Un minuscule îlot divise l’Ukraine et la Roumanie. Explication: il est environné de fonds marins riches en pétrole. Aux juges de La Haye de trancher.
Le procès opposant la Roumanie à l’Ukraine à propos de l’établissement d’une frontière maritime unique entre les deux États dans la mer Noire a été ouvert ce 2 septembre devant la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye. La décision des juges permettra de délimiter le plateau continental et les zones économiques exclusives relevant de chacun des deux Etats.
C’est en 2004 que, faute d’avoir pu trouver un accord avec son grand voisin, la Roumanie s’est décidée à recourir à un arbitrage international. La décision de la CIJ devrait tomber au printemps prochain.
En temps normal, signaler un tel procès n’aurait pas grand intérêt. Mais pour les riverains de la mer Noire, les temps ne sont pas normaux du tout. Deux d’entre eux (la Géorgie et la Russie) sont en guerre. L’Ukraine et la Roumanie sont en froid. Je l’ai constaté récemment lors d’un passage en Bucovine et en Galicie. Les bisbilles sont nombreuses, de l’ouverture de nouveaux postes de douanes à la navigation dans les bouches du Danube. Mais le vrai litige est celui de la frontière maritime et de la délimitation du plateau continental car le sous-sol marin est riche en gaz et en pétrole.
La difficulté de tracer les limites maritimes tient à l’existence, au large du delta du Danube, d’un îlot minuscule de 0,17 km2, la bien nommée Ile des Serpents. Il s’agit d’un gros rocher qui affleure à 45 km de la côte et sur lequel un phare a été construit à la fin du XIXe siècle.
Après la dernière guerre mondiale, lorsque la Roumanie a été occupée par l’URSS, une rectification de frontières a attribué cet îlot à Moscou, qui y fit construire un poste militaire d’observation.
Lors de l’effondrement de l’URSS et l’apparition de l’Ukraine indépendante, la Roumanie commença par inclure cette île dans diverses revendications territoriales envers l’Ukraine.
Bucarest aurait, selon Wikipedia, renoncé à cette revendication en 2008 pour favoriser son intégration à l’OTAN. L’affirmation n’est pas référencée et je n’en ai pas trouvé confirmation. Le fait est que ces jours-ci, la presse roumaine est muette sur cet aspect de la question. Et pour cause: en 2001, la découverte de gisements de pétrole et de gaz au large de l’île changeait radicalement la donne économique. Aussitôt, l’Ukraine faisait en sorte de rendre l’îlot habitable en y transportant de la terre arable et quelques dizaines d’habitants, en majorité des militaires.
Du coup, en droit maritime, le rocher devenait une île et augmentait la superficie de ses eaux territoriales. A La Haye, les avocats roumains vont bien sûr plaider en faveur du rocher. Si la CIJ leur donne raison, les réserves de gaz et de pétrole donneraient à Bucarest une autonomie énergétique estimée à 15-18 ans. S’ils perdent, ces réserves tomberaient à une année ou deux.
