe développe de nouvelles générations de robots aériens capables d’accomplir des tâches extrêmement variées – de l’inspection de bâtiments à la récolte d’échantillons en passant par toutes sortes de procédures qui exigent de hautes normes de sécurité lorsque effectuées par des humains. Les drones sont également utilisés pour explorer des zones de catastrophes naturelles et effectuer des inspections de routine, par exemple pour déceler des problèmes de stabilité dans un pont ou discerner les panneaux solaires endommagés dans une centrale photovoltaïque de grande surface.

Pour les scientifiques, l’essentiel consiste en un vol sûr et stable qui permette d’embarquer des senseurs précis d’un poids non négligeable. «Nous développons des méthodes de vol intelligentes», explique Herbert Machill du fabricant allemand Aibotix. Les drones possèdent désormais des accéléromètres et des gyroscopes, des compas magnétiques et des altimètres sans oublier bien sûr des GPS. Tous ces dispositifs interagissent avec des microprocesseurs qui maintiennent un vol stable même dans un environnement changeant. Le vol sera d’autant plus «intelligent» qu’il sera automatisé et capable de se passer des interactions avec le pilote resté au sol.

Attraper les pollueurs

A l’Université de Naples Parthenope, l’ingénieur en aéronautique Massimiliano Lega développe des hélicoptères qui peuvent être pilotés ou voler de manière autonome. Ces drones intelligents savent décoller et atterrir tout seuls, peuvent suivre une route de vol prédéfinie via des points de référence GPS et abrégeront leur mission en cas de problèmes de stabilité. «Le public a souvent une vision un peu naïve des drones, explique Massimiliano Lega. C’est un vrai défi que de faire voler ces engins de manière sûre et de pouvoir accomplir nos missions.» Un simple petit courant d’air pourrait finir en crash et détruire les coûteux instruments installés par les chercheurs. Les drones les plus sophistiqués sont capables d’opposer automatiquement une résistance au vent ou encore de reconnaître les obstacles. Certains possèdent une paire de caméras pour permettre au pilote d’avoir une vue en 3D similaire à celle qu’ils auraient depuis le cockpit – une fonction très utile pour voler dans des environnements complexes tels que les forêts ou les villes. L’ingénieur italien aide les autorités locales à identifier et poursuivre des pollueurs en analysant la pollution de l’air et des rivières grâce à des caméras thermiques embarquées, des échantillonneurs d’air, des capteurs biologiques et des softwares développés pour analyser des zones contaminées.

De Bornéo à Ötzi

Les ingénieurs développent des senseurs similaires à ceux des satellites d’observation mais d’une taille et d’un poids considérablement réduits. «Les drones peuvent être déployés rapidement et de manière répétée, explique Lian Pin Koh de l’EPFZ, qui s’intéresse à la dégradation de la forêt tropicale due à l’expansion des zones agricoles sur l’île de Bornéo (Indonésie). On peut facilement varier l’altitude et la durée des missions et obtenir des images à très haute résolution.» Les drones permettent de déceler des changements de couverture végétale et même observer des plantes au niveau individuel. «Auparavant, nous devions effectuer des relevés au sol qui prenaient énormément de temps. Engager des hélicoptères revient très cher et peut s’avérer dangereux à cause des collines et du brouillard.» Son équipe a adapté un drone pour prendre des photographies en dessous des nuages – un problème récurrent avec l’imagerie par satellite. Selon le chercheur, le dispositif lui a coûté moins de 2’000 dollars.

Dans les montagnes kazakhes de l’Altaj, des archéologues de l’Université de Gand (Belgique) ont utilisé un petit quadricoptère pour inventorier près de 200 monticules funéraires datant du VIIIe au IIIe siècle av. J.-C. Dans les Alpes, des chercheurs avaient découvert dans la vallée de Tasna (Grisons) des rochers utilisés comme abris par des contemporains d’Ötzi il y a quelque 7’000 ans. Ils ont ensuite demandé à des spécialistes en géomatique de l’Université de Zurich de déployer des drones afin d’élaborer un modèle numérique du terrain.

Mais la science n’est pas que fondamentale – elle stimule également l’innovation. Deux entreprises suisses commercialisent ces engins complexes et délicats. Issue de l’EFPL, SenseFly produit des petits avions utilisables pour la photographie aérienne et pour la cartographie. Skybotix, née à l’EPFZ, vend des hélicoptères pour la surveillance des routes, des incendies et des catastrophes naturelles – au prix de quelque 5’000 dollars. Avec un budget plus abordable, vous pourrez acquérir un jouet volant pour quelques centaines de francs – mais ses performances risqueront hélas de vous décevoir.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Reflex.