Grâce à un assemblage de formes et de couleurs, il est désormais possible de voir les marques corporelles en trois dimensions. Une innovation qui n’est pas du goût de tous.
On les avait laissées dans les salles de projection des parcs d’attractions. Les lunettes 3D marquent aujourd’hui leur retour dans un secteur où on ne les attendait pas: le tatouage. Plus précisément, elles permettent de voir en relief des figures dessinées sur la peau.
Décriée par certains puristes, cette nouvelle méthode utilise des tonalités rouges, noires et bleues pour provoquer des effets de distorsion, de mouvement ou d’espace.
«Grâce à des précurseurs comme Yann Black (célébrité dans l’univers du tatouage, ndlr), le public s’ouvre désormais à d’autres styles que le tribal, le polynésien ou le japonais», remarque Jean-François Palumbo, du salon de tatouage bruxellois Boucherie Moderne.
«Jef», comme on l’appelle, est un fervent partisan du renouveau graphique dans le tatouage. Les prestations de ce Belge de 38 ans, qui «pique» depuis 15 ans, ont fait beaucoup de bruit à la récente Tattoo Art Fest de Vincennes. Parmi ses dernières réalisations figurent notamment un diamant visible en 3D, un cœur qui bat, des ciseaux en action ou une tête de mort qui prend forme lorsque l’on recule.
Cette «émancipation du dessin» n’est cependant pas du goût de tous: dans les conventions, nombreux sont les initiés qui affichent leur attachement à une tradition plus classique.
«Heureusement qu’il existe des disparités, relève Jean-François Palumbo. Personnellement, je respecte les gens qui demandent un portrait de Johnny Hallyday, j’en ai fait des quinzaines… Je trouve juste que c’est très pauvre graphiquement.»
Loin de l’idée reçue selon laquelle ils seraient tous d’anciens bykers ou des taulards recyclés, de plus en plus de tatoueurs sortent d’écoles de graphisme.
C’est le cas de Jean-François Palumbo, mais aussi du Lausannois Maxime Buechi, fondateur du magazine de tatouage Sang Bleu. Selon lui, il convient de ne pas surestimer l’impact de ce nouveau type de tatouages: «Le grand problème est que l’on ne sait pas comment ils vont évoluer dans le temps, au contraire des tatouages traditionnels, largement éprouvés.»
Le tatouage continue ainsi de se démarquer de son image baston/bécane, voire d’une certaine beaufitude, à laquelle il souvent associé dans l’imaginaire collectif. Or, à mesure que son acceptation sociale se renforce, il se vide de sa substance et de sa symbolique, pour s’apparenter à une simple panoplie fashion.
«La mode est aujourd’hui au style old school, dit Jean-François Palumbo. Dans les rues, on ne compte plus les filles qui portent des tatouages de pin-up. Y a-t-il la moindre réflexion derrière? Elles veulent surtout vivre leur quart d’heure de marginalité, loin de toute forme d’authenticité.»
Une sincérité d’autant plus souhaitable qu’un tatouage est censé vous accompagner non pas un quart d’heure, mais toute une vie…
