Le retour envisagé d’un blochérien pur sucre au Conseil fédéral souligne le manque de vision et de conviction des radicaux et des démocrates-chrétiens. Ils n’exigent plus qu’une chose. Que ce blochérien-là ne soit pas Blocher.
Christoph Blocher est donc «capable et compétent», «très intelligent et surtout totalement indépendant». L’affaire est, dès lors, entendue: qui d’autre que lui pourrait succéder à Samuel Schmid?
C’est en tout cas l’avis d’un expert, Jean Ziegler, qui s’y connaît en leader maximo et autres populistes à grandes gueule, lui qui fut l’ami personnel du Che.
Pour une fois, les caciques de l’UDC sont d’accord avec Jeannot le Rouge: Blocher sinon rien. Comme Hans Fehr, le patron de l’Asin, affirmant que le département de la défense est devenu une absolue pétaudière et que seul Hercule Blocher serait capable de nettoyer ces écuries-là.
Verdict confirmé par la section zurichoise de l’UDC, qui intronise son candidat à 49 voix contre 1.
Surprenant, quand même, si l’on sait — tout le monde à Berne l’affirme en tout cas la main sur le cœur — que Blocher n’aura aucune chance devant les chambres le 10 décembre prochain.
Deux hypothèses sont donc avancées: les tactiques dites de la terre brûlée et de l’épouvantail. La première consisterait pour les blochériens à rejouer les caliméros, à laisser Blocher se faire humilier une nouvelle fois, pour mieux renforcer le caractère oppositionnel de l’UDC, démontrer à quel point elle est maltraitée par les partis gouvernementaux et rafler une fois de plus la mise lors des élections de 2011.
La deuxième explication semble plus crédible: Blocher servirait d’épouvantail. Pour éviter le diable, les parlementaires fédéraux seraient prêts à valider n’importe quelle autre candidature UDC, y compris une candidature aussi blochérienne que Blocher.
Par exemple, celle de l‘ancien président du parti Ueli Maurer, clone triste mais fidèle et taillé dans le même vieux bois noueux de cette morgue mi-conservatrice, mi-provocatrice, qui fait tout le charme du blochérisme.
La droite de ce pays semble prête à valider la manoeuvre, à faire comme si Blocher et Maurer — ou le bernois Amstutz ou n’importe quel autre blochérien dans la ligne –, ça n’avait rien à voir. Comme si l’un était le diable et les autres le diable aussi mais avec juste une impalpable différence qui rend le premier infréquentable et les autres taillés pour le costume de conseiller fédéral.
Le patron du PS, Christian Levrat, est déjà résigné, affirmant que radicaux et PDC sont prêts à voter «pour un UDC pur et dur, aussi extrémiste que Blocher, à condition qu’il ne soit pas Blocher».
On en déduira, à voir le soulagement qui semble se dessiner à droite devant la perspective du retour de l’UDC à la table gouvernementale, que le putsch du 12 décembre 2007 était surtout, plutôt qu’un sursaut démocratique, un banal complot de pusillanimes cherchant à se débarrasser de la personne Blocher, mais non pas de ses idées. Comme si, Blocher évacué, la galaxie UDC redevenait un partenaire tout à fait fiable et concordant.
Abandonnée donc, presque aussitôt émise, l’idée du PDC de ne pas élire, en temps de crise économique, un UDC hostile à la libre circulation. Ce souhait de revoir l’UDC, la vraie, au pouvoir, répond pour les radicaux comme pour les démocrates-chrétiens à de basses considérations tactiques. Les radicaux ont besoin du soutien de l’UDC pour garder leur deuxième siège au Conseil fédéral et le PDC a besoin de se distancer, notamment face à sa base alémanique, d’un PS avec lequel il a beaucoup fricoté depuis le 12 décembre.
De ce 12 décembre 2007 au 10 décembre 2008, et en suivant comme fil rouge sang le Golgotha de Samuel Schmid, on aura donc surtout fait du surplace, pour aboutir bêtement à la case départ. De la toute petite politique donc.
L’UDC ne s’y est pas trompée qui se gausse doucement de la faiblesse de ses adversaires, par la voix d’Ueli Maurer en personne: «Nous constatons avec satisfaction que notre politique d’opposition est un plein succès, car les autres partis veulent que nous rentrions à nouveau au Conseil fédéral.» Ça, c’est du witz.
