Basée à Genève, Sensometrix s’apprête à conquérir le marché du contrôle d’accès des bâtiments d’entreprises. Elle signe ces jours un accord de licence mondiale.
Pour entrer, pas besoin de clé ni de badge: il suffit de présenter sa main. Sans même le toucher, un petit boîtier situé à côté de la porte reconnaît les veines cachées dans la main, identifie l’individu et le laisse passer – ou non. Développé par Sensometrix, ce dispositif révolutionnaire s’attaque à l’immense marché de l’identification biométrique. Ses atouts pour gagner la bataille? Confort, rapidité et fiabilité.
«L’algorithme que nous avons développé se révèle 10 fois plus rapide que ceux que l’on trouve sur le marché, explique Nicolas Rebetez, cofondateur de la start-up. Nous revenons du Japon où nous l’avons présenté au centre R&D d’une grande multinationale. Ce programme d’identification les a bluffés et nous sommes en train de finaliser un accord de licence pour sa distribution au niveau mondial!»
Il va sans dire que le produit de la start-up genevoise a de quoi séduire: un usager trouve plus facilement acceptable de passer sa main devant une caméra que de présenter son œil devant un scanner.» Intrusive, lente et peu agréable, la reconnaissance basée sur l’iris ou la rétine cumule les désavantages. Fonctionnant sans contact, le système de Sensometrix peut séduire les marchés asiatiques, particulièrement sensibles aux questions d’hygiène. Qui n’est pas du tout garantie lorsqu’une centaine d’employés appuient leur doigt sur un capteur.
Inconvénients. «Le facteur décisif pour les utilisateurs reste le confort d’utilisation et la rapidité», poursuit Nicolas Rebetez. Certains aéroports et postes frontière emploient un système de lecture de l’iris, qui peut prendre une dizaine de secondes. Délai trop long. Quant au leader actuel du marché, le lecteur d’empreintes digitales, il rencontre des problèmes lorsque l’utilisateur a les mains mouillées ou utilise des produits corrosifs, tels les médecins, qui endommagent les sillons au bout des doigts et les rendent méconnaissables.
Et son vrai problème demeure la sécurité. On peut copier des empreintes laissées sur un objet, puis les reproduire pour tromper le dispositif d’identification. «Notre technologie évite ces problèmes. Invisibles à l’œil nu, les veines de la main sont très difficilement copiables.» De plus, la main doit être bien vivante pour que les veines apparaissent. Ce qui exclut le scénario d’une main amputée.
Convaincus de la cohérence technique et économique de leur solution, Nicolas Rebetez et Adrien de Loës ont fondé Sensometrix en 2006. Venant du management (vente chez IBM), les deux amis ne possédaient pas de back-ground technique. Ils ont travaillé avec le fabricant suisse du capteur capable de visualiser le tracé formé par les veines de la main, afin de l’intégrer dans une solution commerciale.
«Nous avons beaucoup travaillé sur le software pour le rendre plus rapide, explique Adrien de Loës. Lorsque le nombre d’usagers augmente, la base de données devient énorme, ce qui peut ralentir le contrôle.» Pendant un an et demi, des ingénieurs engagés par Sensometrix ont développé un algorithme de comparaison ultra-rapide. Résultat: la reconnaissance s’effectue en quelques centièmes de seconde et l’autorisation d’accès prend moins de deux secondes. Le taux d’erreurs reste très faible, seulement huit cas sur dix millions – soit le même niveau qu’avec l’iris.
Commercialisation. L’image originale des veines de la main, cryptée, reste inaccessible, autant à Sensometrix qu’à l’entreprise gérant les accès de ses employés. «Car la confidentialité des données est cruciale, souligne Adrien de Loës. Les informations biométriques font souvent un peu peur; les gens s’inquiètent du respect de la vie privée. Il faut faire très attention que ces données ne puissent pas s’égarer.» Perdre ses clés est une chose, savoir que son «identité biométrique» se promène dans la nature en est une autre.
L’an dernier, les deux entrepreneurs se sont associés à Guillaume Du Pasquier, ingénieur EPFL qui a fait ses armes chez NEC et Kudelski. «Nous voulions garder le contrôle sur notre technologie, précise Nicolas Rebetez. Il était devenu essentiel de nous associer avec une personne qui maîtrise les questions techniques.»
Prête à la commercialisation de sa plateforme, l’entreprise installe des versions-pilotes pour convaincre ses premiers clients par l’usage. Une «grande entreprise pharmaceutique internationale» a déjà installé le dispositif pour le tester. D’autres installations-pilotes suivront cet été en Suisse romande, chez un client industriel ainsi que chez ACM, entreprise de trading en ligne. Elles contrôleront une dizaine de passages quotidiens pour quelques centaines d’usagers. Le système coûte une dizaine de milliers de francs par accès, un prix qui inclut la gestion des usagers et le logiciel de reconnaissance.
«Nous mettons sur pied un réseau de partenaires pour la distribution, détaille Nicolas Rebetez. Notamment en collaborant avec les acteurs majeurs des installations de sécurité, tels que Siemens ou Tyco, afin de profiter de leurs contacts. Notre technologie ne remplacera que la serrure, l’administration des bâtiments (alarmes, coupe-feu, etc.) restera toujours couplée à leur gestion des accès.»
Biométriques. Selon Nicolas Rebetez, le marché de la biométrie devrait passer de 1 milliard de dollars en 2007 à quelque 10 milliards en 2013.
De nombreuses entreprises voulant se prémunir des risques de vol et d’espionnage industriel se tourneront vers ces «serrures intelligentes» basées sur des caractéristiques corporelles.
Car les clés se perdent, les cartes magnétiques se prêtent et les photos figurant sur des badges se trouvent facilement sur Internet…
En développant des dispositifs d’identification sûrs, Sensometrix met d’ailleurs le pied dans une autre porte: celle des marchés des passeports biométriques et des systèmes de paiement. Pour retirer de l’argent au bancomat, il faudra peut-être aussi bientôt montrer patte blanche.
——-
D’autres méthodes
La Suisse se profile comme un pôle d’excellence en sécurité high-tech.
Une spin-off de la Haute Ecole spécialisée de Berne, Axsionics, a commencé cet hiver à vendre un lecteur d’empreintes digitales portable pour sécuriser l’accès à Internet.
Keylemon, une spin-off de l’institut de recherche Idiap à Martigny, vend depuis début mars son logiciel autorisant l’accès à un ordinateur par reconnaissance du visage.
Fondé en 2001 à Genève, A4 Vision a été rachetée en 2007 par l’Américain L-1 Identity Solutions, qui commercialise un système de reconnaissance faciale.
——-
Une version de cet article est parue dans PME Magazine du mois de juin 2009.
