En intégrant les petits appareils portables, l’informatique entre dans l’ère post-PC. Le micro-navigateur de Microsoft sera intégré dans les téléphones WAP d’Ericsson. Mais le système d’exploitation Epoc de Psion n’est pas menacé.
Pour les fans de Psion, ce 8 décembre fut un mercredi noir, le jour du grand frisson. L’action du fabricant d’agendas électroniques a soudainement plongé de 40% avant de se ressaisir en fin de journée. Ché pasò? Ericsson venait d’annoncer son intention d’intégrer le micro-navigateur de Microsoft dans ses nouveaux téléphones WAP (appareils capables de lire des informations graphiquement simplifiées sur le Net).
Or le même Ericsson est un membre fondateur et important de l’alliance Symbian qui vise à promouvoir dans l’informatique nomade le système d’exploitation Epoc développé par Psion. Voilà qui explique la subite plongée en bourse du fabricant d’assistants personnels. Son allié Ericsson aurait-il passé à l’ennemi?
Eh bien non. Analysons plus avant cette annonce fort instructive quant à l’avenir high tech. En fait, Ericsson reste fidèle à Epoc, le solide «noyau» qui fera fonctionner ses portables intelligents de demain, mais y ajoute un navigateur allégé Microsoft comme il aurait pu choisir n’importe quelle autre marque. Qu’est-ce que le consommateur moyen en a à cirer? Rien, et c’est précisément cela la révolution de la génération post-PC: peu importent les composants pourvu que ça marche.
Pour l’ordinateur de bureau, le client devait choisir: Windows ou Mac, et cette conversion forcée dictait la suite de ses achats. Dans ce monde rigide comme au temps des guerres de religion, le logiciel était roi et Bill Gates pouvait donner l’illusion d’être génial.
Dans l’univers porteur du portable, c’est le contraire, le grand retour du matériel, de l’engin, du contenant, la revanche de la bécane sur son système d’exploitation. Bref:
IT’S THE HARDWARE, STUPID!
Pourquoi? D’abord pour une raison totalement irrationnelle et fondamentale. Nous pouvons à la rigueur vivre avec ces boîtes beige et moches que sont les ordinateurs de bureau, mais l’assistant personnel, c’est autre chose: un compagnon, un complice, un gadget, un truc bien à soi. On aime s’identifier à lui, donc on le veut hyperpratique, sympathique, agréable et surtout joli, bien dessiné. On s’arrache le Palm V, tellement stylé. Même phénomène avec les téléphones portables: voyez le succès insensé du nouveau Nokia 7110 avec WAP pour lequel il faut réserver l’appareil qui ne sera pas livrable avant… février.
Deuxième raison, le personal assistant est un enfant du Net, c’est-à-dire qu’il se moque de savoir qui est son père ou sa mère. Son utilisateur veut classer ses adresses, notes et rendez-vous, gérer son courrier électronique et y prendre plaisir. Il part du principe qu’en amont, tout le monde s’est mis d’accord pour qu’il puisse échanger, exploiter et imprimer ses données sans accroc.
C’est le principe sur lequel travaille le consortium Bluetooth qui permettra d’ici un ou deux ans de synchroniser toutes les machines (assistant personnel, ordinateur et téléphone). Palm, Windows CE, Epoc? Le client s’en fiche, pourvu qu’elles se parlent.
Bref, c’est un monde opposé à celui dans lequel Microsoft nous a contraint de vivre pendant des années, et c’est évidemment l’avenir. Bill Gates a-t-il obtenu une grande victoire en plaçant son micro-navigateur web dans les téléphones Ericsson? Il signe au contraire un extraordinaire, un stupéfiant aveu!
D’un coup d’un seul, le géant du soft renverse la logique du «tout-en-un» (celle du navigateur Explorer intégré au système d’exploitation Windows 98) qu’il jugeait vitale pour les PC au point d’être amené devant les tribunaux pour abus de monopole. Beau retour à l’humilité.
En fait, l’accord Ericsson-Microsoft n’est la victoire de personne. Il montre simplement que l’ère post-PC dans laquelle nous entrons connaîtra une foule de fournisseurs de soft plus anonymes qu’aujourd’hui. Réussiront ceux dont les systèmes seront aussi ouverts que possible, et non exclusifs comme l’a été Windows dans la préhistoire informatique.
Pour le reste, nous autres clients choisirons les petites machines dont le design, le confort d’utilisation et l’imagination nous séduiront le plus. Vivement Noël!
