Groupon a eu l’idée géniale de remettre au goût du jour les coupons de réduction. Il est devenu le site internet le plus courtisé du moment. Son concept arrive en Suisse, la concurrence aussi.
Une nouvelle «bulle internet» serait-elle en train de se former? Depuis plusieurs mois, les sociétés de Silicon Valley crèvent le plafond, inquiétant les analystes. Les 6 milliards que Google était prêt à dépenser en décembre pour racheter la start-up Groupon ont particulièrement marqué les esprits. La somme représente près du double de la plus coûteuse des précédentes acquisitions du moteur de recherche… Des zéros qui n’ont pas fait tourner la tête d’Andrew Mason, le fondateur de ce site de commerce en ligne social par coupons de réduction. Le jeune Américain de 30 ans travaille à une entrée en Bourse qui valoriserait sa société à 15 milliards de dollars.
La start-up vient en outre de lever 950 millions de dollars pour son développement (un record pour une start-up) provenant d’investisseurs de premier plan comme le fonds russe Digital Sky Technologies, la banque Morgan Stanley ou le fonds de capital à risque Andreessen Horowitz, de Marc Andreessen, fondateur du défunt moteur de recherche Netscape.
Si Groupon se fait prêter tant d’argent les yeux quasiment fermés, c’est que son modèle d’affaires est d’emblée monétisable. Chaque jour, Groupon propose à ses membres (en décembre, ils étaient 44 millions dans 35 pays) une bonne affaire dans leur ville, généralement des services à moitié prix comme par exemple une séance de fitness.
Pour que l’affaire se conclue, encore faut-il qu’un nombre suffisant de clients y adhèrent. Groupon définit en amont avec le commerçant la masse critique de clients nécessaires pour que celui-ci compense avec la quantité sa perte de marge. «Nous cherchons à avoir des réductions significatives pour qu’elles soient attrayantes. Le minimum que nous exigeons est de 50%, mais elles peuvent monter jusqu’à 90%, explique Laure Sauvagnargues, responsable communication de la succursale française du groupe. En général nos partenaires sont ouverts à l’expérience. Il est rare qu’un deal ne soit pas validé, même si les acheteurs sont peu nombreux.»
Pas forcément besoin, par conséquent, de s’acharner à convaincre une vingtaine d’amis sur Facebook de se payer les brochettes teriyaki à demi-prix du Japonais d’en bas, même si ce type de comportement est encouragé par Groupon. L’architecture du site dramatise l’acte d’achat, mettant en avant un compte à rebours du temps pour passer commande, le montant du rabais, le nombre de clients déjà inscrits, le nombre de clients nécessaires pour que le deal ait lieu et le bouton de mise en réseau sur les sites sociaux. Alors qu’il ne fournit rien d’autre que l’interface, Groupon partage à part égale le montant des ventes avec le commerçant. «Nous amenons clients et publicité sur un plateau. Et les risques sont seulement pour nous: si l’opération échoue, les commerçants ne perdent rien», justifie l’employée française.
Le site insiste sur la flexibilité de son service après-vente, qu’Andrew Mason qualifie de «fanatique». «Sans aller si loin, il est vrai que nous cherchons à contenter nos clients. S’ils ne sont pas satisfaits, nous les remboursons», assure Laure Sauvagnargues. En un an d’existence en France, Groupon propose déjà des affaires quotidiennes dans une trentaine de villes. La société se lance depuis quelques mois en Suisse. Si pour l’instant le site n’apparaît qu’en allemand et est géré depuis l’Allemagne, les principales villes du pays devraient bientôt être couvertes.
Car Groupon n’a pas de temps à perdre. La concurrence se démène pour lui voler des parts de marché. On compte près de 200 imitateurs aux Etats-Unis et 500 dans le monde. En Suisse, les rivaux ont une longueur d’avance. L’Allemand Dailydeal s’est déjà implanté en Suisse romande avec un site internet stupéfiant de ressemblance. Lancé il y a quelques semaines par des Morgiens, Tipiness.com cherche aussi à remporter la mise en jouant la carte de services plus coûteux, censés intéresser davantage les Suisses. Pour ces compétiteurs, l’espoir n’est pas vain. On l’a vu avec Friendster contre Facebook, sur internet ce n’est pas toujours le pionnier qui gagne.
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.
