On peut appartenir à l’Union européenne sans pour autant retenir l’attention des grands médias internationaux. Qui sait ce qui se passe dans cette Slovaquie qui s’apprête néanmoins à entrer dans la zone euro?
De même, on ne peut dire que la Slovénie, actuellement en charge de la présidence européenne, ait déchiré le rideau de silence qui l’enveloppe. Son apport à la construction européenne est-il stimulant? Son gouvernement aurait-il manifesté une opinion sur la marche triomphale de la flamme olympique? Mystère…
Un autre pays pas si lointain est victime du même désintérêt, c’est la Bulgarie, européenne depuis l’an dernier. Or depuis quelques jours, il s’en passe de belles à Sofia.
Un des hommes forts du pays, celui qui avait préféré s’effacer devant l’actuel premier ministre Serguei Stanichev pour conserver la haute main sur le ministère de l’Intérieur, a été limogé.
La raison? Elle est simple et révélée sans fard la semaine dernière par un sondage: 80% des Bulgares sont convaincus des liens entre le monde criminel et les organes de sécurité!
Ce patron très particulier d’une police singulière s’appelle Rumen Petkov. Il est aussi un dirigeant de premier rang du parti socialiste bulgare (BSP, ex-communiste), membre de l’Internationale socialiste. Un sondage ne permet évidemment pas de se débarrasser d’un personnage aussi puissant. Sa chute (passagère?) est le fruit de pressions déterminées de Bruxelles qui, faute de voir ses recommandations respectées, a la fâcheuse tendance à fermer le robinet à euros.
Que lui reproche Bruxelles? Des relations illicites avec le monde interlope et mafieux de la capitale bulgare. La non-élucidation de 150 assassinats politico-mafieux au cours de ces dernières années. Dont deux exécutions coup sur coup en plein jour et en pleine ville les 6 et 7 avril.
Première victime, un homme d’affaires actif dans les milieux de l’énergie atomique. Deuxième victime, un gangster repenti devenu romancier à succès qui prenait plaisir vilipender les excellences (dont un général ancien ministre des Affaires étrangères) pour leurs liens avec le crime organisé.
La pression européenne a aussi entraîné des changements à la tête de trois autres ministères dont la gestion s’est révélée largement insuffisante pour ne pas dire plus. Il s’agit de l’Agriculture, de la Santé et de la Défense.
En outre, un poste de vice-premier ministre chargé des Fonds européens est créé de toutes pièces. La Bulgarie est en droit de prétendre à près de sept milliards d’euros des fonds structurels et de cohésion de l’UE jusqu’en 2013. Or plusieurs programmes de soutien ont été supprimés par Bruxelles suite à des détournements de fonds, notamment dans les infrastructures routières et le développement agricole.
Le cas du ministère de la Défense est intéressant: son titulaire, limogé, était un membre du MNSP, le parti de l’ex-roi Siméon de Saxe-Cobourg qui avait opéré il y a quelques années un retour en fanfare dans son pays.
Cela prouve que les anciens pays socialistes sont allergiques à toute greffe politique venue de l’extérieur. Au lieu de se résorber, le clivage entre les gouvernés et les gouvernants s’accentue. Au point d’empêcher un manager rompu au libéralisme occidental comme l’ancien roi de se différencier des autres membres de la caste dirigeante.
Cela signifie aussi qu’il faudra plus qu’un remaniement ministériel pour qu’un Etat comme la Bulgarie fonctionne vraiment selon les critères communément admis à l’échelle européenne. Le constat est malheureusement valable pour d’autres. Et ce qui se passe en Italie, un des six membres fondateurs de l’UE, n’est pas vraiment encourageant ni exemplaire.