La production du célèbre spiritueux s’est effondrée. En cause: une baisse de la demande aux Etats-Unis.
Pour la première fois depuis la levée de sa prohibition en 2005, l’absinthe a enregistré une baisse de ses exportations l’année dernière. Et pas des moindres, puisqu’elles sont passées de 824 hectolitres en 2008 à 110 en 2009, soit une chute de 90%… De son côté, la production a reculé durant la même période de 1350 à 595 hectolitres.
Les raisons de cette dégringolade? Une baisse de la demande en provenance des Etats-Unis, premier marché d’exportation où les ventes avaient explosé dès 2007. Selon les producteurs, cette baisse serait davantage due à la crise qui a durement frappé le pays, plutôt qu’à un essoufflement de l’effet de mode que connaît la boisson depuis peu auprès des consommateurs américains. «Nous avons fortement produit et exporté vers les Etats-Unis à la fin de 2008, les ventes se sont donc réparties sur les deux années, 2008 et 2009», souligne Yves Kübler, vice-président de l’Association interprofessionnelle de l’absinthe et directeur de Blackmint, principale entreprise exportatrice du Val de-Travers. La contraction réelle aux Etats-Unis, où cet alcool est vendu à un prix d’environ 50 dollars la bouteille dans 32 Etats auprès de marchands spécialisés, serait ainsi plutôt de l’ordre de 25%. En Suisse, la consommation reste stable.
Développé dans le Val-de-Travers à la fin du XVIIIe siècle, le spiritueux n’en est pas à sa première alerte. Après un succès rapide, ayant contribué au développement économique de la région, il est accusé de «rendre fous» ceux qui le consomment. Le «crime de Commugny», drame familial prétendument commis sous son influence, conduit à son interdiction en 1910. Mais la boisson continue d’être produite et vendue, d’abord sous le manteau, puis de nouveau légalement depuis 2005. Afin d’éviter les imitations et les usurpations, les producteurs du Val-de-Travers ont récemment demandé l’enregistrement en Indication géographique protégée (IGP) des dénominations «Absinthe», «Fée verte» et «La bleue» — réponse le 30 juin.
Au-delà de la légende, l’absinthe conserverait des effets doubles: ceux, classiques, de l’alcool éthylique et ceux de la thuyone, molécule pouvant engendrer des convulsions et des hallucinations. «C’est pourquoi des normes maximales ont été fixées au moment de la législation de 2005, afin de limiter la teneur en thuyone de l’absinthe à 35 mg par kilo d’alcool», précise Marc Gilliéron, de la Régie fédérale des alcools.
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Une version de cet article est parue dans l’Hebdo.
