LATITUDES

Pâques flottantes, le casse-tête touristique et scolaire

Pâques tombe le 25 avril cette année. Trop tard pour certains milieux touristiques et scolaires. Et si l’on se décidait enfin à abandonner le rituel de la date flottante?

Cette année, la célébration particulièrement tardive de Pâques — le 25 avril –- représente un casse-tête pour certains secteurs économiques et pour les écoles. Au point que des voix s’élèvent pour réclamer des Pâques organisées à date fixe.

La commémoration de la mort et de la résurrection de Jésus est déterminée selon une règle décidée il y a seize siècles, lors du Concile de Nicée en l’an 325. «La fête de Pâques tombe le premier dimanche après la première lune qui suit l’équinoxe de printemps», nous rappelle la Conférence des évêques suisses. En bref, lorsque, comme en 2011, la pleine lune tombe juste avant l’équinoxe de printemps, le dimanche de Pâques peut être repoussé à l’extrême de son intervalle (22 mars-25 avril).

Depuis quelques années, cette irrégularité est critiquée, y compris au sein de l’église. Le révérend anglais Andrew Dow a même proposé récemment que le conseil des archevêques travaille conjointement avec le gouvernement afin d’ancrer cette date au deuxième week-end d’avril.

«Pourquoi conserver des festivités flottantes selon une ancienne formule ésotérique?» s’interroge le révérend dans le magazine anglais Prospect. «Pourquoi créer tant d’inconvénients pour nos vies privées et notre économie? Après tout, la mort de Jésus est arrivée à un moment bien défini dans le temps, tout comme sa résurrection deux jours plus tard.»

La proposition d’Andrew Dow n’a pas été retenue par le conseil des archevêques. Elle n’intéresse pas non plus la Conférence des évêques suisses: «Par essence, cette fête ne peut pas être délimitée, indique Laure-Christine Grandjean, porte-parole. L’économie doit être au service de l’homme, et non le contraire.»

Les milieux touristiques suisses ne partagent pas cet avis. Dans les grandes stations comme Verbier et Crans-Montana, les installations de ski resteront ouvertes jusqu’au 1er mai cette année, alors qu’elles ferment habituellement autour du 20 avril.

«Ce n’est pas idéal pour nous que Pâques arrive si tard dans la saison, car les conditions d’enneigement sont très incertaines», expliques Xavier Bianco, de l’office du tourisme de Crans-Montana. Même constat à Verbier pour David Michellod: «Plus on est tard dans la saison, plus nous sommes en compétition avec les destinations du soleil.»

Avec Noël et les vacances de février, le week-end de Pâques représente une période clé pour les stations, qui s’attendent un manque à gagner évident pour 2011. Certains acteurs du milieu, tels Xavier Bianco, réclament ainsi «des dates fixes pour le week-end de Pâques».

Si les études sociologiques indiquent que les Suisses sont de plus en plus nombreux à ignorer la signification religieuse de leurs jours fériés, ils semblent par contre attachés aux traditions pascales. Ruth Derrer, de l’Union patronale suisse, trouve la situation «malheureuse pour les stations de ski, mais c’est juste une année comme ça. Il s’agit d’une date que l’on peut calculer à l’avance, les entreprises ont donc tout loisir de s’adapter.»

Claude Membrez, directeur de Palexpo, est du même avis: «Nous avons certes dû décaler les dates du Salon du Livre de deux jours cette année en raison de Pâques pour ne pas coïncider avec les vacances scolaires. C’est ennuyeux, mais Pâques fait partie de notre histoire et il faut faire la part des choses.»

Ces réactions ne surprennent pas Mallory Schneuwly, responsable de recherche à l’Observatoire suisse des religions de l’Université de Lausanne: «Une grande partie de la population ne connaît plus les racines de fêtes chrétiennes telles l’Ascension ou l’Immaculée Conception. Mais pour Noël et Pâques, les choses sont différentes: la signification de ces deux fêtes est connue et elles sont liées à des moments de réunions familiales. Il n’est pas rare que des individus ne se rendant jamais à l’église durant l’année s’y déplacent à ces occasions. Pâques conjugue aussi des traditions païennes: il est courant que les familles organisent une chasse aux œufs, et l’agneau reste le menu de prédilection. On ne peut pas remettre cela facilement en question.»
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.