Le nouveau Michael Crichton est arrivé! Son dernier techno-thriller s’intitule «Timeline» («Les frontières du temps»). Il y a là-dedans un peu de technologie des quanta, quelques voyages à travers le temps et pour décor, la France du 14e siècle. La traduction française du roman de l’auteur américain ne saurait tarder.
En une trentaine d’années, Crichton, 57 ans, a produit une douzaine de bestsellers: «Jurassic Park», «Twister», «Harcèlement»… Des titres pour la plupart adaptés à l’écran par la machine hollywoodienne qui en a fait des superproductions.
Comment Crichton fait-il pour que chacun de ses livres devienne un succès mondial? En lisant le New York Times, qui a mené l’enquête, on constate que Crichton se distingue moins par sa prose que par son flair. Il a écrit sur les manipulations génétiques, la théorie du chaos, les flux économiques internationaux, la primatologie, la géométrie fractale ou la déréglementation des transports aériens. Des thèmes qui passionnaient le public au moment de la sortie du livre ou, mieux, anticipaient les engouements à venir.
La genèse de chacun des romans de Crichton se cache dans un épais dossier. L’écrivain identifie en permanence des sujets qui agitent les esprits et donnent bientôt lieu à la parution d’une montagne d’ouvrages. Il leur consacre alors un dossier où il accumule articles de journaux, publications scientifiques et documents divers.
Les thèmes en cours de documentation présentent un condensé saisissant de notre imaginaire collectif. Les dossiers portent sur les volcans, les ballons à air chaud, les comètes, le minuscule royaume de Bhoutan, les monastères retirés du Tibet, la culture équestre des Mongols, les intrigues politiques de la Renaissance italienne, la vie de Leonard de Vinci, la révolution américaine et le comportement des plantes. Autant de thématiques qui apparaîtront à coup sûr prochaînement dans des mégaproductions cinématographiques américaines…
Pourquoi un thème plutôt qu’un autre débouche-t-il sur un livre? Crichton lui-même est sans réponse. «Je vois les sujets comme des cultures biologiques. J’ai planté des semences et plus tard, le plus souvent après des années, cela aboutit à une récolte. C’est une expérience subjective. Un thème commence à me travailler et puis très vite, je n’arrive plus à me le sortir de la tête. Mais je ne sais pas vraiment pourquoi celui-là s’est imposé.»
Une fois les thèmes choisis, Crichton se met méthodiquement à la construction d’une intrigue. Il se demande: «Que se passerait-il si quelqu’un faisait ça?»
Dans «Timeline», la question a débouché sur l’histoire de trois jeunes historiens qui se plongent dans la théorie des quanta du physicien Richard Feynman, élaborée en 1981. A l’aide de cette technologie, ils vont voyager dans le temps. Ils se transportent dans l’Europe médiévale et y trouvent tout autre chose que ce qu’ils attendaient.
Avant «Timeline», Crichton ne connaissait pourtant pas grand-chose du Moyen Age. «Je crois bien que je ne savais pas ce qu’était la Guerre de Cent Ans», avoue-t-il. Tout au plus reconnaît-il une fascination pour les chevaliers et leurs armures La période historique est cependant celle qui s’est imposée comme l’ère chaotique où il voulait envoyer ses héros.
Comme pour tous ses romans, Crichton dévore les ouvrages de référence avant de commencer à écrire. Pour «Timeline», il dit avoir lu plus de 200 livres, dont «Armes, armures et fortifications lors de la Guerre de Cent Ans»; «Geons, trous noirs et quanta» ou encore «Cathédrale, forge et roue à eau, technologie et invention au Moyen Age». A la rédaction, il bute néanmoins sur une foule de détails de la vie quotidienne médiévale. Il souhaite que le moindre morceau de nourriture, le moindre outil corresponde à la période historique. Un perfectionnisme fastidieux: «Chaque soir, j’allais me coucher avec le livre où je devais trouver les informations manquantes.»
La tâche se complexifie encore avec la partie scientifique de «Timeline». «La théorie des quanta est vraiment quelque chose de complexe. Et même quand vous pensez en saisir le sens, cela reste difficile à décrire. J’ai dû récrire ces pages une quantité de fois», relève Crichton. Il refuse d’écrire un texte correct pour le physicien mais hermétique à l’homme de la rue. Tout comme il veut éviter une prose compréhensible de tous qui fasse rire les scientifiques. Ambition de l’auteur: des explications acceptables pour un professeur de physique, niveau maturité.
L’écriture d’un livre représente pour Crichton une période d’ascétisme. Il mange toujours le même repas à midi. Il travaille sept jours sur sept dans une pièce au décor spartiate, afin d’éviter toute distraction. A mesure que le texte progresse, il se lève toujours un peu plus tôt, jusqu’à se retrouver devant son clavier à deux heures du matin.
Dans sa jeunesse, Crichton a été un étudiant brillant. Il obtient une licence d’anthropologie avec mention et un diplôme de médecine à Harvard. Il finance ses études en écrivant des thrillers sous pseudonymes, comme le mentionne complaisamment son site officiel.
Crichton assume ses penchants «New Age». Il raconte dans Voyages, un livre datant du milieu des années 80, sa quête du monde de l’au-delà et ses expériences paranormales. Amateur d’art moderne, il est l’auteur d’une biographie de Jasper Johns. L’écrivain habite une grande maison à Bedford Hills, dans l’Etat de New York, et ne se déplace qu’en limousine. Crichton en est à son quatrième mariage.