LATITUDES

Tatouage semi-permanent: polémique durable

Ce vrai «tattoo», qui s’efface normalement en quelques années, séduit la clientèle hésitante. Mais la méthode divise la profession. Explications.

«Je conseille le tatouage semi-permanent à tout le monde, parce qu’il permet de changer d’avis.» Nathalie Jacquemin, fondatrice d’Artisti’c Beauté, un centre de formation en dermopigmentation et tatouage basé à Lyon, défend sans réserve la méthode du tatouage semi-permanent.

De quoi s’agit-il? Comme pour les tatouages classiques, la couleur est injectée sous la peau à l’aide d’un dermographe, une machine à aiguille. Mais, au lieu de l’encre de Chine habituelle, le tatoueur injecte des pigments végétaux et minéraux, plus légers. «Avec le temps, l’organisme mange ces pigments par phagocytose, explique Nathalie Jacquemin. Ainsi, le tatouage disparaît progressivement, en un à huit ans selon les organismes.»

Un avantage qui séduit la clientèle. «Beaucoup de parents viennent me voir. Leur enfant de 18 ans rêve d’un tattoo, mais ils hésitent, de peur qu’à 30 ou 70 ans celui-ci regrette une erreur de jeunesse.» Le semi-permanent est également recommandé par ses partisans aux femmes qui souhaitent un dessin sur le ventre et redoutent — à juste titre — que le motif ne se distende lors d’une grossesse. Certains y voient un moyen de tester un motif avant de passer au définitif. D’autres modifient leur dessin au gré de leurs envies: tous les 3 ou 4 ans, quand le motif s’est estompé.

Mais avec de tels avantages, pourquoi cette technique, introduite en France il y a une quinzaine d’années, n’est-elle pas pratiquée en Suisse? «Le tatouage semi-permanent est la plus grosse arnaque de tous les temps. Ça n’existe pas, répond Marcus, fondateur d’Eternel Tattoo, à Genève. J’en ai fait un en Australie il y a dix ans et il est toujours là. Des gens ont inventé ce mythe afin de séduire une clientèle hésitante. Mais ça ne marche pas.»

A Château-d’Œx, la responsable de Christine Tattoo partage l’avis de son confrère: «Plusieurs clients m’ont demandé si je connaissais le tatouage semi-permanent. Je le leur déconseille. De ce que j’ai vu, l’encre ne disparaît jamais complètement. Il reste des traces. Plusieurs personnes sont ainsi venues me voir pour que je recouvre un ancien tatouage semi-permanent avec un permanent!»

Sur les forums spécialisés, les critiques fusent également. «J’ai fait un tatouage semi-permanent qui disparaît inégalement, écrit un internaute. Je me demande si des tatoueurs ou esthéticiennes ont été traînés en justice pour cela, car c’est tout de même grave! Les personnes victimes de cette arnaque devraient pouvoir être remboursées.»

Des critiques qui ne perturbent pas Nathalie Jacquemin: «Le problème c’est que, au départ, le semi-permanent a été pratiqué soit par des esthéticiennes qui ne connaissaient rien au monde des tatoueurs, soit par des tatoueurs traditionnels qui ne maîtrisent pas cette technique plus subtile. Il faut injecter les pigments moins en profondeur que l’encre de Chine, ce qui demande de l’expérience. Pour éviter la déception, je conseille aux personnes intéressées de bien choisir le professionnel qui va s’en charger. D’ailleurs, j’ai des clients suisses qui font le déplacement jusqu’à Lyon pour me voir.»

Pas de quoi émouvoir Marcus, d’Eternel Tattoo: «Pour nous, les “vrais tatoueurs », le tatouage est permanent. Si les gens refusent cela, ils n’ont qu’à acheter des décalcomanies ou des Malabar.»
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.