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Squatters de luxe

Six mois dans un pub désaffecté, puis six autres dans un ancien commissariat de police, avant d’atterrir dans la salle de classe d’une école ou dans une chapelle: c’est le nouveau mode d’habitation des branchés urbains.

Flexible, inhabituel et surtout très bon marché. Joël, sociologue et journaliste vaudois installé à Londres, s’apprêtait à quitter la ville en raison des loyers exorbitants: «Jusqu’à ce que je trouve ce plan qui a tout arrangé.»

Le plan, c’est une ingénieuse équation «win-win» à trois termes. Soit une société spécialisée, nommée Camelot Property, qui se charge de repérer des lieux inhabités en attente de rénovation ou de destruction. A leurs propriétaires, elle propose un contrat de gardiennage.

En échange d’environ 150 livres par mois (quelque 400 francs), elle assure la surveillance du bâtiment désaffecté, le prévenant de tout acte de vandalisme ou d’occupation illégitime par des squatters.

Sauf que les gardiens que place Camelot ne sont pas des professionnels de la sécurité, mais bien des candidats au logement comme Joël, qui paie un petit loyer.

«Pour 200 livres, je peux vivre dans un appartement d’une maison victorienne qui me coûterait trois fois plus cher sur le marché immobilier traditionnel», raconte-t-il.

En vigueur depuis 2002 sur les rives de la Tamise, le concept de Camelot Property connaît déjà une longue histoire aux Pays-Bas où près de 8’000 personnes vivent comme gardiens de propriété. Le succès est tel que la société s’est depuis installée en Belgique, en Irlande et en Angleterre. John Mills, son directeur britannique, estime que dans ce pays, le potentiel est d’environ 35’000 logements.

Si les conditions financières sont déterminantes pour beaucoup des clients de Camelot, l’originalité des espaces proposés joue aussi un rôle dans sa réussite: «On trouve des trucs d’enfer comme des lofts au bord de la Tamise ou des usines complètement dingues», assure Joël.

Reste alors à faire quelques transformations pour rendre le lieu habitable, seul le minimum comme l’eau courante et l’électricité étant assurés. Mais la clef de ces lieux de vie improbables n’est pas confiée à n’importe qui: «Ils font une sélection. Le candidat doit justifier d’un emploi fixe et de fiches de salaires sur les douze derniers mois. Les enfants et les animaux de compagnie sont interdits.»

Un inspecteur de l’agence vérifie en outre que le gardien s’acquitte de sa tâche de protection et ne concoure pas à la destruction du bâtiment qu’il occupe.

En clair, Camelot ne s’adresse pas aux pauvres, ni aux squatters, mais plutôt à la frange la plus bohème des bobos. Le contrat de gardiennage stipule d’ailleurs que le contractant s’engage à quitter les lieux dans un laps de temps d’un mois si le propriétaire désire reprendre possession de son bien.

L’entreprise prévoit de s’étendre prochainement en France. Quant à la Suisse, elle ne serait pas la dernière de ses priorités, dixit un de ses employés belges.

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Une version de cet article est parue dans L’Hebdo du 17 janvier 2008.