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Massacre à l’école: Marilyn Manson est-il responsable?

Que les deux jeunes meurtriers de Denver aient voué un culte à ce chanteur de glam rock paraît vraisembable. Mais cela n’a rien d’extraordinaire. Aux Etats-Unis, ses fans se comptent par millions.

On a beaucoup entendu parler de Marilyn Manson à la suite du massacre survenu mardi dans une école de la banlieue de Denver, Colorado.

Plusieurs journaux américains ont rapporté des témoignages d’élèves rescapés selon lesquels les deux jeunes meurtriers auraient été des fans de ce chanteur de glam rock. «Ils vouaient un culte à Marilyn Manson», avançait pour sa part un docteur de l’école, cité notamment par le quotidien britannique Daily Telegraph.

Il n’en a pas fallu davantage pour amorcer la polémique: le chanteur androgyne porterait-il une part de responsabilité dans le massacre? Une prise de position officielle de Marilyn Manson était attendue mercredi soir.

Mais qui est exactement cet artiste qu’on a pu voir dans le film «Lost Highway» de David Lynch?

Brian Warner, né le 5 janvier 1969, a évidemment choisi ce pseudonyme en référence à Charles Manson, meurtrier sataniste ultracélèbre aux Etats-Unis. On peut dire que cette provocation lui a réussi: aujourd’hui, sa notoriété est très nettement supérieur à celle du tueur. Son troisième album, «Mechanical Animals», a accédé à la première place des charts américains dès sa mise sur marché.

«Explorer les limites de la censure»: c’est le programme à la fois esthétique et commercial de Marilyn Manson. Le chanteur a utilisé toutes les provocations imaginables pour accéder à la célébrité. On dit qu’il a égorgé des animaux sur scène. C’est faux. En revanche, il a déchiré des bibles et simulé l’automutilation. Ses performances, financées par des budgets faramineux, sont toujours très spectaculaires.

«Marilyn Manson n’est pas le premier chanteur de rock à s’inspirer de l’imagerie fasciste et sataniste. Mais il est celui qui la commercialise le plus agressivement», écrit le Chicago Tribune.

Les ligues chrétiennes américaines mènent une campagne massive contre Marilyn Manson, mais celui-ci ne manque jamais de les remercier en retour. «L’antéchrist superstar», comme il se décrit lui-même, sait bien qu’il doit une bonne part de sa notoriété aux puritains. Il sait que la polémique constitue le meilleur outil de marketing.

Que les deux jeunes meurtriers de Denver aient voué un culte à Marilyn Manson paraît vraisemblable. Mais cela n’a rien d’extraordinaire. Aux Etats-Unis, les fans de Marilyn Manson se comptent par millions. C’est même un signe de conformisme que d’admirer ce chanteur de glam rock.

«J’avais de l’acné, j’étais maigrichon, les mecs se moquaient de moi, déclarait Marilyn Manson dans une interview au magazine Spin. Je n’avais pas une bande de copains à laquelle j’aurais pu m’identifier. C’est probablement pour cela que je comprends si bien mes fans.»

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Pierre Grosjean, journaliste, ne possède aucun disque de Marilyn Manson, mais plusieurs de David Bowie.