LATITUDES

Une publicité plus efficace et plus discrète

Géo-localisation, téléphones, réseaux sociaux… Les innovations technologiques transforment la communication des marques. Objectifs: mieux cibler le consommateur, et minimiser les intrusions.

Un hologramme se détachant d’une affiche pour vanter les mérites d’une boisson gazeuse… C’est le stéréotype de la pub du futur véhiculé par d’innombrables films de science-fiction. Or, les professionnels anticipent au contraire une évolution vers des méthodes plus discrètes et, surtout, des messages plus proches des attentes du consommateur.

Ainsi en va-t-il des téléphones portables, en particulier l’iPhone, qui accompagnent l’usager en permanence et offrent un support idéal, convoité par les annonceurs. «La mobilité permet de raccourcir considérablement le chemin entre le client et le produit ou la marque, résume Jérôme Allien, fondateur de Boom Mobile, startup genevoise spécialisée dans la publicité sur les mobiles. Nos applications permettent aux marques d’adapter leur message à ce support, d’utiliser l’interactivité et la géo-localisation, deux atouts majeurs.» Concrètement, la start-up développe du contenu (fonds d’écran intelligents, vidéos, sons) et des applications dédiées au mobile, dont un magazine interactif gratuit, avec publicités animées, à télécharger.

Mise au point par Sony et Philips, la technologie NFC (pour Near Field Communication) offre d’autres pistes de développement intéressantes en matière de publicité sur les mobiles. Ce système, intégré à un téléphone portable, permet aux personnes se trouvant à proximité d’une affiche ou d’un écran de télécharger facilement des informations complémentaires. Répandue en Asie, cette technologie offre les avantages d’être moins intrusive et complexe que le système standard Bluetooth installé dans les téléphones actuels: la transmission nécessite l’accord volontaire de l’usager, qui se fait ponctuellement (pour une courte durée et une transmission de proximité) et très simplement.

L’opérateur Orange planche actuellement sur un modèle d’affaire plus terre à terre: joindre de la publicité aux SMS, moyennant l’accord du récepteur, qui bénéficie en contrepartie d’avantages financiers. Public visé: les gros consommateurs de SMS âgés de 18 à 35 ans. Autre déclinaison possible, les city guides, pour lesquels les avantages de la géo-localisation prennent tout leur sens: l’utilisateur peut être guidé vers un point de vente, un musée, une boutique ou un restaurant. Les commerçants paient pour figurer sur la liste des centres d’intérêts répertoriés.

La publicité du futur ne sera pas uniquement plus mobile, elle sera toujours plus interactive et participative: «Auparavant, il s’agissait de savoir qui criait le plus fort, explique Pedro Simko, président de Saatchi & Saatchi Simko. Demain, ce qui comptera sera d’intégrer le consommateur à la marque. Faire en sorte qu’il contribue à la construire et se sente concerné par elle.» Les «flash mobs» et autres «talking posters» (voir ci-dessous) sont autant d’exemples allant dans le sens de la transformation du client en «consommacteur».

Le client peut désormais intervenir dans le processus au point, parfois, de dépasser l’intention de la marque: c’est notamment le cas des publicités revisitées sur YouTube (le gorille jouant de la batterie de la publicité pour le chocolat Cadbury en constitue le dernier exemple marquant en date) ou des «fan clubs» de marques crées par des internautes sur Facebook. «Il s’agit surtout d’associer grâce à l’interactivité, poursuit Pedro Simko. Dans ce cadre précis, la technologie peut s’avérer particulièrement utile.»

En parallèle à ce mécanisme d’intégration croissante, les canaux par lesquels les annonceurs toucheront leur public deviendront de plus en plus spécifiques. Ce qui ne signifie en aucun cas l’arrêt de mort des médias de masse: «La télévision restera encore un bon moment le canal généraliste numéro un pour ceux qui souhaitent toucher un large public, estime le publicitaire. La plupart des gens garderont le reflexe d’allumer leur poste pour s’informer ou se détendre en rentrant chez eux.»

C’est surtout en amont que les habitudes des annonceurs vont évoluer: «On cherchera de plus en plus à observer les gens dans leur environnement de consommation. A comprendre non pas ce qu’ils achètent, mais plutôt comment ils utilisent ce qu’ils achètent.» Dès lors, les analyses qualitatives passeront de moins en moins par des questions à un «panel représentatif» et les analyses quantitatives utiliseront de plus en plus internet, notamment les réseaux sociaux: «Nous aurons toujours plus souvent affaire à des consommateurs hybrides, avec des goûts de plus en plus différents. Il deviendra par conséquent difficile de prévoir leur comportement ou d’établir des typologies ou des habitudes de consommation, selon l’âge par exemple.»

Pour René Engelmann, directeur de l’école de communication Polycom à Lausanne, «à cause de l’importance croissante prise par internet dans le domaine de la publicité, les agences ont désormais tendance à développer dans un premier temps des campagnes destinées au web ou aux supports digitaux, puis à les décliner, en cas de succès, sur des supports traditionnels». Selon lui, le processus est encore renforcé en cette période de crise. Dans ce contexte, la fonction de veille se fera chaque fois plus incontournable: «Il faudra constamment se tenir au courant de ce qui se passe sur le Net pour pouvoir réagir à temps, notamment démentir une rumeur.»

Avec ces évolutions, de nouveaux dangers apparaissent. D’abord, celui d’une distinction toujours plus floue entre communication et information, éditeurs et publicitaires investissant toujours plus les mêmes supports (web, ebook, iphone, magazines, etc.).

Tout aussi grave, la question des risques de dérive en matière de protection des données personnelles: les puces RFID, introduites dans les produits (vêtements, etc.) qui permettent de récolter, gérer, échanger et distribuer des informations sur les habitudes des consommateurs (déplacements, fréquence de passages sur les points de vente, etc.), et surtout la «VeriChip», cette puce électronique en forme de grain de riz pouvant être insérée sous la peau des humains, pourraient avoir d’importantes incidences éthiques si elles venaient à se généraliser.

Ces minuscules puces peuvent contenir des informations médicales (groupe sanguin, allergies, maladies), et commerciale (compte bancaire, etc.). On imagine aisément les dérives possibles. Il faudra que des règles strictes s’établissent, afin que le rêve du ciblage ultime des annonceurs n’engendre pas un fichage généralisé de la population.

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T-Mobile recycle les «flash mob»

Surfant sur la vague des «mobilisations éclairs», ces réunions dans un lieu public organisées depuis internet, l’opérateur de téléphonie mobile allemand a frappé un grand coup en faisant danser il y a quelques mois en plein Liverpool Street Station des centaines d’individus. La marque vient de faire encore plus fort avec un karaoké géant réunissant plus de 10’000 personnes au centre de Trafalgar Square.

Des posters qui parlent

Dans sa compagne «Voices Project», l’ONU a innové avec des affiches parlantes ou «talking poster». L’idée consiste à photographier avec son téléphone portable les personnes représentées (un cadre est spécialement dessiné sur leur bouche à cet effet), puis envoyer l’image à un numéro, pour ensuite recevoir un appel préenregistré de la personne et écouter son histoire. Le mécanisme fonctionne également avec les annonces parues dans la presse. En Australie, après une période de 2 semaines de campagne, environ 35’000 personnes ont écouté les histoires d’individus malades, battus ou immigrés, qui n’ont habituellement pas voix au chapitre.