Pour se rendre sur son lieu de travail, Sulpiz Boisserée n’emprunte jamais le même itinéraire; il le compose à son gré grâce à son fidèle compagnon: un vélo pliable. En quelques secondes, l’engin se transforme en bagage à main et, en sens inverse, retrouve son aspect fonctionnel. «Je pédale jusqu’à un arrêt de bus, si l’attente est trop longue, je poursuis ma route en deux-roues. A l’inverse, s’il pleut, je plie mon vélo et saute dans le bus. Et en cas embouteillages, je descends et redeviens cycliste.»
Passionné de vélos pliables depuis près de 20 ans, ce quinquagénaire d’origine allemande a ouvert en novembre dernier Bikes2fold, une boutique spécialisée, dans le quartier genevois de Carouge. Il répond aujourd’hui à une demande croissante: «J’ai déjà vendu 180 Brompton (marque anglaise fétiche du magasin, ndrl). On ne m’en livre malheureusement pas assez. 16’000 pièces sortent de l’usine chaque année, alors que la demande dépasse les 45’000 au niveau mondial.»
Le magasin Hot Point à Genève propose également des vélos pliables depuis 5 ans, et constate le même engouement. «Nous en vendons actuellement 2 à 3 par mois, note Serge Gration, responsable d’atelier, alors qu’au départ nous comptions 2 clients par année!»
Déjà répandu en Angleterre, le vélo pliable trouve donc gentiment sa place dans les villes romandes, aux côtés du deux-roues traditionnel et de la version électrique, très en vogue. Les pliables existent pourtant depuis les années 1970. «Les progrès techniques au niveau du mécanisme de pliage explique le regain d’intérêt pour ces modèles», estime Jvan Aeberli de Dahon Suisse, qui importe depuis 15 ans des vélos pliables de la marque américaine du même nom. Une centaine de vélos étaient distribués en Suisse dans les années 1990, contre plus de 3000 l’an dernier. «Aujourd’hui, les vélos pliants pèsent de 8 à 13 kg, ce qui représente une énorme diminution de poids par rapports aux premiers prototypes.»
Un facteur déterminant pour un objet destiné — contrairement à la version traditionnelle — à suivre l’usager tout au long de sa journée. Tel un bagage, il se transporte dans un ascenseur ou dans une rampe d’escalier. «Il suffit d’une quinzaine de secondes pour le plier ou déplier dès que l’on maîtrise les trois ou quatre mouvements nécessaires, explique Sulpiz Boisserée. Une fois refermé, le vélo se range sans problème sous un bureau. En fait, son propriétaire ne s’en sépare jamais, même sur son lieu de travail, ce qui supprime tout risque de vol et de déprédation. Du coup, cela encourage les gens à l’équiper d’accessoires de qualité, qu’il s’agisse d’un phare ou d’une selle.»
Atout plus surprenant: certains modèles se transforment en caddie grâce à des petites roulettes présentes au niveau du porte-bagage. Lorsque la structure est pliée, celles-ci s’appuient sur le sol et le vélo glisse aisément sur une surface lisse. «Je pars souvent avec mon vélo pliable lorsque je dois faire de petites courses, raconte Alain Rivara, retraité de 71 ans qui habite Meyrin. Je fixe un panier au niveau du guidon, qui ne bouge pas lorsque j’ouvre ou je ferme mon vélo.» Anouck Tank, illustratrice de 36 ans, qui vit et travaille à Genève, constate qu’elle porte moins de charge depuis l’acquisition de son vélo pliable de 12 kg. «Je dépose mon sac à main dans la sacoche quand je me trouve dans le bus et je fais glisser le tout si je marche.»
Pour un usage quotidien, l’avantage principal d’un deux-roues pliable demeure la facilité à combiner les modes de déplacements: il se charge dans un coffre de voiture ou il s’embarque librement dans le bus et dans le train. Les CFF, qui constatent l’arrivée de ces engins dans leurs wagons, acceptent leur présence gratuitement. «Pour autant qu’ils soient pliés et emballés, les vélos pliables peuvent être déposés sous et entre les sièges ou sur le porte-bagage», confirme le porte-parole Jean-Louis Scherz.
Parmi les nombreux romands à se rendre en vélo au travail (en deux ans le nombre de cyclistes a augmenté de 30% à Genève et de 70% à Lausanne, selon les chiffres de l’association Pro Vélo), de plus en plus optent ainsi pour la version pliable. Depuis 3 mois, François Ferrari, 50 ans et enseignant, délaisse régulièrement sa voiture en faveur de son pliable. «Avant et après mon trajet en train depuis Genève, je pédale. Je travaille dans les hauteurs de Morges, la route monte, mais j’y arrive très bien avec mon vélo.»
Les capacités des pliables ont souvent été remise en question. «Les modèles de dernière générations sont très sophistiqués, assure Sulpiz Boisserée. En revanche, il faut se méfier des objets bon marché dont le système de pliage n’est pas suffisamment fiable.» En cours de route, un guidon ou le cadre pourraient par exemple se replier. «Pour profiter au mieux de son vélo pliable, il est important de comprendre son fonctionnement. Plusieurs initiatives sont en train de se mettre en place pour que chacun puissent apprendre à s’en servir (lire ci-dessous).»
Autre caractéristique intrigante: la petite taille des roues. «Cette particularité n’a pas d’incidence sur la vitesse, poursuit le vendeur. Elles ont l’avantage d’être plus maniables et réagissent rapidement. En revanche, celles de moins de 16 pouces ne garantissent pas une parfaite stabilité.» La forme générale de la structure requiert un temps d’adaptation. Serge Gration de Hot Point estime toutefois qu’un pliable «n’égalera jamais un vélo traditionnel en termes de performance».
Des premiers prix au très haut de gamme, le choix est vaste. Les constructeurs proposent des modèles adaptés à chaque environnement. Il faut donc se poser les bonnes questions avant d’investir. «Pour une utilisation régulière dans les transports publics, il est indispensable de tenir compte du volume plié et du mode de pliage, qui doit être très facile, recommande Marcel Mühlestein, organisateur de balades en vélos pliables. Ces éléments ont moins d’importance si l’usager le charge dans son coffre pour l’emmener en vacances par exemple.»
Quant au prix, il varie considérablement en fonction des modèles. «Pour un vélo de qualité destiné à un usage quotidien en ville, il faut compter entre 750 et 2000 francs, détaille Sulpiz Boisserée. Cela dépend de la marque, des matériaux et des accessoires.» Les sportifs qui souhaitent l’utiliser en montagne pourront opter pour un modèle à 24 vitesses, équipé de bons freins. Le coût avoisinera dans ce cas-là les 3000 francs. «L’investissement initial semble élevé, mais ces vélos ont une longue durée de vie. La hauteur du guidon et de la selle se règle et s’adapte aussi à la taille d’un enfant et peut ainsi se transmettre de génération en génération.»
Coaching et networking
Pour encourager la pratique du vélo pliable, des passionnés organisent des balades en groupe et une assistance sur le terrain.
Dans le but de promouvoir et de diffuser des informations sur le vélo pliant en Suisse, une dizaine de passionnés ont lancé en août 2009 la Swiss folding society. Une à deux fois par mois, des «balades pliantes» sont organisées à Genève.
«En groupe de 10 à 15 personnes, nous pédalons à travers la ville», raconte Marcel Mühlestein, coordinateur. Nous imaginons des parcours originaux pour montrer tout ce qui est possible de faire avec un vélo pliable: nous traversons un magasin, montons des escaliers, prenons l’ascenseur etc. Nous proposons également de changer de vélo en cours de route afin de tester plusieurs modèles.» Telle une communauté, les amateurs de vélo pliants se rencontrent et échangent astuces et bons plans pour améliorer les performances de leur véhicule.
Un parcours intégrant le M2 lausannois a également eu lieu dans la capitale vaudoise, sous l’impulsion de LausanneRoule. «Vu l’intérêt suscité par la première balade, nous prévoyons d’en agender d’autres», annonce Lucas Girardet, directeur de l’association.
Autre initiative lancée en juin dernier par Sulpiz Boisserée: le programme Plusvelo. Pendant trois jours, un coach accompagne l’élève pour l’aider à trouver les meilleurs itinéraires, en combinant transports publics, vélo et voiture si nécessaire. «Ce programme permet d’établir un plan de mobilité personnalisé. Le but est d’arriver sur son lieu de travail sans une seul goutte de sueur sur soi.»
Les particuliers intéressés ont la possibilité de remplir un questionnaire sur le site internet de Plusvelo ou au guichet de l’association GenèveRoule. «Sur la base de ces informations, nous voyons si nous pouvons apporter quelque chose. Si c’est le cas, nous contactons la commune et l’entreprise de la personne pour savoir si elles sont prêtes à participer au financement, à savoir 500 francs pour couvrir les frais de coaching, le billet pour les transports publics ainsi que le prêt du matériel (vélo et vêtements).
Les communes de Vernier et Meyrin ont déjà accepté dix participations, Carouge et Bernex y réfléchissent.» Ce projet est à l’étude à Lausanne également. «Le vélo pliable convient parfaitement bien à une région en pente, estime Jean-Christophe Boillat, délégué-vélo de la ville. Il ouvre de nouvelles perspectives de mobilité, je suis persuadé qu’un potentiel de développement existe.»
Les modèles les plus répandus
Brompton
Fabriqués en Angleterre de manière artisanale, les vélos pliables Brompton sont connus sur le marché comme étant les plus compacts. Recommandés pour les déplacements quotidiens en transport public. Dès 1330 francs pour un vélo à 3 vitesses.
Dahon
L’américain Dahon est le plus grand constructeur mondial de vélos pliables. Son point fort: des prix très attractifs et un grand choix de modèles (dont certains spécialement adaptés aux femmes). Dès 800 francs.
Birdy
Fierté de la maison allemande Riese und Muller, le Birdy séduit pour sa polyvalence. Rapide et confortable, il fonctionne aussi bien en ville que «hors route» et convient aux longues distances. Dès 2000 francs.
Tikit
La marque Bike Friday propose, entre autres, le modèle Tikit qui se plie extrêmement rapidement. Bel atout: il peut être fabriqué sur mesure en fonction de la taille, de la longueur des bras et des jambes de chacun. Dès 2000 francs.
Strida
Elu meilleur vélo pliable par la Fédération romande des consommateurs, le Strida surprend par son look design. La taille et le poids de l’utilisateur sont limités (de 153 cm à 193 cm et 110 kg). Deux modèles sont disponibles: une vitesse à 940 francs, 2 vitesses à 1300 francs.