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Deux nouvelles très réjouissantes

Deux nouvelles très réjouissantes sont tombées ces derniers jours. A Bruxelles, alors qu’il ne s’y attendait pas du tout, le politicien, chef de guerre et richissime homme d’affaires congolais Jean-Pierre Bemba a été cueilli par la police et incarcéré en attente d’extradition vers La Haye où il sera jugé par la Cour Pénale Internationale qui avait lancé un mandat d’arrêt secret contre lui.

Au Chili, ce sont une centaine de sbires, soldats et policiers, du régime Pinochet qui ont été arrêtés 35 ans après leurs forfaits. Ils devront répondre de la disparition de 42 personnes au début de la dictature, dans le contexte de l’ «opération Colombo».

Certains des anciens agents arrêtés lundi appartenaient à la Dina, la police politique de Pinochet qui gérait des centres de torture où des centaines d’opposants ont disparu sans laisser de trace.

Les deux affaires sont très différentes sur le plan juridique. Dans le cas du Chili, c’est la justice locale qui est parvenue à terminer une longue enquête grâce au changement des équilibres politiques internes et à l’affaiblissement du camp nationaliste. Reste à voir si les poursuites actuelles aboutiront. On se souvient que l’accusé Pinochet est mort dans son lit.

L’Argentine voisine connaît aussi ces incertitudes. Début avril, une jeune femme enlevée à ses vrais parents pour être donnée en adoption à des militaires a obtenu la condamnation de ses parents adoptifs. Les défenseurs des droits humains eurent à peine le temps de se réjouir: trois semaines plus tard, la présidente Cristina Fernandez confirmait la disparition d’un militant témoin-clé dans plusieurs procès contre les anciens responsables de la dictature militaire en Argentine.

La semaine dernière, un procureur demandait qu’un mandat d’arrêt soit lancé contre l’ancien président Carlos Menem. Il l’accuse d’avoir bloqué la première enquête ouverte sur l’attentat de 1994 contre un centre de la communauté juive de Buenos Aires, qui avait fait 85 morts.

Dans ces pays qui subirent de sanglantes dictatures et dont la démocratisation se fait pas à pas, la justice avance un peu au rythme de l’évolution du pays. Cahin-caha.

A La Haye, elle ne va pas plus vite, mais elle progresse inexorablement. La Cour pénale internationale est une cour indépendante permanente devant laquelle sont jugées les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.

Créée par le traité de Rome, elle compte actuellement 105 Etats signataires dont les Européens. Mais trois poids lourds mondiaux, les Etats-Unis, la Russie et la Chine, refusent toujours de se soumettre à une juridiction supranationale.

Par décision de l’ONU, la CPI a été flanquée de trois Tribunaux spécifiques chargés de s’occuper des drames de l’ex-Yougoslavie, du Rwanda et de la Sierra Leone. Ces tribunaux fonctionnent parallèlement, ce qui ne les empêche pas de se servir mutuellement d’exemples.

Ainsi, c’est en voyant certains déboires rencontrés par Carla del Ponte, sa collègue du TPIY, que le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo, entré en fonction il y a cinq ans, a défini sa méthode: pas d’enquêtes fourre-tout où l’on ne s’y retrouve plus, mais des faits, rien que des faits. Il avance à pas plus que comptés, mais bétonne ses instructions.

Présentant l’arrestation de Bemba, il a conclu:

«Jean-Pierre Bemba est la quatrième personne arrêtée par la CPI. Le 5 juin prochain je présenterai au Conseil de Sécurité des Nations Unies mon rapport sur les crimes et la destruction de communautés entières au Darfour. Notre premier procès sur le recrutement d’enfants soldats va bientôt commencer. Nous poursuivons notre travail de suivi de toutes les situations dans le monde où des crimes relevant de notre compétence auraient été perpétrés, de la Colombie à l’Afghanistan. La justice internationale est en marche.

L’intérêt de toutes ces affaires tient au fait que dorénavant, non seulement la piétaille sait qu’un jour ou l’autre elle sera poursuivie pour ses excès, mais aussi que les chefs de guerre peuvent se retrouver au trou du jour au lendemain. Il y a sur la planète de nombreux Bemba qui doivent s’interroger sur leur avenir.