Pour les grandes entreprises, une bonne réputation sur internet est synonyme de compétitivité et de bénéfices accrus. Une évidence? Aujourd’hui certainement. Mais en 2000, quand David Sadigh et Flavio Quaranta fondent IC-Agency, leur société de conseil en marketing interactif, ils se profilent en précurseurs sur ce créneau pointu. Avec moins de 20’000 francs et l’obligation d’être rentable dès le premier mois, la PME genevoise prend son envol, alors même que la bulle internet explose…
IC-Agency s’est imposé depuis comme une référence auprès des plus grandes multinationales, notamment celles actives sur le marché du luxe. La société emploie une trentaine de personnes, réparties entre les bureaux de Genève et de Bathurst, au Canada. Son chiffre d’affaire net s’élève 2 millions de francs par an.
Parmi les clients réguliers de l’entreprise suisse, on compte des poids lourds aussi variés que Nespresso, Dior, Tag Heuer, Peugeot ou encore Omega. Autant de marques soucieuses de leur réputation en ligne. Et qui nourrissent toutes un fantasme: ne rien perdre de ce qui se dit sur elles et sur leurs produits au travers des innombrables blogs, forums et sites spécialisés, et ainsi pouvoir ajuster au plus fin leur stratégie commerciale.
C’est là qu’IC-Agency intervient. La société genevoise a mis au point des outils logiciels capables d’écouter, de comprendre et d’analyser les différentes opinions exprimées sur le réseau. «Nous proposons aux entreprises un service de veille stratégique, une sorte de stéthoscope de l’activité internet qui cible les contenus réellement déterminants pour nos clients, résume David Sadigh. Nous leur donnons les moyens de ne pas se faire surprendre. Dans un deuxième temps, les entreprises recourent à nos services pour améliorer leur marketing en ligne dans la durée.» Un business model basé sur des mandats annualisés et renouvelés, plutôt que des contrats ponctuels: «Cette récurrence est devenue une religion. Notre objectif ultime: nous rendre indispensable en fournissant des données cruciales.»
La longue expertise d’IC-Agency, à l’écoute du réseau depuis plus de huit ans, lui offre une grosse valeur ajoutée par rapport à ses concurrents. En outre, le nombre limité de clients (une trentaine) permet d’assurer un suivi de projet personnalisé pour chacun d’entre eux. Le montant des contrats s’échelonne de 30’000 à 200’000 francs.
En l’espace de deux ou trois ans, l’entreprise helvétique a nettement renforcé sa dimension internationale, alignant les mandats prestigieux et accumulant les distinctions. «Un déclic s’est produit en 2006 lorsque Dior nous a confié la gestion de son référencement en ligne dans le monde entier. Aujourd’hui, la plupart de nos mandats s’étendent à l’international. Nespresso vient par exemple de nous confier l’ensemble de sa prochaine campagne internet. De Genève, nous coordonnons et optimisons les plans médias pour toutes leurs agences dans le monde.»
L’entreprise genevoise se distingue aussi par son mode de management, avec une culture qui repose sur le partage transparent de l’information et le travail d’équipe. «Nous disposons d’un blog d’entreprise et d’un site Wiki interne où tous les collaborateurs peuvent trouver et ajouter des informations sur la vie de l’entreprise et les projets en cours, souligne Florent Bondoux, responsable du marketing. Par ailleurs, comme nous sommes tous abonnés à des blogs et des forums particuliers, dès que l’un d’entre nous déniche un lien intéressant, il l’ajoute aussitôt à un logiciel commun de gestion des favoris.»
Dans les bureaux genevois d’IC-Agency, situés à l’Avenue Krieg, sur la rive gauche de la rade, l’âge moyen des quinze employés n’excède pas 28 ans. Informaticiens, business analysts, juristes, psychologues et spécialistes en marketing en ligne, le personnel reflète l’approche pluridisciplinaire proposée par la société suisse à ses clients.
Depuis 2005, l’unité Recherche et développement (R&D) de la société, pilotée par Flavio Quaranta, est implantée à Bathurst (Canada). IC-Agency y profite d’un financement étatique aux retombées décisives: «Sur 3 ans, le montant alloué à la recherche et au développement s’élève à 2,5 millions de francs; environ 80% de cette somme a été financée par le gouvernement canadien, qui lutte de cette façon contre la fuite des cerveaux et attire des sociétés technologiques à fort potentiel. Ces investissements conséquents nous permettent d’affiner nos outils d’analyse», se réjouit David Sadigh.
Le logiciel Consumetrics, par exemple, répertorie les avis réels des consommateurs au sujet d’une marque. Le programme scrute les milliers de messages publiés dans les blogs et forums, puis compile les données obtenues pour établir des tableaux statistiques. Au moyen de mots-clés, tels que «prix» et «trop cher», par exemple, l’entreprise peut juger instantanément des réactions des internautes, quasiment en temps réel, et avant même le lancement officiel d’un produit. Nespresso et Tag Heuer, notamment, ont déjà été séduit. «L’un des énormes avantages du système est d’offrir une image non-biaisée de la perception des consommateurs, puisque ces derniers s’expriment de manière anonyme», souligne David Sadigh. Tag Heuer pourrait en témoigner, elle qui a recouru à Consumetrics pour tester le positionnement de son futur téléphone portable haut de gamme baptisé Meridiist.
Même succès rencontré par la solution Holistis, qui vise à optimiser les sites web des marques, en fonction du profil réel des visiteurs, pour augmenter les ventes en ligne. L’an dernier, cette start-up lancée par IC-Agency a gagné le prix TF1 de la conférence Web 3 à Paris, et bénéficie désormais de l’appui industriel du groupe français. Holistis s’utilise désormais pour optimiser la publicité sur le site TF1.fr.
Symbole de cette consécration, l’Ecole supérieure de commerce et de management (ESCEM) de Tours et Poitiers a confié dans la foulée à IC-Agency l’enseignement du module e-marketing pour son très exclusif MBA Chic Innovation.
Même l’entreprise Google, dont l’expertise n’est plus à démontrer en matière de référencement, loue le savoir-faire de la PME genevoise. À témoin, cette présentation de Thomas Hanan, directeur des ventes de Google Switzerland, mentionnant les données issues du WorldWatchReport d’IC-Agency lors d’un événement organisé par le Financial Times en mars 2008 à Genève. Réalisée chaque année par IC-Agency, le WorldWatchReport est une étude exclusive qui dévoile les tendances de la demande horlogère. Les données de 5 marchés, 12 marques horlogères et 30 millions d’intentions de consommateurs sont collectées et analysées.
Avec une croissance annuelle de près de 50%, IC-Agency envisage l’avenir avec confiance. «Nous parvenons à dégager une activité bénéficiaire malgré des investissements toujours conséquents en recherche et développement», relève David Sadigh. La société prévoit de déménager dans des locaux plus spacieux du côté de la Praille. Car un nouveau cap important doit être franchi l’an prochain: «Quatre groupes d’envergure nous ont proposé des joint ventures, en l’occurrence deux sociétés du monde des médias, une entreprise active dans la publicité au niveau mondial, ainsi qu’une firme spécialisée dans les études de marché. Nous étudions ces différentes opportunités, glisse David Sadigh. Un partenariat stratégique de dimension international sera annoncé dans les six mois.»
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Bio express
David Sadigh
Né le 12 mai 1981 à Genève. Co-fondateur de IC-Agency et responsable des activités Europe. Expérience marketing et e-marketing internationale acquise dans des industries variée: finance, e-commerce, luxe, B2B ou la grande consommation. Chroniqueur régulier dans la presse économique et spécialisée, David Sadigh intervient régulièrement dans plusieurs cursus universitaires et comme conférencier (INSEAD Alumni, AdTech Paris, E-Commerce Expo, etc.). Il est également membre du Conseil Scientifique du diplôme «Créations de luxe et métiers de l’art» dispensé par l’Université de Genève.
Flavio Quaranta
Né le 1er novembre 1968 à La Chaux-de-Fonds. Co-fondateur de IC-Agency et responsable du bureau canadien. Dix années d’expérience Internet au plus haut niveau et un Master en Internet Marketing obtenu aux Etats-Unis.
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Une version de cet article est parue dans le magazine économique suisse Bilan.