Un paysan de Château d’Oex propose aux citadins d’adopter ses bêtes. Il assure ainsi la promotion de ses produits et offre des escapades originales. Avec succès.
Elles s’appellent Katia, Rêveuses ou Tequila. Ce sont de belles laitières, que l’on peut adopter online par l’intermédiaire du site Mavachamoi.ch, initié par Michel Isoz, paysan à Château d’Oex (VD): leurs parrains s’engagent pour quatre mois.
Moyennant 390 francs, les citadins en manque d’authenticité peuvent ainsi s’offrir une proximité inattendue et exceptionnelle avec la nature, et avec l’animal qu’ils parrainent. Le forfait inclut une visite à l’alpage avec l’agriculteur, une quinzaine de kilos de fromage AOC à prix réduit, ainsi que quatre heures de travail volontaire sur l’exploitation.
«Ma motivation première est le partage avec le citadin, explique Michel Isoz. Je veux qu’il se sente chez lui lorsqu’il vient au chalet.» Agriculteur énergique, il souhaite faire connaître le mode de vie des alpages, parfois rude d’ailleurs. «Les gens sont surpris de voir que nous travaillons les sept jours de la semaine. Ils se rendent compte de la quantité de travail qu’il faut pour produire du fromage et comprennent mieux son coût, ainsi que les subventions dont nous bénéficions.»
Lancé l’an dernier pour la première fois en Suisse romande, Mavachamoi a rapidement trouvé son public: «Dès la première saison, nos vingt vaches ont été louées. La demande a été supérieure à l’offre!» La clientèle se recrute avant tout dans les villes romandes, mais également en France: des familles et des personnes intéressées à vivre une expérience originale.
La location de vache est aussi souvent offerte par des proches: «Je cherchais un cadeau inattendu pour le mariage de mon frère, raconte la vaudoise Cherries Von Maur. Louer une vache lui permettra de découvrir la vie d’alpage avec sa femme, un nouvel univers. Ils feront connaissance avec le paysan et pourront lui poser toutes les questions qu’ils souhaitent.»
Les vaches sont-elles facile à apprivoiser? Sur cette question, les avis sont partagés. Pour Bernard Stuby, spécialiste en bovins à l’école d’agriculture de Grange-Verney (VD), «il ne faut pas se faire d’illusions, cela n’a rien à voir avec un chien. Une vache ne reconnaît pas un visiteur qui vient la voir occasionnellement.»
Un point de vue atténué par Roland Maurer, professeur d’éthologie à l’université de Genève: «Si les visites à une vache sont fréquentes, celle-ci risque bien de reconnaître la personne après quelque temps. Les bovins sont des animaux grégaires. Ils possèdent une connaissance du lien social, qui peut très bien s’appliquer à l’être humain. Mais la vache est une proie, ce qui implique un tempérament plus placide et plus lent que celui d’un prédateur. Il faut donc être très patient.»
Quoiqu’il en soit, pour Thierry Gallandaz, professeur d’économie rurale à l’école d’agriculture de Grange-Verney (VD), le concept de location représente une excellente opération de relation publique pour un agriculteur. «Il existe depuis plusieurs années chez les vignerons. C’est un outil marketing qui permet de recruter des clients.» Michel Isoz considère en effet la location du bétail, qui ne lui rapporte pas grand-chose, comme un moyen pour écouler les produits de son alpage, tels son Etivaz AOC, son fromage raclette ou sa viande séchée.
Forte de ce succès naissant, la location de vache fera-t-elle des émules? «Peut-être, mais cela reste un créneau de niche, considère Thierry Gallandaz. Pour se lancer, le paysan doit être prêt à y consacrer beaucoup de temps et avoir envie d’accueillir les gens. Tout le monde n’est pas fait pour ça.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine L’Hebdo.
