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L’inspecteur Perrin vous salue bien

La démission du conseiller national neuchâtelois de la vice-présidence de l’UDC éclaire la naïveté d’une personnalité à part — et les mœurs crues d’un parti sans âme. Portrait.

Ouh là, grosse colère. Comme si l’inspecteur Perrin découvrait soudain la roue. Que les elfes et les fées n’ont plus la cote, et peut-être même n’ont jamais existé. Et qu’on lui avait tout caché. Que la terre est ronde, et l’UDC un parti d’opportunistes sans foi ni loi à l’image du grand chef historique.

Ce Blocher davantage stratège au fond qu’idéologue, tellement stratège qu’il a fini par se prendre les pieds dans ses propres embrouilles et décourager ses ouailles les plus confites. Dont l’inspecteur Perrin, qui n’a pas compris la danse du ventre effectuée par les pontes alémaniques du parti autour de l’accord avec les Etats-Unis sur UBS: d’abord tout contre, puis un petit peu pour, puis prônant l’abstention.

Donc lui, Perrin, ne veut plus être pris «pour un idiot», à faire le vice-président romand de l’UDC, ni perdre dans cette activité ce qu’il semble avoir de plus précieux: «mon temps et mon argent». Ce qui révèle tout de même une conception assez fade des richesses et opportunités de l’existence.

Il est néanmoins possible qu’on le regrette. Moins caricatural et furieux qu’un Freysinger, moins gnangnan qu’un Jean-François Rime, l’inspecteur Perrin était peut-être ce que l’UDC blochérienne avait produit de moins absurde dans l’impossible, dans l’absurde terre romande.

Avec tout de même un côté franchement tatillon, coupeur de cheveux en fines tranches et enculeur de mouches déjà mortes. Plus Taser que Kärcher en somme. Lui demande-t-on son avis sur le Service de lutte contre le racisme (SLR), il commence par avouer n’avoir rien contre «ce genre d’organes dont le rôle est de prévenir les dérives qu’elles qu’elles soient». Mais c’est pour ajouter aussitôt la petite perfidie qui change tout: «Je constate que pour ce genre de commission il n’existe qu’un extrémisme: celui de droite.»

Parfois quand même, l’inspecteur Perrin est obligé de se mettre à l’unisson des bûcherons de l’UDC profonde et de jouer lui aussi de la grosse tronçonneuse. Ainsi contre les chiffres et la saine raison, et quitte à déformer les propos de la cheffe de la police genevoise Bonfanti, elle-même piégée par le renard Décaillet, il n’hésite pas à proclamer ce que sont devenus selon lui les accord Schengen signés par la Suisse: «Un désastre, une faillite».

Il faut dire qu’en matière de sécurité, l’inspecteur Perrin ne badine pas. Il reste au fond davantage policier que franchement UDC. On le retrouve ainsi aux côtés de parents de victimes et de personnalités de gauche comme la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier à signer et porter l’initiative «Road Cross» contre les chauffards.

Le tort peut-être de l’inspecteur Perrin est d’avoir voulu être un bon petit soldat, bien dans la ligne du parti, mais tout en hésitant à se salir franchement les mains. Sur les minarets par exemple, il a su se montrer d’une discrétion de violette, se dédouanant à l’avance et se révélant, sur ce coup-là, plus faux cul que Blocher: «Je ne ferai pas une campagne active. Je rappelle que l’UDC n’a pas lancé l’initiative. Elle n’est pas non plus responsable des affiches.» Yvan Perrin faisait partie quand même des 288 délégués UDC ayant approuvé en congrès ladite initiative. L’art en quelque sorte de patauger dans la fange au milieu de ses petits camarades mais avec la croyance naïve qu’en pataugeant un peu moins fort que les autres, on en sera un peu moins éclaboussé.

Yvan Perrin sait aussi se réserver quelques petits plaisirs innocents dans la vie. Railler, oh presque gentiment, les représentants de la gauche quand ils se précipitent tête baissée — et c’est assez souvent — dans les pièges énormes que leur tendent les fins machiavels de l’UDC. Ainsi à propos des socialistes placés devant la perspective de choisir entre l’initiative blochérienne sur le renvoi des criminels étrangers et le contre-projet du Conseil fédéral, presque aussi dur: «Pour eux c’est comme de choisir entre la peste et le choléra».

Mais à la fin, c’est un peu lui qui s’est retrouvé pris en tenaille entre l’idéologie et le pragmatisme, entre les principes et la politique. Pour finir brutalement en énième mais spectaculaire victime des mirages d’une UDC d’autant plus prête à vendre son âme qu’elle en possède peu.