Encore confidentiel il y a quelques années, le CV vidéo séduit toujours plus de candidats. Mais prudence: on ne s’improvise pas chef opérateur ni présentateur TV. Quelques règles de base à ne pas négliger.
Dépassé, le CV format Word imprimé? Pas encore, de l’avis des recruteurs. Mais aujourd’hui, tous les moyens semblent bons pour sortir du lot et décrocher le job de ses rêves. Jusqu’à se filmer pour s’auto-promouvoir. Une technique qui peut payer si la qualité est au rendez-vous. Mal scénarisé, mal cadré, trop long, pas attrayant, trop fantaisiste, le CV vidéo peut desservir un candidat. Des maladroits en ont fait les frais, en devenant, en un rien de temps, la risée des internautes.
Si l’exercice se révèle parfois dangereux, il peut aussi booster une candidature. «Je trouve l’idée très originale, commente Natalie Meystre, consultante chez Startpeople à Genève. Je reçois entre dix et vingt dossiers par jour, ce format inhabituel attirerait mon attention.» Grâce à leur clip de candidature, certains demandeurs d’emploi ont été promus au rang de stars en France, plébiscités par les internautes, sollicités par les médias et courtisés par les recruteurs.
Visionnées des milliers de fois, les vidéos de ces virtuoses de la mise en scène ont servi leur cause, qu’il s’agisse de Florence Porcel et son CV façon Amélie Poulain, Sophie Guarrigues et son CV aux allures de bande dessinée ou Nicolas Catard et son CV chanté. Leur point commun? La recherche d’un emploi dans la communication ou le marketing. «Les profils créatifs gagnent à avoir recours à ce type de média qui leur permet de montrer l’étendue de leurs compétences», indique Natalie Meystre.
Néanmoins, la candidature filmée ne fait pas l’unanimité parmi les professionnels du recrutement. «Nous ne sommes pas contre, mais nous ne le conseillons pas spontanément, dit Cédric Wyss, directeur adjoint de l’institut Swissnova et responsable de l’espace emploi de la Cité des Métiers. Le principe est séduisant, mais il mérite un travail de préparation important et réfléchi. En Suisse, les initiatives en la matière restent encore rares et pas toujours bien accueillies par les employeurs.»
Et si le format est adapté à certaines professions, il paraît moins approprié pour d’autres. «Je ne suis pas convaincue de son bien-fondé dans la banque privée, explique Anna Damigella, directrice adjointe des ressources humaines de la banque Héritage. Nous basons nos recrutements sur le CV, la lettre de motivation et surtout sur l’entretien, car le contact humain joue un rôle capital.»
Si elle ne convient pas à tous les métiers, la vidéo ne correspond pas non plus à toutes les personnalités. Mieux vaut se sentir à l’aise devant une caméra. Si le candidat souhaite miser sur l’originalité de sa présentation, il est primordial que l’outil soit parfaitement maîtrisé. Le visionnage d’une vidéo sollicite d’autres sens que ceux nécessaires à la lecture d’un CV papier. La voix, l’expression du visage, la gestuelle sont autant de stimuli qui peuvent influencer négativement le recruteur.
Au même titre que la version papier sur laquelle les fautes d’orthographe ou une présentation bâclée sont rédhibitoires, la vidéo ne tolère pas un cadrage raté, une mauvaise lumière, une image floue, un son mal réglé, une voix hésitante ou des excentricités déplacées.
D’où l’intérêt de s’adresser à des professionnels. «Nous intervenons dans toutes les étapes de la création de la vidéo, détaille Marcel Fustier, directeur associé du portail Jobtic. Elocution, posture, voix, un coach conseille les candidats pour optimiser leur présentation. Le contenu est travaillé en amont, grâce à un entretien préliminaire permettant de créer un script vidéo efficace et pertinent.»
Car si la forme importe, le fond est également capital. On estime qu’un recruteur consacre moins d’une minute par CV. Or, visionner une vidéo prend deux à trois fois plus de temps. C’est pourquoi il est indispensable de cibler la démarche et d’aller à l’essentiel en fonction du poste visé, en veillant à la cohérence du fond et de la forme. Un concepteur-rédacteur mettra en avant son sens de la formule, son humour et sa créativité, alors qu’un commercial cherchera à démontrer ses capacités à vendre.
Le dernier point important concerne l’envoi du CV vidéo. Il faut s’abstenir des CD, clés USB ou autres colis fantaisistes peu fonctionnels. On aura plutôt recours aux services d’hébergement de vidéos en ligne ou aux portails de recherche d’emploi spécialisés pour envoyer une URL de consultation aux recruteurs.
Attention néanmoins, les spécialistes du recrutement s’accordent à dire que le CV papier détermine toujours la première sélection et que le visionnage des vidéos n’intervient que dans un second temps. Bien maîtrisé, le clip de présentation peut donner du relief à une candidature mais ne s’impose pas encore comme un sésame incontournable pour accéder à l’entretien d’embauche. A ne tenter donc qu’avec une certaine prudence…
