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Le problème avec l’école vaudoise

Une tête supposée bien faite, comme Anne-Catherine Lyon, en est réduite à utiliser des arguments de cours de récréation dans la votation vaudoise sur l’école. Preuve d’un gros malaise.

large310811.jpg«Les créationnistes sont pour.» Voilà un argument, sinon d’une rare bêtise, en tout cas d’une mauvaise foi et d’une mesquinerie consommée — combien de parents d’élèves créationnistes et combien de créationnistes tout court dans le beau canton de Vaud?

Cette saillie d’Anne-Catherine Lyon contre l’initiative «Ecole 2010» montre que la question scolaire, et tout spécialement dans ce canton-là, paraît capable de dérégler les têtes les mieux faites.

Le débat sur la votation du 4 septembre, par la virulence et le simplisme des attaques des belligérants en présence, donne l’image caricaturale d’un choix qui ressemble à celui de la peste et du choléra. D’un côté le retour d’une école casques à boulons, avec coups de règles sur les doigts et bonnets d’ânes pour les plus faibles. De l’autre un réchauffé des recettes pédagogistes soixante-huitardes ayant semé la désolation et l’ignorance partout où elles ont été appliquées.

Les élèves, disent les uns, ne savent plus rien, s’engluent dans une nullité dont on n’aurait même pas idée. Tandis que le retour des notes dès six ans «et pire, des moyennes générales», est considéré par les autres quasi comme un acte de fascisme sanguinaire.

Des arguments pas loin, comme on voit, de se mordre la queue. Qui fixera par exemple le seuil de savoir moyen minimum dans les branches qui comptent — français et maths — et comment oublier qu’à toutes les époques les élèves, et plus généralement les jeunes, ont été moqués, brocardés par leurs aînés pour une prétendue ignorance et le fait d’en savoir beaucoup moins que les générations précédentes. A cette aune, l’imbattable premier de classe s’appelle Cro-Magnon.

Mais d’un autre coté, comment nier obstinément qu’il y ait dans l’école d’aujourd’hui comme un léger, très léger problème d’acquisition des connaissances communément considérées comme de base? Surtout quand on constate que désormais non seulement les élèves mais aussi certains enseignants connaissent des problèmes d’orthographe élémentaire.

On rétorquera que l’école doit s’adapter aux changements de société particulièrement virulents intervenus ces dernières années, qu’elle ne peut plus prétendre aux mêmes exigences pour l’éternité. On mettra en avant, comme le rédacteur en chef adjoint du «Temps» François Modoux, «les classes toujours plus hétérogènes» et le «comportement déconcertant de la majorité des jeunes» et on soulignera que «leur rapport à la culpabilité, à l’autorité, à l’espace-temps a profondément changé».

Mais que peut-on gagner à considérer que nos enfants ne sont définitivement plus des enfants mais des martiens aussi intouchables qu’incompréhensibles?

De même. parler comme, encore, Anne-Catherine Lyon, d’«apartheid» à propos de l’idée d’«Ecole 2010» de séparer les élèves à problèmes des autres, est-ce vraiment apporter quelque-chose au débat ou juste stigmatiser gratuitement les initiants?

Enfin, il y a ce sondage, qui sera peut-être démenti dans les urnes, mais donne l’initiative gagnante à 56% contre 37% pour le contre-projet «LEO». Si l’on rassemble sous la même bannière d’infamie tous les créationnistes vaudois, l’UDC — seul parti à soutenir l’initiative –, les réacs et les vieilles badernes de tous poils, cela ne fait quand même pas 56%, même en y rajoutant les pasteurs, les curés, les militaires ou dieu sait encore quels rebuts de la société.

On se perd donc en conjectures: qui sont ces fous furieux assez fous et assez furieux pour réclamer «une pédagogie de bon sens, compréhensible par les parents» et le retour «à des méthodes classiques pour améliorer la progression individuelle»?