Le champion du monde de Formule 1 projette d’emménager avec sa compagne aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Pourtant, même s’il ne met presque jamais les pieds en Suisse, il reste domicilié fiscalement à Genève. Explications.
«J’ai décidé de déménager en Suisse», déclarait, en octobre 2007, Lewis Hamilton sur les ondes de la BBC. Le champion du monde de Formule 1 justifiait ce choix par la pression médiatique insupportable qu’il subit dans son pays: «En Angleterre, je ne peux plus vivre normalement. Quand je vais aux toilettes, les gens me suivent pour me demander des autographes. En Suisse en revanche, on vous laisse tranquille. Personne ne vient vous importuner.»
Le nouveau prodige de la F1 a donc emménagé l’année dernière sur les rives tranquilles du Léman, dans le canton de Genève. Mais quelques mois plus tard, les choses ont cependant changé… Depuis quelques mois (mai 2008), Lewis Hamilton vit une idylle avec Nicole Scherzinger, la célèbre chanteuse des Pussycat Dolls. Très médiatique, le couple ne semble plus vouloir se cacher des photographes… ni résider en Suisse! «Nous allons emménager ensemble très prochainement, annonçait récemment Nicole Scherzinger. Nous sommes en train de nous décider entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.»
De quoi remettre en cause le forfait fiscal dont bénéficie Lewis Hamilton en Suisse? A Genève, les autorités compétentes refusent de se prononcer sur le cas particulier du pilote McLaren Mercedes. Qu’en est-il légalement? «Régulièrement, la presse évoque le fait qu’il faut résider au moins six mois par an en Suisse pour bénéficier d’un forfait fiscal. Mais c’est faux, explique Me Xavier Oberson, professeur de droit fiscal suisse et international à l’Université de Genève. Au niveau fiscal, le critère retenu est le transfert des intérêts vitaux dans le pays, une notion beaucoup plus subjective. En d’autres termes, un étranger peut bénéficier d’un forfait fiscal en ne vivant que quelques jours par an ici, si sa famille y est installée ou ses enfants scolarisés.»
«Le nombre de jours passés dans notre pays est un indice parmi d’autres mais pas une condition sine qua non, confirme Serge Cornut, directeur de l’administration fiscale du canton de Genève. Dans la règle, ces contribuables expatriés s’installent en Suisse avec leur famille (femme, enfants…); ainsi, la question de la résidence principale est aisément réglée.» Mais ce n’est pas le cas de Lewis Hamilton. La famille du pilote réside en Angleterre et il n’a pas d’enfants. Difficile de savoir quels «intérêts vitaux» le Britannique a déplacé en Suisse.
Pour le savoir, «nous effectuons des contrôles ponctuels», affirme Serge Cornut, sans en dire davantage. Reste que ces mystérieux contrôles ne débouchent jamais sur un retrait des avantages fiscaux. «A ma connaissance, il n’existe aucun cas où les autorités cantonales ont privé quelqu’un de son forfait parce qu’il n’avait pas transféré ses intérêts dans le pays, souligne Xavier Oberson. En revanche, il arrive qu’un Etat étranger remette en cause le domicile fiscal suisse de l’un de ses expatriés, pour cette raison.»
On comprend que la démarche ne vienne pas des autorités helvétiques: dans le seul canton de Genève, «environ 630 contribuables bénéficient d’un forfait fiscal selon la dépense, ce qui rapportent un peu plus de 84 millions de francs d’impôts cantonaux et communaux par an, dit Serge Cornut. Il convient d’ajouter à cette somme 28 millions d’impôt fédéral direct.»
Dans le cas de Lewis Hamilton, il faudrait donc que la Grande-Bretagne remette en cause la domiciliation suisse du pilote pour que celui-ci perde ses avantages fiscaux. Pour se défendre, le multimillionnaire de 23 ans pourra toujours expliquer que tous ses amis du paddock vivent aussi en Suisse: des retraités Alain Prost et Michael Schumacher, aux jeunes loups de la F1 comme Heikki Kovalainen ou Fernando Alonso…
——-
Une version de cet article est parue dans le magazine Bilan.
