«Il neige de l’argent». Ce slogan d’un organe de crédit, plus stupide que réellement provoquant, colle à l’air glacé du temps. Frimas et tempêtes financières obligent, chacun recompte ses sous et tente, langue sortie et cou dressé, de happer pour soi les précieux flocons.
De cette rapacité décuplée par l’urgence et un sentiment de panique diffuse, caractéristique des grandes crises, les exemples, ces jours… pleuvent.
L’UBS d’abord, évidemment. Acceptée, exigée plutôt sous prétexte que tuer cette banque-là, ce serait flinguer toute l’économie, la manne publique, dans l’esprit de nos génies de la finance, ne devrait donner lieu à aucune contrepartie. Pas question par exemple de laisser l’Etat sauveur exercer le moindre contrôle.
Cette arrogance des banquiers, consistant à claironner sans réplique qu’eux seuls savent comment utiliser au mieux l’argent des autres, a fini par produire l’impensable: transformer Christoph Blocher en gauchiste échevelé, lui qui milite maintenant pour une quasi mise sous tutelle de ses anciens amis de l’UBS. L’ex-ministre populiste propose en effet une structure salariale pour la banque qui soit désormais analogue à celle des entreprises de la Confédération. Ainsi que la présence d’un représentant du Conseil fédéral au conseil d’administration de l’UBS.
Monsieur Prix ensuite, Stefan Meierhans, s’avisant avec son gros pavé dans la mare Billag, que 55 millions dépensés juste pour encaisser des factures auprès de clients largement captifs, cela devenait, en temps de crise, tout simplement intolérable. L’idée lumineuse de Monsieur Prix: pompons directement, via par exemple, l’impôt fédéral direct.
Personne bien sûr n’aime Billag. Mais l’urgence ne serait-elle pas, si crise vraiment il y a, et donc explosion prévisible du chômage, de songer plutôt aux 300 emplois générés par Billag? Pourquoi ne pas plutôt porter la réflexion sur un montant de la redevance frisant le racket — 464 francs, qui vont peser de plus en plus lourd sur les budgets des ménages? L’association «Bye bye Billag» suggère par exemple de ramener la taxe à 100 francs par tête de pipe téléphage.
Santésuisse, aussi, défend becs et ongles son gros tas de noisettes, dans un bras de fer avec les cantons sur la question de savoir qui doit supporter les coûts occasionnés par les indigents n’arrivant plus à faire face à leurs primes maladie. Un débat de sourds, chacun se renvoyant la responsabilité, au nom de ses intérêts bien compris d’assumer ce pan-là de misère humaine.
Pascal Couchepin enfin, qui décide sans trop de concertation de baisser les tarifs des examens de laboratoires au nom de principes abstraits, quasi théologiques, comme gravés dans le marbre du catéchisme libéral le plus obtus: «efficacité adéquation, économicité».
Au grand dam des médecins généralistes des cantons de Vaud et Genève, pleurnichant qu’on les assassine. Comme s’ils appartenaient aux catégories les plus fragilisées de la population.
Ces guéguerres entre les grosses structures étatiques et les mastodontes privés, que la crise exacerbe encore, ne devraient pourtant que peu influer, tant elles s’avèrent catégorielles et idéologiques, sur le quotidien et la situation de tout un chacun.
Il est à craindre que l’offensive contre Billag ne débouche sur aucun allégement de la redevance.
Que ni le pactole accordé aux banques, ni l’éventuel droit de regard de la Confédération dans les micmacs financiers, ne facilitent à nouveau l’accès aux crédits.
Que ni la décision du parlement qui devra trancher dans le désaccord entre les cantons et Santésuisse, ni le nouveau cadeau de Couchepin aux assureurs, ne freinent la hausse des primes maladies.
Toutes mesures pourtant utiles face à la déprime conjoncturelle et pouvant rétablir l’indispensable confiance des ménages.
Qu’importe. Tombe la neige.