GLOCAL

Quand le pape concurrence un fasciste hollandais

En faisant du baptême d’un musulman un événement médiatique, Benoît XVI tombe dans la provocation stupide. Et se met au niveau du député néerlandais qui traîne l’islam dans la boue.

Benoît XVI n’en rate décidément pas une! Dès que s’offre la possibilité de chercher noise au musulman, il embouche les trompettes de la croisade. Il l’avait déjà fait à Ratisbonne en 2006 en faisant semblant de s’attaquer à une autre problématique (la foi et la raison) alors le contexte politique de la déclaration prêtait à confusion.

Il vient de recommencer en administrant dans la nuit de Pâques le sacrement du baptême à un Egyptien converti à l’italianité (il est journaliste au Corriere della Sera) puis au christianisme sous sa forme catholique, apostolique et romaine. Or ce journaliste, Magdi Allam, n’est pas le premier venu. Il s’est construit une réputation sulfureuse en maniant depuis des années la provocation envers l’islam qu’il accuse de privilégier la violence. Comme si les autres religions monothéistes brillaient par leur pacifisme!

En première page de son journal, dans un texte (fort mal écrit) respirant une bigoterie que l’on osait croire révolue depuis un bon siècle, le brave homme explique que «mon esprit s’est affranchi de l’obscurantisme d’une idéologie qui légitime le mensonge et la dissimulation, la mort violente qui pousse (sic!) à l’homicide et au suicide, la soumission aveugle et la tyrannie, me permettant d’adhérer à la religion authentique de la Vérité, de la Vie, de la Liberté».

Ouf! Au-delà d’un charabia qui n’est même pas de sacristie, on constate que le Vatican met en scène les convertis qu’il peut. Il y a peu de chance qu’il ait ainsi conquis un nouveau théologien de valeur. Il s’est par contre acquis un propagandiste de premier ordre. La cérémonie au cours de laquelle le baptême a eu lieu a été diffusée dans le monde entier. Pour ne pas en gêner le déroulement, le Vatican n’a annoncé le baptême que moins d’une demi-heure avant l’office dans la basilique Saint-Pierre de Rome.

Pour faire bonne mesure, le quotidien du Vatican, L’Osservatore Romano, consacrait mardi 25 mars son éditorial de une à l’affaire, assurant que le geste de Benoît XVI était l’expression de la liberté religieuse et qu’il n’était absolument pas dirigé contre l’islam. «Il n’y a aucune intention hostile contre une religion aussi importante que l’islam», écrit Gian Maria Vian, rédacteur en chef du journal. «Depuis des décennies maintenant, l’Eglise catholique a montré sa volonté de dialoguer avec le monde musulman, malgré des centaines de difficultés et d’obstacles». Ben voyons!

Il est par ailleurs frappant de constater que l’élévation d’esprit de Magdi Allam, de l’éditorialiste du Vatican et du pape lui-même est à peu près équivalente à celle de ce député d’extrême droite néerlandais Geert Wilders qui défraie la chronique depuis des semaines en annonçant urbi et orbi sa volonté de mettre en ligne un film attaquant l’islam et le Coran quitte à provoquer l’ire des islamistes fanatiques.

Depuis quand répond-on au fanatisme par le fanatisme? Depuis toujours, hélas! C’est une évidence. Mais est-ce une raison suffisante pour continuer à le faire? Poser la question, c’est y répondre en grande partie. Ce qui n’empêche pas de mettre en évidence que parmi les confessions chrétiennes, le catholicisme romain (comme l’orthodoxie orientale que l’on entend peu mais qui n’en pense pas moins) est largement en retrait sur toute démarche œcuménique.

C’est le cas depuis une bonne trentaine d’années, soit depuis l’arrivée au Vatican de Jean Paul II, pape soldat à l’ancienne ne réfléchissant qu’en termes militaires et développant des stratégies de reconquête. Cela ne lui a pas réussi, mais son successeur n’en a cure et maintient le cap. Avec un surcroît de dogmatisme théorique et une fâcheuse tendance au sectarisme. Que, dans son aveuglement, il accélère le repli régressif de l’Eglise catholique ne met pas en cause la paix sociale. Mais que ce faisant, il provoque un retour de flamme de la part d’islamistes encore plus sectaires et bornés que lui, devient un vrai problème politique, même pour les non catholiques.

En effet, les relations entre le monde occidental et les pays musulmans se sont détériorées à un tel point ces dernières années que l’on pourrait s’attendre sinon à une certaine intelligence politique du moins à un peu plus de retenue de la part d’une personnalité qui aspire à se faire passer pour une haute figure morale.