- Largeur.com - https://largeur.com -

Le sommet de Pékin consacre le rôle mondial de la Chine

Est-ce l’ombre portée par la campagne électorale américaine? Ou plus prosaïquement la crainte d’avouer une perte de prestige et d’influence? Le fait est que le sommet du Forum Europe-Asie qui s’est tenu à Pékin les 24 et 25 octobre ne provoque pas des fleuves de commentaires. Il réunissait pourtant une partie importante de la fine fleur de la communauté internationale avec la participation des Etats de l’Union Européenne et de 16 pays asiatiques. Dont la Chine, puissance hôte du sommet. La date et le lieu étaient fixés d’avance, il ne faut donc pas y voir une soudaine initiative de la Chine. Il n’empêche, le rendez-vous tombait bien pour Pékin qui, trois mois après les JO, put ainsi polariser les regards sur un Empire du Milieu renaissant.

Or cette rencontre dégage un petit parfum historique: pour la première fois, les Européens, foudroyés par la crise financière, se présentaient à Pékin tête basse, en demandeurs. Même atteinte dans sa croissance (une baisse de son taux de 12% à 9%), même touchée par la crise financière (Citic Pacific, établissement de Hong Kong téléguidé par les hiérarques pékinois vient de perdre 2 milliards de dollars), la Chine est loin de connaître les affres qui, depuis des semaines, sont le lot des Etats-Unis et de l’Europe.

Alors que l’autre grande puissance asiatique reste plombée par un mutisme dû un peu à ses propres problèmes économiques et beaucoup à la déliquescence de son leadership politique, la Chine attire inexorablement des Occidentaux à la mémoire courte. Oubliés en effet les droits de l’homme, les lamentations tibétaines et ouïghoures, les méfaits du capitalisme sauvage; oubliés aussi les désastres environnementaux, le régime dictatorial, l’omniprésence policière.

La Chine est grande, la Chine est notre amie: nous avons déjà connu de telles toquades à l’époque où Mao séduisait de larges secteurs de l’intelligentsia européenne. Il est tout de même impressionnant de constater à quel point la morale peut céder le pas à l’intérêt purement pécuniaire. Car la source des déboires financiers actuels n’est-elle pas justement à rechercher du côté de la morale, de la «pertes des valeurs» selon l’expression consacrée?

Avec l’aval de la direction chinoise, le sommet de Pékin s’est prononcé pour une réforme en profondeur des systèmes monétaires et financiers et un rôle accru du Fonds monétaire international. Cette réforme sera l’objet d’une négociation entre une vingtaine de pays réunis à Washington à la mi-novembre. Comme les grands de ce monde aiment les sigles obscurs, ce sera le G20. Sarkozy, qui se sent des ailes de chef planétaire, trompète qu’il ne s’agira pas simplement de discuter, mais bien de prendre des décisions. Comme Bush n’est pas de son avis et que son futur successeur ne sera pas invité aux débats, le président français devra sans doute mettre une sourdine à son instrument.

Pour mesurer la réalité de la volonté d’introduire de nouvelles règles dans le système financier mondial, un sujet paraît particulièrement indiqué: le traitement réservé aux paradis fiscaux. Seront-ils eux aussi soumis à une législation un peu plus rigoureuse qu’aujourd’hui? Il ne s’agit même pas dans la situation actuelle de demander leur suppression pure et simple, mais de les mettre sous un contrôle sévère pour empêcher qu’elles pourrissent tout le système.

Ces paradis fiscaux existent depuis toujours sous une forme ou sous une autre. Mais l’essor pris ces dernières décennies par des territoires tels que les Iles Caïmans, si chères à la Banque Nationale Suisse, ou les Iles Vierges, symbolise la fameuse «perte de valeurs» de la finance mondiale. Or ces îles sont des colonies britannique (Caïmans) et anglo-américaine (Iles Vierges)! Ce sont donc Washington et Londres qui patronnent les détournements massifs de capitaux placés dans ces îles et soutiennent le financement et l’autoreproduction des mafias qui empestent le monde.