Dans les avis mortuaires, la nouvelle formule «tu nous manques» remplace l’ancienne «il sera regretté de tous». Un tutoiement qui témoigne d’une croyance en la communication avec l’au-delà. Ce sujet fait l’objet d’une exposition à Berne.
«Si tu étais encore là, aurais-tu toujours cette joie de vivre et de faire plaisir à tous ceux que tu aimais? Serais-tu marié? Aurais-tu des enfants?»
Ici, c’est un fils qui complimente son père: «Cher papa, je te réitère mes compliments, ‘pap’, et te suis reconnaissant de m’avoir confié, entre autres, un des héritages les plus enrichissants qui soient: par quel procédé louable se libérer et vaincre définitivement, si besoin, une contrainte handicapante et astreignante. (…) Sois en paix et heureux, ‘pap’!».
Trois neveux et nièces souhaitent un doux voyage à leur tante: «Nous gardons dans notre cœur ton regard pétillant et curieux, ton sens de l’humour, sans oublier ton romantisme lorsque tu regardais Top Models.»
Mais il n’y a pas que les familles qui, après un décès, continuent à entretenir le dialogue avec le disparu, les sociétés dont il était membre font de même. Ainsi, un Ordre des magistrats exprime ses regrets à l’un des siens: «Ton œuvre va rester inachevée, en particulier ce commentaire de la nouvelle procédure pénale suisse dont tu venais de commencer la rédaction.»
Quant à ce dévoué samaritain, sa section a tenu à lui rappeler, après son décès, «dans les cours de sauveteurs et dans l’enseignement de la réanimation cardiaque, tu as fait preuve d’une rare efficacité».
Lire attentivement les pages «Deuil» des quotidiens régionaux, c’est découvrir des textes surprenants. Certaines personnes seraient-elles en contact avec l’au-delà ou souhaiteraient-elles l’être? L’exposition «Goodbye & Hello: dialogue avec l’au-delà» donne à voir quantité de rencontres avec l’au-delà. Des phénomènes étranges que nul ne peut expliquer rationnellement.
Parcourir cette expo au Musée de la Communication de Berne, c’est expérimenter comment certaines personnes parlent avec les morts, suivre des âmes, entendre des récits de mort imminente, rencontrer des fantômes, assister à des séances de spiritisme, écouter des enregistrements acoustiques, lire des textes dictés par l’au-delà.
La communication avec l’au-delà prend trois formes. Soit les vivants communiquent avec les morts (par exemple via des faire-part de décès), soit les morts communiquent avec les vivants (via des apparitions ou sous forme de fantômes) ou encore, les vivants et les morts communiquent entre eux (séances de spiritisme ou via des médiums).
Poser la question des définitions et des délimitations claires de l’ici et de l’au-delà, c’est entrer dans un champs d’incertitudes. Ce grand flou permet la tenue de discours déconcertants. Ils le sont d’autant plus lorsque tenus par des médiums dont l’une, Beatrice Rübli, est en train de passer à côté d’une carrière cinématographique. Elle ressemble d’ailleurs étrangement à Scarlett Johansson sans maquillage. Devant sa vidéo, on reste scotché!
Avant de quitter les lieux, le public est appelé à prendre position. Un questionnaire interroge: tenez-vous la communication avec l’au-delà pour possible? Le jour de ma visite, les résultats enregistrés affichaient une nette majorité de réponses positives.
Si les visiteurs ne constituent, il est vrai, pas un échantillon représentatif, il est néanmoins surprenant de réaliser que j’ai côtoyé dans ce lieu des humains aux apparences tout à fait ordinaires qui me font douter de mes compétences en matière de communication. Depuis, lorsque je consulte mes sms, j’attends d’y lire enfin, comme sur l’affiche de «Goodbye & Hello», un message venu d’ailleurs.
