TECHNOPHILE

L’armure robotisée qui décuple vos forces

Les exosquelettes artificiels vous permettent de développer une puissance surhumaine tout en souplesse. Leur commande est humaine, mais leur force mécanique.

Les héros aux forces surhumaines et les personnages fantastiques de Hollywood se sont libérés de notre imagination pour prendre place dans la réalité. Des combinaisons robotiques qui augmentent la force et la mobilité ont vu le jour dans plusieurs régions du globe. Et quand la machine s’allie à l’homme, les limites de la force et de l’endurance humaines paraissent soudainement dérisoires.

A l’intérieur des murs de Sarcos, une entreprise de produits médicaux et robotiques nichée contre les collines de Salt Lake City, dans l’Utah, des ingénieurs ont mis au point l’exosquelette Raytheon Sarcos — qui rappelle le personnage d’«Iron Man» (l’homme de fer) du film à succès. L’armée américaine finance la mise au point de ces «uniformes de soldats» et prévoit de les déployer sur le champ de bataille d’ici quatre à sept ans.

La combinaison de 86 kilos recouvre l’arrière du corps et des membres. Elle s’enfile facilement, car son poids est soutenu par l’exosquelette lui-même. L’exosquelette de Sarcos se déplace en harmonie avec le corps grâce à un système hydraulique contrôlé par un assemblage de senseurs, d’actuateurs et de mécanismes de contrôle.

Les senseurs situés dans l’armature captent vos mouvements, puis les transfèrent aux actuateurs. Le fondateur de Sarcos, Stephen Jacobsen, explique que, par le passé, les robots étaient rigides et bizarrement coordonnés. La difficulté a consisté à en concevoir un qui ne se comporte pas de cette façon.

Cette charpente en aluminium permet aux soldats de soulever une centaine de kilos sans effort et de se déplacer sur de longues distances sans se fatiguer. Les soldats pourraient se servir de cette combinaison pour charger de lourdes caisses de munition, stocker des missiles ou porter des blessées. Au lieu de trois soldats pour évacuer une personne d’un champ de bataille, il n’en faudrait qu’un seul, revêtu d’un exosquelette.

La force de l’exosquelette de Sarcos est impressionnante, mais ses joints hydrauliques autorisent une certaine agilité. Jouer au football, frapper un punching-ball et grimper les escaliers font partie des possibilités de la combinaison et démontrent sa polyvalence.

Stephen Jacobsen a conçu l’exosquelette en l’an 2000, après s’être rendu compte que si les êtres humains pouvaient intéragir avec des robots, ils devaient aussi être capables d’agir à l’intérieur de ces derniers. Il décrit son travail comme un mariage entre la science, l’art, l’ingénierie et le design.

Stephen Jacobsen considère cette technologie comme une porte ouverte à d’autres champs d’application, comme par exemple les opérations de recherche et de sauvetage, les usages médicaux et l’aide aux amputés et aux paraplégiques.

A l’Université de Tsukuba près de Tokyo, le professeur Yoshiyuki Sankai développe une autre technologie pour sa combinaison robotique HAL (acronyme de Hybrid Assistive Limb, membre de soutien hybride). Les mouvements motorisés sont directement commandés par les signaux émis par le cerveau et transmis le long des nerfs plutôt que par les mouvements des muscles eux-mêmes.

Cette combinaison est destinée aux personnes qui souffrent de paralysie. Lors d’une conférence de presse organisée pour présenter HAL, le chercheur a déclaré que «la technologie n’est utile que lorsqu’elle permet d’aider l’être humain» et refuse «qu’elle soit utilisée à des fins militaires». Parmi les autres utilisations figurent la réhabilitation et la thérapie physique des patients, l’aide aux personnels de soin (pour soulever des personnes dépendantes), et l’aide aux personnes qui travaillent dans des secteurs où elles doivent porter de lourdes charges. L’exosquelette HAL peut désormais être loué au Japon.

Porté sur les bras et sur les jambes, HAL accompagne les mouvements du corps grâce à huit moteurs électroniques, attachés aux épaules, aux coudes, aux genoux et à la taille. La partie bioélectrique entre en jeu lorsque l’on veut déplacer son corps. Le cerveau émet un signal électrique qui contracte les muscles lorsque ceux-ci le reçoivent. Le signal électrique se déplace jusqu’aux muscles par le biais des nerfs du corps, ce qui génère une légère décharge d’électricité à la surface de la peau. Les senseurs de HAL réagissent à l’électricité et utilisent un ordinateur attaché à la taille pour analyser le signal et mettre en marche les moteurs appropriés.

Soulever une machine à laver avec une combinaison HAL n’est pas plus difficile que porter un mixer. Il existe différents modèles, qui multiplient la force d’une personne par un facteur compris entre environ deux et dix. La combinaison complète pèse 23 kilos, mais comme pour le robot humanoïde de Sarcos, elle ne paraît pas lourde, car l’exosquelette soutient son propre poids.

Les surhommes ne sont pas un phénomène nouveau. Pensons aux personnages introduits par la mythologie grecque, Héraclès, Hermès et Achille. Peut-être les Grecs ont-ils créé les Jeux Olympiques pour voir si l’endurance et la force de l’homme pourraient rivaliser avec celles de ces héros…

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Des neuroprothèses robotiques

«Le design de Sarcos est impressionnant, déclare Hugh Herr, chercheur dans le domaine des prothèses robotisées et professeur au MIT. Il s’agit d’un exosquelette solide, qui augmente à la fois la force des bras et des jambes et qui est en équilibre avec le corps humain».

Hugh Herr, doublement amputé, a lui-même allié la biologie, la mécanique et l’électronique en développant des prothèses de membres robotiques (des pieds, des chevilles et des genoux), qui fonctionnent aussi bien que des membres humains, et pourront peut-être un jour remplacer la «véritable» chair et le «vrai» sang.

Ces prothèses fonctionnent avec des batteries et un système élaboré de senseurs réceptifs aux signaux émis par les muscles. Chaque membre robotique comprend un ordinateur attaché au membre artificiel. Hugh Herr souligne qu’à l’avenir, les membres artificiels fonctionneront moins avec les mouvements des muscles qu’avec les signaux émis par le cerveau — des «neuroprothèses», qui seront implantées dans le corps.

Le chercheur est un exemple vivant de l’utilisation actuelle de cette technologie: «Actuellement, je porte des chevilles robotiques, qui imitent assez bien la dynamique de l’homme. Nous travaillons aussi sur un genou robotique, capable de reproduire les mouvement d’un homme qui se déplace.»

Cependant, le chercheur précise qu’il faut prendre en compte trois éléments: les amputés marchent plus lentement, dépensent plus d’énergie et sont moins stables. «Avec la génération de membres robotiques à venir, nous serons en mesure de résoudre les deux premiers problèmes mais pas le dernier — nous pouvons améliorer la stabilité, mais pas la normaliser. Ce sera probablement le cas de la génération suivante.»

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Peta Owens-Liston est journaliste à Salt Lake City (Utah, Etats-Unis). Elle a écrit cet article en exclusivité pour le magazine Reflex, publié par Largeur.com et l’EPFL.