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Le droit, la loi: émois, émois

Les musulmanes condamnées à la piscine obligatoire, ou Blocher perquisitionné chez chez lui: quand la justice musarde sur les bas-côtés.

C’est entendu et le Tribunal fédéral l’a martelé haut et fort: pas question d’autoriser des parents aquaphobes, et accessoirement musulmans, à soustraire leurs mouflets, ou plutôt leurs mouflettes, aux heures obligatoires de piscine. Au motif que l’intérêt des enfants à suivre la même formation que les autres primerait sur la liberté religieuse. Et qu’en sus il s’agirait là d’une condition fondamentale pour une intégration réussie.

Argument irrécusable. Sauf que cette formation ne concerne finalement, ici, qu’une pauvre chose: l’art de savoir barboter dans l’eau tiède. Comme un canard, un chien, une truite. On comprendrait mieux la détermination du TF s’il s’était agi, de la part des parents fautifs, d’épargner à leur progéniture l’enseignement d’une langue nationale, d’une histoire commune ou d’une discipline scientifique aux conclusions universelles.

A moins de sous-entendre, et c’est peut-être bien là un signe de l’état et des ambitions réelles de l’enseignement public aujourd’hui, que la natation soit une discipline aussi importante qu’une autre et qui mérite qu’on amende les récalcitrants. Ce qui laisserait aussi penser que s’afficher publiquement en costume de bain soit une avancée décisive de la démocratie, des droits de l’homme et de la laïcité. Rappelons quand même que le culte du corps, du sport, pratiqué en petite tenue, connut sa première grosse flambée, son premier triomphe obligatoire, au pas de gymnastique, dans l’Allemagne nazie.

Mais il n’y a pas que les intégristes musulmans à faire marcher le droit sur la tête. Voyez le pauvre perquisitionné Blocher, qui, comme parlementaire n’aurait peut-être pas du l’être. Du moins sans que les présidents des chambres en soient préalablement avertis. C’est l’avis du président du Conseil National Hansjörg Walter qui se trouve, malheureusement pour la démonstration, être UDC.

A l’inverse, les procureurs zurichois estiment que seuls les faits survenus après l’élection de Blocher en décembre dernier peuvent bénéficier d’une immunité due à son rang d’élu. Et donc pas ceux qui les intéressent: à savoir les contacts du politicien avec l’employé de la banque Sarasin ayant copié les données bancaires concernant l’ancien patron de la BNS Philipp Hildebrand. Que Blocher ensuite dévoilera publiquement, entrainant la chute d’Hildebrand.

Blocher, lui, maintient mordicus que son immunité parlementaire devrait jouer puisque les faits sont intervenus le 3 décembre. A un moment donc, où certes il n’était pas encore conseiller national, n’ayant pas prêté serment, mais déjà élu, depuis le 23 octobre. Et que c’est bien à ce titre qu’il aurait eu accès aux informations confidentielles concernant Hildebrand.

Ces arguties juridiques se doublent d’un débat politique tout aussi confus: l’immunité de Blocher sert-elle la vérité et l’intérêt général? Autrement dit à protéger celui grâce auquel furent révélées les pratiques qui ont coûté à Hildebrand son poste? Ou au contraire permet-elle à un politicien de renom de se soustraire à ses responsabilités — avoir trahi le secret bancaire et à ce de pures fins politiciennes? Redorer par exemple le blason de l’UDC en la faisant passer pour le parti des chevaliers blancs contre une élite corrompue.

Face à une justice empressée et à ses serviteurs soudain biens zélés, on pourrait opposer que les manigances de Blocher et ses motivations partisanes s’avèrent tout de même d’importance moindre que les faits portés à la connaissance du public grâce à ces mêmes manigances. Et puis pour une fois, même sans le faire exprès, que Blocher aurait travaillé à l’intérêt général, il serait malvenu de lui taper trop fort sur les doigts

Autrement dit: les juristes et magistrats pointilleux disent peut-être strictement le droit, mais pas forcément toujours le bon droit. De la même manière qu’il n’est peut-être pas décisif que les musulmanes de ce pays maîtrisent la brasse coulée, qu’il y a peut-être des preuves d’intégration autrement plus sérieuses à exiger.