A la fin décembre 1999, le magasin de jouets eToys.com a réussi à faire disparaître le site artistique etoy.com, pourtant plus ancien. Une mobilisation des internautes libertaires va changer les règles du jeu.
Sur internet, la disparition du site d’etoy.com déclenche la colère de tous les défenseurs de la liberté d’expression (lire ici la première partie du récit). L’affaire bénéficie d’une impressionnante couverture médiatique. Très rapidement apparaissent de nombreux sites anti-eToys tels que toywar ou eviltoy.
Les appels au boycott et les réactions d’indignation se multiplient. Par mesure de rétorsion, certains administrateurs n’hésitent pas à bloquer l’accès à eToys sur les sous-réseaux qu’ils gèrent. Un sit-in virtuel provoquant quelques problèmes sur les serveurs d’eToys est organisé pendant les fêtes de Noël par ®™ark, un groupe d’activistes électroniques.
Des appels aux employés d’eToys sont lancés pour qu’ils abandonnent la compagnie. Les adresses e-mail des managers d’eToys sont publiées et leurs boîtes aux lettres sont rapidement saturées par une avalanche de messages de soutien à etoy.
Sous la pression publique, le 29 décembre 1999, le porte-parole d’eToys, Ken Ross, déclare à la presse que sa compagnie «a reçu de nombreux messages enjoignant eToys à trouver très rapidement une façon de co-exister avec etoy.com», qu’elle a «pris en considération ces opinions» et qu’elle «propose de mettre un terme à son action légale».
Le porte-parole n’indique pas si la baisse du cours de l’action d’eToys au cours du mois de décembre a joué dans cette décision. En effet, alors que la tendance générale des valeurs internet cotées au NASDAQ est à la hausse, le cours d’eToys est passé de 68 dollars fin novembre à 30 dollars fin décembre. La corrélation entre la chute boursière et la bataille avec etoy.com n’est certes pas démontrée, mais la coïncidence est fâcheuse.
Cependant, eToys assortit sa proposition de la requête que tout «matériel sensible» soit placé sur les autres sites du collectif. Sentant le vent tourner, les artistes répondent alors qu’il est hors de question de laisser un quelconque droit de regard sur le contenu de leur site au marchand de jouets. Le porte-parole précise qu’il s’agit là d’une simple demande et en aucun cas d’une précondition.
L’affaire n’est pas terminée: le site etoy.com reste aujourd’hui inaccessible. Zai, porte-parole du collectif, affirme qu’une audition a eu lieu le 10 janvier mais que le cas n’est toujours pas réglé. «Le collectif désire simplement revenir à la situation antérieure à l’affaire, explique-t-il à Largeur.com. Le magasin de jouets eToys n’existe que par son label. Ses fondateurs ont fait l’erreur d’investir des millions de dollars dans un nom très proche d’un domaine déjà existant. Ils se retrouvent dans une position de faiblesse: si l’entreprise abandonne sa poursuite, elle ne pourra plus attaquer le collectif. Et si notre dépôt de la marque est accepté par le bureau américain des marques, nous pourrons alors poursuivre eToys pour utilisation abusive de marque déposée.»
En attendant, etoy joue avec les nerfs de son adversaire: le collectif vient de lancer un jeu multi-utilisateur intitulé «toywar», en précisant qu’eToys vend des répliques réalistes de soldats nazis. Même si la bataille leur a déjà coûté 50’000 dollars, les artistes sont bien déterminés à se battre pour récupérer leur nom de domaine. Pour financer le combat, la vente des «actions» d’etoy et des articles «toywar» continue online.
L’affaire pose à nouveau la question de la juridiction réglant les conflits de noms pour les domaines .com, .net et .org. Malgré leur usage global, ces domaines relèvent de la juridiction américaine et non d’un organisme international encore à inventer.
Le cas d’etoy n’est pas unique. Mais dans cette affaire, les artistes alternatifs pourraient bien l’emporter contre la firme américaine multi-milliardaire. Reste à savoir jusqu’à quand les défenseurs de la libre expression pourront faire plier les cybermarchands.
Aux dernières nouvelles, le magasin de jouets était prêt à verser 25’000 dollars aux artistes en dédommagement de leurs frais d’avocats.
