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Un monde qui peine à tourner rond

Le G8 japonais s’est terminé dans l’indifférence générale. Personne ne croit plus aux élucubrations que les conseillers des chefs d’Etat couchent sur le papier sans même prendre la peine de chercher à être convaincants. De prime abord, cette indifférence pourrait signifier que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Or chacun sait qu’il n’en est rien. Pour la première fois depuis une quinzaine d’années, la mondialisation libérale de l’économie est remise en cause. Membres du G8, les Etats-Unis, la France, l’Italie sont en train d’ébaucher un retour au protectionnisme en cherchant à masquer le tournant avec des proclamations aussi creuses que les programmes politiques de leurs présidents.

Il est assez pathétique de voir ces parangons de l’ultralibéralisme se replier sur le pré carré de leurs intérêts nationaux et électoraux. Mais les gauches ne se portent pas mieux. Il est trop tôt pour savoir ce que pourrait faire un Barack Obama si jamais il parvenait au pouvoir. On voit par contre où en sont les gauches européennes. En Italie, tétanisée par l’ampleur de leur récente défaite électorale, la gauche centriste emboite benoitement le pas des racistes lombards.

En Autriche, le gouvernement de grande coalition vient de tomber sur une provocation eurosceptique des dirigeants socialistes. Ils iront aux urnes le 28 septembre prochain en flattant dans le sens du poil un électorat majoritairement fâché avec l’Union européenne. En France, incapables de se décider sur l’Europe ou la mondialisation, les socialistes se livrent à une guerre interne qui n’est pas sans rappeler les pires errements de la SFIO de l’après-guerre.

L’énumération n’est pas exhaustive, mais son seul énoncé montre que le clivage entre dirigeants et dirigés se creuse aussi rapidement que celui qui divise les grandes fortunes des pauvres gens. Nous assistons à un retour massif de la paupérisation des bourses et des esprits qui, l’histoire nous l’enseigne, précède les grandes crises mondiales.

La crise, nous y sommes, direz-vous. Oui, mais elle est encore larvée. On le voit au fait que l’idéologie dominante est encore unidimensionnelle. Comme si, appréhendant instinctivement les violences à venir, chacun se taisait dans son coin. Ou se contentait de participer virtuellement aux grandes manifestations unanimistes: l’Eurofoot, Ingrid Betancourt, demain les JO.

Les dissidences font peur comme s’il ne fallait pas élever la voix par crainte d’attirer le malheur. Regardez la malheureuse Ségolène qui a eu le toupet de ramener son grain de sel à propos de la libération d’Ingrid Betancourt. Elle a été vouée aux gémonies par les beaux parleurs réunis de la politique et des médias.

Regardez à Rome l’ancien juge Di Pietro se faire insulter parce qu’il a osé s’étonner de ce que le président Napolitano, mélangeant les genres, signe un décret le mettant lui-même à l’abri de toutes poursuites pendant son mandat. Ou encore, la cinéaste Sabina Guzzanti, traînée dans la boue pour avoir mis en cause le poids du pape dans la politique italienne.

Nous connaissons depuis des années les vices du politiquement correct, l’escroquerie intellectuelle qu’il représente, les turpitudes qu’il permet de cacher quand ses hérauts se nomment Bush, Sarkozy, Berlusconi, etc. Des gens qui vous disent droit dans les yeux que leur action fait avancer la société dont ils ont la charge alors que la grande majorité de leurs administrés constate quotidiennement le contraire.

Or avec l’unanimisme actuel, avec les censures et les autocensures, avec le matraquage médiatique permanent, nous sommes parvenus au-delà du politiquement correct. C’est comme si un journaliste sportif s’entêtait à dénoncer le dopage au tour de France alors que personne ne peut ignorer aujourd’hui que le Tour est une machine à doper, le support de la dope.

La bulle unidimensionnelle qui nous étouffe finira par éclater en libérant des énergies qui ne demandent qu’à se manifester. Quelle en sera la cause? Nous n’avons que l’embarras du choix: une explosion sociale en Occident provoquée par la cherté de la vie et les restrictions énergétiques, l’élargissement de la guerre au Proche-Orient, le retour des vieux nationalismes européens avec le durcissement des positions russes, une implosion de la dictature chinoise…

Les abcès ne manquent pas. La seule chose certaine est que, la mondialisation ayant fait un bon bout de chemin, nos sociétés sont si intégrées que le collapsus de l’une frappera forcément les autres.