Son parcours laissait présager une action audacieuse. Un an après son entrée en fonction, le président des Etats-Unis obéit à la télévision et aux sondages. Comme les autres.
Barack Obama est au pouvoir depuis une année. Vu d’Europe, cet anniversaire marque la fin des illusions. La perte du siège occupé depuis 1962 par le sénateur démocrate Ted Kennedy a confirmé mardi la chute de popularité du président et de son gouvernement.
Cette normalisation n’enlève rien au fait que la présence d’un Afro-américain à la Maison Blanche marque une césure importante dans l’histoire des Etats-Unis sur le plan symbolique. Mais la rapidité avec laquelle elle est intervenue témoigne de l’extraordinaire capacité d’absorption du système, d’autant plus que l’itinéraire personnel d’Obama avant son élection permettait d’augurer une rupture plus radicale avec les années Bush. Une fois passé le moment d’émotion, le principe «business as usual» a vite repris le dessus.
La perte de la majorité qualifiée de soixante sièges au Sénat confirme la paralysie du système parlementaire étasunien. Dès maintenant, l’essentiel des décisions de l’exécutif se prendront en fonction de l’échéance électorale de l’automne prochain afin de tenter de retrouver cette majorité au Sénat et de sauver celle de la chambre des Représentants.
Puis, le Congrès en partie renouvelé, chacun regardera vers l’horizon 2012, date de la prochaine élection présidentielle. Négociateur hors pair, Obama n’a pas fini de finasser sur les détails pour revigorer sa présidence. Mais est-ce sur les détails que l’on construit une grande politique ?
C’est ainsi que le héros de notre temps se retrouve empêtré dans des tâches subalternes qui ne peuvent en rien résoudre les problèmes de notre temps. Alors que les économistes annoncent de nouvelles et violentes turbulences, les politiques transformés en procrastinateurs professionnels, un œil fixé sur les sondages, l’autre sur les petits écrans, remettent sans cesse à d’hypothétiques jours meilleurs des réformes attendues depuis des années. Non seulement celle, urgentissime, de la gouvernance économique mondiale, de la régulation du jeu de la concurrence entre les grands groupes capitalistes, mais aussi celle des relations internationales à commencer par l’ONU, l’élargissement du G8 à d’autres pays, l’OTAN, etc.
Il y a encore beaucoup plus grave. Dans le nouveau rapport de force mondial où une dictature pas soft du tout, la Chine, renforce chaque mois sa puissance, bat de nouveaux records économiques, financiers ou technologiques, bafoue quotidiennement les droits élémentaires des populations qui lui sont soumises, les Etats-Unis (et l’Europe qui s’aligne benoitement sur eux) se laissent entraîner dans une spirale totalitaire intolérable.
Le maintien d’une pression militaire aussi gigantesque que grotesque sur le Proche et Moyen Orient au prétexte d’une prétendue lutte contre le terrorisme pourrit les acquis démocratiques durement gagnés depuis la dernière guerre mondiale. Jamais nous n’avons été aussi fliqués, jamais les appareils policiers privés ou d’Etat n’ont été aussi nombreux, puissants et arrogants.
Ce qui devrait donner de l’urticaire à tous les démocrates — la surveillance rapprochée de la planète par des satellites espions à buts politiques ou commerciaux, le fichage informatisé de millions d’individus, les atteintes à l’intimité de la personne aux passages douaniers, etc. — est admis passivement par des moutons humains lobotomisés, désormais dépourvus de tout amour-propre. Or pour l’homme, la fierté — elle transcende les bêlements religieux — est sa principale lettre de noblesse. Même George Orwell en ses moments de désespoir n’eût jamais imaginé que l’on arrivât à un tel point de déchéance.
Obama donc. Qu’a-t-il qui le différencie des autres? Mettons pour être concret, d’un Sarkozy, d’un Berlusconi? Pas grand-chose. Dans ma jeunesse, une lecture obligée de tout gamin était le fameux roman d’Harriet Beecher Stowe La case de l’oncle Tom. Quand à la télé Obama parle de l’aide à Haïti, c’est l’ombre de l’oncle Tom que l’on voit. Celle d’un tartufe qui veut nous faire avaler que l’on peut aider Haïti tout en intensifiant la guerre en Afghanistan.
